Harari a publié trois essais, tous devenus des best-sellers dans le monde entier depuis 2012 et traduits en plus de 30 langues. Il nous aide à comprendre nos problèmes : morts dans les CHSLD, solitude, santé mentale, etc.
C’est un sujet extrêmement délicat et émotif. En voyant ces moribonds partir, cela nous interpelle tous. Nous souhaitons améliorer les choses, réduire les décès. Mais pour ce faire, il faut « laisser le temps faire son œuvre », sortir du monde des émotions, des affects pour commencer à réfléchir, comprendre et faire appel au monde des concepts, de la rationalité. La première étape consiste à situer le problème dans son contexte historique. C’est ce que je vous propose en résumant Harari. J’ai remplacé ses exemples par des réalités québécoises.
Les sujets de son livre nous poussent à réfléchir, à prendre du recul et font « mouiller du cerveau ». La lecture nécessite une attitude d’esprit à la portée de tous : le respect de la culture générale, la valorisation des connaissances historiques et l’abandon du relativisme ambiant (si vous êtes tombé dedans).
Dans Sapiens, Harari aborde le sujet de la famille, l’effondrement de la famille et de la communauté pour aider à comprendre les effets du coronavirus.
Selon Harari, depuis la nuit des temps, jusqu’à la Révolution industrielle (1820), les hommes travaillaient à la ferme, se connaissaient tous et vivaient ensemble. C’était la famille qui pourvoyait à la protection sociale, la santé, l’éducation et tous les autres services nécessaires pour assurer la survie, comme l’aide aux personnes handicapées. Les économies agricoles traditionnelles dégageaient peu d’excédents pour nourrir des foules de commis de l’État, de policiers, de travailleurs sociaux, d’enseignants et de médecins. La vie en dehors de la famille élargie était inimaginable et entrainait presque la mort.
Ma mère Agathe disait : « l’homme qui vit seul est comme un ours ». Les moyens de transport étaient limités. Les changements de classes sociales aussi. Le crédit n’existait pas ni les faillites… Le premier rôle de la ferme était de nourrir la famille et de vendre les surplus pour acheter ce que les habitants ne pouvaient produire. L’agriculture de subsistance dominait. N’est-ce pas là un peu la situation du Québec, d’avant la Révolution tranquille ?
Les enfants des agriculteurs, des notaires ou des curés suivaient la voie tracée par leur père. Nous sommes passés d’un type de famille dans laquelle, comme le racontait Jacques Grand’Maison, « les grands-parents ont plusieurs petits-enfants, à une [famille] où le petit enfant a plusieurs grands-parents ». La famille de 12 enfants a diminué à un enfant-roi. Des 18 personnes par maison, nous avons maintenant plus de 47 % des Montréalais qui vivent seuls dans leur maison.
Jusqu’en 1960, la famille était au centre de la vie et l’église au centre de la vie communautaire, son rôle principal. L’émission La famille Plouffe le démontre bien. Les vieux mouraient à la maison et les bébés naissaient à la maison. Le médecin traitait à domicile et était pauvre comme le bon docteur Bouclier des Belles histoires des Pays d’en Haut. Le laitier, le boulanger, l’épicier passaient à la maison trois fois par semaine, toutes les femmes étaient enceintes…
Tous applaudissent de nos jours les gains de la Révolution tranquille qui a donné naissance à une nouvelle classe sociale au Québec, celle des fonctionnaires. L’État a remplacé les communautés religieuses dans l’éducation, la santé et les services sociaux. La famille a abandonné ses charges ancestrales. Les médecins sont les grands gagnants. L’accent qui est mise sur l’aide aux plus vulnérables ne cache-t-elle pas le fait, que dans notre société matérialiste et de consommation, les écoliers hyperactifs, les malades, les vieux sont de grands consommateurs de médicaments, de soins, d’experts ?
Harari conclut ce chapitre. « Il aura suffi de deux petits siècles pour faire de nous des individus aliénés. » (et de 60 ans au Québec…) Je vous invite à le lire et à tirer vos propres conclusions.
HARARI, Yuval Noah, Sapiens. Une brève histoire de l’humanité, Albin Michel, 2012, 501 pages