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Victime de la COVID-19, décès de Huguette Blondin-Taylor, première mairesse élue dans les Laurentides

Huguette Blondin-Taylor, 81 ans

Ex-mairesse de Saint-Hippolyte de 1981 à 1985

Huguette Blondin-Taylor victime de la COVID-19

 

La première et la seule mairesse élue de Saint-Hippolyte est décédée du coronavirus, le 10 avril dernier, à l’âge de 81 ans. Femme encore très lucide, elle a malheureusement vécu ses derniers moments de vie, seule, isolée et loin de sa famille.

 

Pionnière dans le monde de la politique municipale de Saint-Hippolyte en 1981, elle a tracé le chemin pour d’autres dans les Laurentides. «Une femme peut contribuer grandement au système politique par ses connaissances et ses qualités.» avait-elle déclaré alors, au moment de cette élection.(1) Elle avait vu juste à Saint-Hippolyte et dans ses autres implications politiques ! (2) Au cours de son seul mandat (1981-1985), les réalisations et les politiques mises en place avec son équipe demeurent encore aujourd’hui des acquis précieux pour tous les citoyens.

 

Vivre en résidence pour personnes âgées

Femme encore très active et surtout lucide de la vie autour d’elle, madame Blondin-Taylor vivait depuis quelques années dans une résidence pour personnes aînées à Pointe-Claire.(3) Comme dans d’autres résidences, le coronavirus s’est introduit et s’est propagé parmi plusieurs résidents. Huguette Blondin-Taylor, respectant pourtant les mesures sanitaires d’isolement mises en place pour la santé de tous les résidents de cette maison, a malheureusement contracté la maladie. Confinée, malade et alitée durant les derniers moments de sa vie, sa famille n’a pu lui rendre visite durant les deux semaines de sa maladie!

 

Message posthume vidéo

Triste consolation. Sans se douter de l’avenir qui l’attendait, Huguette Blondin-Taylor a laissé un témoignage posthume des derniers moments de vie dans l’isolement obligé de sa résidence. Une vidéo captée pour Radio-Canada par le journaliste Frédéric Arnould quelques jours avant de tomber malade et de devoir être isolée dans sa chambre, la montre encore vive devant la caméra. Pour sa fille Jo-Anne Sauvé-Taylor et les membres de sa famille, c’est un souvenir bien triste de cette mère, grand-mère et arrière-grand-mère qui a joué un rôle important dans la communauté de Saint-Hippolyte.

 

Dernier message d’amour

Ne pouvant aller la visiter, sa fille et son beau-fils prenaient souvent de ses nouvelles par l’entremise du personnel soignant et d’échanges vidéo. Quelques heures avant sa mort, avertie par les autorités, sa fille Jo-Anne lui a laissé ce message capté sur vidéo : «Au plus beau sourire qui a su charmer ceux et celles qui ont eu le privilège de te connaître, je t’aime mom! »

 

Vous pouvez faire parvenir un message de condoléances à la famille d’Huguette Blondin-Taylor au https://www.dignitymemorial.com/fr-ca/obituaries/pointe-claire-qc/huguette-blondin-9125140

Pour visionner la vidéo d’Huguette Blondin-Taylor

Frédéric Arnould, Ne pas pouvoir dire adieu, Radio-Canada, 2020

https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8253915/ne-pas-pouvoir-dire-adieu?isAutoPlay=true

1 Écho du nord, 2 novembre 1981
2 Elle fut quelque temps attachée politique de Robert Bourassa.
3 Résidence du groupe Herron

 

Première mairesse élue dans les Laurentides*

 

Il y a maintenant 39 ans, Huguette Blondin-Taylor par sa victoire comme mairesse a marqué l’histoire de la vie politique municipale de Saint-Hippolyte et celle des femmes dans les administrations municipales des Laurentides.

