Faire partie d’un groupe de la société identifié par le vocable « Âge d’or » n’a jamais été pour moi une dénomination réjouissante. Je considère cependant qu’il est de bon ton de véhiculer le beau côté des choses et d’ignorer les côtés plus sombres.

 

Dans les revues populaires destinées à cette clientèle, les personnes présentées ont généralement fière allure. Les dames sont bien coiffées et ont de belles dents blanches. Chez les hommes, on remarque de façon habituelle que ces derniers présentent un look de grands sportifs, sur un vélo à trois roues ou s’adonnant au jogging matinal. Bref, c’est le mandat ou la vocation que ces revues s’octroient, c’est-à-dire de présenter des vieilles ou des vieux actifs qui ont retrouvé des airs de jeunesse et qui pètent le feu. Une fois atteinte, cette étape de la vie est irréversible hélas! Elle vous accorde toutefois quelques privilèges, telles des réductions de prix au cinéma ou dans les nombreux manèges de la Ronde. On appelle ça des avantages sociaux. Au cours de cette période, parfois joyeuse et parfois triste, certaines femmes seront peut-être confrontées au cancer du sein et certains hommes au cancer de la prostate.

 

Aujourd’hui, je me propose de vous faire part d’un point de vue pas trop médical sur la prostate, cet attribut confié à la naissance à tous les mâles de la Terre. Je ne suis pas pessimiste de nature, mais j’aime bien regarder les choses en face même si dans le cas qui nous occupe, on doit passer par la porte arrière pour observer cette petite chose et mieux la saisir, voir la toucher. Dans mon entourage, j’ai un ami qui s’est prêté à l’ablation complète de cet organe. Bien qu’il continue à jouir de la vie, Robert s’est vu condamné à un carême perpétuel, c’est-à-dire une forme de jeûne et d’abstinence au sens liturgique et chrétien. Ainsi, il a dû faire une croix à certaines pratiques.

 

Revenons à nos brebis. À vingt ans, j’ignorais même que j’en possédais une. Plus tard dans la vie, avant d’entrer à l’université, j’ai découvert d’une part que j’en avais une, d’autre part, qu’avec l’âge, cette dernière était susceptible de se comporter comme de jeunes enfants, c’est-à-dire qu’elle avait besoin de surveillance. Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire vraie. Il y a quelques années, ma médecin de famille était une jeune femme délicate et douée au plan de la dextérité manuelle. Un jour, à l’occasion de mon premier examen, elle m’ordonna de me pencher pour effectuer son travail de recherche. Quoique peu douloureuse, cette opération demeure à la fois inconfortable et gênante. Désireuse de me mettre à l’aise, Geneviève me dit en cours d’opération « Est-ce que je vous fais mal ? », et de lui répondre « Vous savez docteure, au point où vous êtes rendue, on pourrait peut-être se tutoyer ? ». Elle a éclaté de rire, me promettant de la retenir.

 

Les années ont passé et un jour, j’ai dû changer de médecin. Mon nouveau docteur était un colosse. Alors que Geneviève était munie de petits doigts fins comme des allumettes, mon nouveau docteur présentait un tout autre équipement. À notre première rencontre, d’instinct, j’ai jeté un coup d’œil insistant sur ses doigts. Hélas, contrairement à Geneviève, ce dernier était doté de doigts s’apparentant à des tuyaux de poêle plutôt qu’à des allumettes. J’ai avalé ma gomme et retenu mon souffle et au moment où il s’apprêtait à effectuer sa sale besogne, j’ai eu un mouvement de recul, mais je me suis rapidement rendu compte que le moment était mal choisi, il était déjà armé et prêt à faire feu. À la fin de l’examen, il a laissé tomber un « tout est beau » sans plus et a omis de me dire à la prochaine. Après avoir noté sur sa tablette les informations recueillies lors de sa fouille, je suis sorti rassuré, espérant toutefois que ses doigts puissent s’amenuiser d’ici le prochain rendez-vous.