 

Bien que depuis longtemps, d’autres avant elle, avaient réussi à occuper un poste de « femme maire, femme conseiller et femme administrateur »1 au sein des rouages municipaux du Québec2, aucune n’avait atteint celui de mairesse élue lors d’un suffrage général des électeurs dans les municipalités rurales des Laurentides.3 Huguette Blondin-Taylor a tracé une route que d’autres femmes ont suivie par la suite. Ainsi autour, dans les autres municipalités laurentiennes, Liane Lamarche Nightingale dans l’ancienne municipalité de New Glasgow, en 1976, a succédé sans élection à son mari; Violette Gauthier (1987 à 2003) a été élue à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson; Claire Boivin-Boisvert (1990-1992) à Prévost; Jocelyne Légaré (1993-1997) à Saint-Colomban ainsi que Louise Gallant qui est mairesse à Sainte-Sophie, depuis 2013.4 À l’échelle du Québec, on compte aujourd’hui (élection de 2017) 210 mairesses pour 1108 municipalités.5

 

Vivre à Saint-Hippolyte

Huguette Blondin-Taylor était native et habitait le Grand Montréal où elle réussissait très bien comme agente immobilière. Voulant profiter de la nature estivale dans les Laurentides avec son conjoint et leur fille, la famille a acquis une résidence secondaire au lac de l’Achigan. Rapidement, les gens et le milieu leur ont plu. Désirant profiter d’une vie calme et centrée sur les activités familiales avec leur fille qui débutait sa scolarité, ils ont décidé de s’installer à l’année dans ce coin laurentien. Travaillant pour l’agence immobilière Arpensol et active socialement, c’est au sein du comité de parents de l’école Notre-Dame-du-Rosaire qu’elle a vécu son initiation comme porte-parole des parents et représentante des intérêts de la collectivité.

 

Politique municipale

Depuis la fin des années 1960, Saint-Hippolyte vit une croissance rapide. La population résidentielle a triplé en moins de dix ans et celle des vacanciers encore plus, depuis qu’ils sont devenus villégiateurs durant presque trois saisons. L’administration du maire Roger Cabana et des administrateurs municipaux, depuis 1975, se penchent sur une planification de l’aménagement du territoire. Parmi leurs objectifs : la mise en place d’une législation sur les lotissements, les règles de construction immobilière et sur l’obligation aux propriétaires de lots de tenir compte de milieux fragiles qui présentent des éléments uniques par l’aménagement d’aires de protection. Cependant, la population réagit mal à la mise en place de ces règlements. Elle y voit une appropriation de la ville sur leurs terres privées et accuse les administrateurs de leur dire comment vivre. C’est dans ce contexte qu’Huguette Blondin-Taylor prend alors en main l’administration municipale, lors de l’élection de 1981.

 

Slogan : Bien informer la population

Tenant compte de ces récriminations, elle et les six membres de son équipe : Charles Charron, Michel Gratton, François Nolasco, Jacques Roussel, Michel Dagenais et Réal Bonin font campagne en soulignant l’importance de s’engager à tenir la population toujours informée et à rechercher son appui pour soutenir les élus dans les décisions nécessaires. Cette représentativité plaît à la population votante composée de beaucoup de villégiateurs. Tous les membres de son conseil sont élus. « La tâche était immense, se rappelle Charles Charron. Aucun d’entre nous n’avait d’expérience en politique! Mais, sous la gouverne facile d’approche de madame Blondin-Taylor, humble et toujours à l’écoute de nos commentaires et propositions, nous avons travaillé fort pour répondre aux besoins les plus urgents. »6

 

Réalisations et projets

Comme sous plusieurs administrations politiques, le premier mandat vise à répondre aux besoins les plus urgents laissés par l’administration précédente. Ce fut le cas, entre autres, pour la création d’un lieu communautaire (Centre éducatif et communautaire Les Hauteurs). Une fois réglés, les élus répondent aux besoins et aux attentes des citoyens. Pour s’assurer de trouver les meilleures solutions, ils s’investissent dans des études et recherchent des sources de financement  gouvernemental  et autres. Et, c’est seulement durant un deuxième mandat que ces élus voient leurs projets se concrétiser. Bien que la population n’ait pas accordé un deuxième mandat, l’administration Blondin-Taylor a réussi en peu de temps, des coups de maître dont la municipalité s’enorgueillit encore.

 

En voici quelques-uns :

1985 Inauguration Centre comm et éducatif des Hauteurs

 

Centre Éducatif et Communautaire Les Hauteurs : Taxe de 50 ¢ pour tous!

Une des premières réalisations de cette administration a été la taxe de 50 ¢. Depuis longtemps, les organismes hippolytois réclamaient une salle communautaire plus appropriée que l’ancien garage municipal, vidé pour certaines occasions ou les petites salles au sous-sol des écoles Notre-Dame-du-Rosaire et du Christ-Roi. De plus, les classes débordaient d’élèves et certaines d’entre elles étaient même installées à l’étage de la quincaillerie Thibault! Comme la commission scolaire avait prévu un agrandissement prochain de l’école Christ-Roi qui comportait un gymnase simple, « nous avons attrapé la balle au bond, souligne Charles Charron et avons proposé d’y financer l’ajout d’un deuxième gymnase juxtaposé et créer ainsi un lieu communautaire. La condition : une entente d’occupation gratuite, le soir et les fins de semaine avec l’école, pour les organismes municipaux. Le coût, 320,000 $ que l’administration municipale n’avait pas! Seul moyen rapide : lever une taxe spéciale et rapide de 50 ¢ pour tous les propriétaires. Comme nous avions promis de nous engager à consulter la population, nous avons procédé par référendum où, durant un mois, les citoyens ont eu l’opportunité de se prononcer OUI ou NON, en signant un registre. Résultat : 80 % des citoyens étaient d’accord. Le Centre éducatif et communautaire Les Hauteurs était créé. Une plaque souvenir sur un mur intérieur rappelle cette première réalisation grandiose et encore très utile à la population! »7

 

 

L’Arche de Pierrot

Saint-Hippolyte étant une municipalité éloignée des lieux de travail de Saint-Jérôme et du Grand Montréal, beaucoup de parents doivent s’y déplacer. Cependant, beaucoup d’entre eux ne sont pas entourés de membres de leur famille pour s’occuper des enfants. C’est dans cet esprit que le service de garde L’Arche de Pierrot est né. Afin d’offrir un lieu de qualité à la corporation de parents bénévoles, l’administration Blondin-Taylor leur a accordé un subside de 15,000 $ dont profitent encore les parents hippolytois.

 

Inauguration de l’œuvre 359 en présence des membres du jury, des invités et organisateurs, 2017.

Montagne Art

Depuis longtemps, beaucoup d’artistes fréquentent ou habitent la municipalité. Pour se faire connaître et gagner leur vie, ils ont besoin d’événements et de lieux d’exposition. C’est dans cet esprit qu’est né Montagne Art. Dès le départ, les organisateurs, avec le soutien financier et matériel de l’administration Blondin-Taylor, ont pu compter sur leur aide précieuse pour offrir gratuitement la location des locaux ainsi que de la main-d’œuvre, sous la direction de Claude Vadeboncoeur, directeur des loisirs, pour organiser les lieux, construire les panneaux d’exposition, les installer, les démonter et les ranger.

 

Le Sentier novembre 1983

Journal communautaire Le Sentier

Ce journal animé par des bénévoles, est né en 1983 durant cette administration « du désir de communiquer des nouvelles de l’administration municipale, des commerçants, des organismes et associations à la population », rappelaient les fondateurs, lors des célébrations du 35e anniversaire de son existence.8 Parmi ceux-ci, Claude Vadeboncoeur, directeur des loisirs et un des initiateurs du journal, rédigent un document qu’ils soumettent au conseil municipal. Celui-ci ayant toujours comme leitmotiv de « bien informer la population » y adhère sans hésiter. Un budget est accordé et des bénévoles en assument les premières éditions comme encore aujourd’hui. Bien que la part municipale soit aujourd’hui moins importante, ce journal, « bien essentiel » aux dires du gouvernement provincial actuel, est encore très actif pour la communauté hippolytoise.

 

Biblio Sous-sol Communal 15e année1992

Bibliothèque municipale

Depuis son ouverture, en novembre 1977, la bibliothèque occupe un espace dans la sacristie de l’église. Ce lieu, en 1981, est de plus en plus exigu pour la quantité de livres et la fréquentation accrue des citoyens. Avec la création du Centre éducatif Les Hauteurs, qui accueille à présent tous les élèves, le bâtiment de l’école Notre-Dame-du-Rosaire est disponible. L’administration Blondin-Taylor conclut alors une entente avec la Commission scolaire et acquiert le bâtiment. Sous la gouverne de Rosaire Sénécal, directeur général, les bureaux administratifs municipaux s’y déplacent et quittent ceux de la rue Morin. Dans l’aménagement, on y réserve au sous-sol un espace pour la bibliothèque où la municipalité finance le mobilier et l’aménagement conforme à une bibliothèque. La première, à proprement parler. Elle occupera ces locaux jusqu’en 1995.

 

Aqueduc municipal : sécurité et protection de l’environnement

« Dossier pas évident!, se rappelle encore Charles Charron. Et, encore aujourd’hui, la situation n’est pas réglée et l’aqueduc reste problématique pour les villageois! C’est vers la fin de notre mandat, poursuit ce dernier, qu’il nous a fallu envisager des solutions, mais toutes les études obligeaient à des coûts énormes! Alors, fidèles à notre engagement démocratique de procéder à une consultation de la population, nous l’avons fait. Bien que plus de 80 % de la population de tout le territoire s’est prononcée contre, nous n’avions plus le choix. Nous avions reçu une ordonnance gouvernementale d’engager le processus. Nous avons donc fait un emprunt qui incluait un investissement de 50 % de la part du gouvernement et l’autre, d’une taxe à long terme. Et nous avons procédé. Bien qu’à l’élection suivante, nous n’étions plus au pouvoir, tous les administrateurs qui ont suivi ont dû poursuivre cette obligation! »9

 

* Malheureusement, beaucoup de ces informations ne seront pas présentées dans le livre du 150e. Les décideurs du livre les ayant exclues de l’édition!

1 Femme maire et femme conseiller, 1970. Durant les années 1980, on commence à les désigner par : mairesse et conseillère.

2 Revue Municipalité, Femmes et vie municipale, Vol. 34 no.2, Numéro thématique, ministère des Affaires municipales, 2003.

3.Jeiel Onel Mézil, Un nombre record de femmes élues au poste de maire, La Presse, 19 avril 2020. Nombre de mairesses : 1980 : 20, 2003 : 118 (11 %), 2013 : 190. Nombre de conseillères : 1980 : 339, 2003 : 1659 (24 %), 2013 : 2204.

4 Henri Prévost, À quand une mairesse pour Saint-Jérôme? Topo Local, 9 novembre 2017, consulté le 14 avril 2020.

5 Dans les Laurentides : Piedmont (Nathalie Rochon) et à Sainte-Adèle (Nadine Brière). Parmi les autres, signalons Sainte-Anne-des-Lacs (Monique Monette Laroche), Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson (Gisèle Dicaire), Val-David (Kathy Poulin), Sainte-Thérèse (Sylvie Surprenant), Boisbriand (Marlène Cordato) et Pointe-Calumet (Sonia Fontaine).

6 Entrevue téléphonique, 16 avril 2020.

7 Idem

8 Jean-Pierre Fabien, Le journal à ses débuts, Entretien avec Claudette Domingue et Jocelyne Perras-Thibault, Le Sentier, mars 2018, p. 2.

9 Ibid (6)