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Une œuvre monumentale sera bientôt installée au centre du village

François Racine, forgeron, à l’œuvre dans son atelier. Photo : Bélinda Dufour

Le forgeron d’art et sculpteur hippolytois François Racine dévoilera sa sculpture en acier au cours du mois de juillet. Elle sera érigée sur le parterre de l’Hôtel de Ville. Son poids avoisine les 1850 livres. Elle atteint 15 pieds de hauteur. L’œuvre témoignera de deux valeurs phares de la municipalité : l’intergénérationnel et le plein air.

 

Il l’a fabriquée sur une période de 10 mois. Mis bout à bout, cela représente cinq mois de travail à temps plein, incluant souvent des journées de sept heures ou plus dans son atelier.

 

 

Kyklos

L’artiste a choisi un nom en grec ancien pour sa sculpture. « Kyklos signifie cycle, indique-t-il. Le cercle regroupe tous les stages de la croissance d’une fougère. C’est le cycle de la vie. D’année en année, la fougère repousse autour de la même base, en continuité. De l’extérieur, on a l’impression que ce sont des tiges séparées, mais sous terre elles sont fusionnées. J’ai représenté les tiges sortant d’un cercle pour montrer qu’elles poussent en union. “Pour moi, ça me parlait beaucoup au niveau de l’intergénérationnel”. Le choix de la fougère est aussi relié au plein air. On en croise presque immanquablement, lorsqu’on se promène dans un sentier à Saint-Hippolyte. »

François Racine et sa sculpture Kyklos. Photo : Lyne Boulet

 

Un défi

François Racine n’avait jamais entrepris un travail d’une telle ampleur auparavant. Créer une œuvre de cette dimension l’intéressait. « J’aurais pu faire plus petit, mais l’idée de faire quelque chose de monumental pour ma municipalité, le plus grandiose possible, ça me stimulait encore plus. » Une telle entreprise comportait plusieurs défis techniques. Le plus gros d’entre eux était le poids des pièces à manœuvrer et à forger. « J’avais confiance en ma capacité à me débrouiller. J’étais certain de trouver un moyen de la réaliser. »

 

François tient à préciser qu’il a eu l’aide de son père et d’amis au cours du processus. Pour certaines opérations percées à chaud, il avait besoin de quelqu’un qui tenait la pièce pendant qu’il la frappait à la masse. Du travail d’équipe. On l’a aussi aidé côté soudure, ce qui lui a fait gagner bien du temps. « C’est important de rappeler que ce n’est pas le genre de projet qu’on mène à terme seul. Ce sont toujours des communautés qui permettent de réaliser des pièces d’envergure. »

La sculpture dans toute son envergure. Photo : Gilles Marsolais

Techniques traditionnelles

Il n’a utilisé que des techniques traditionnelles, celles employées avant l’industrialisation. La base ronde a douze pieds de longueur. Il a courbé et percé à chaud des barres carrées de deux pouces et demi. C’est le volume qui fait qu’une barre est dure à plier et qu’elle réagit moins aux coups. Quand on sait que, en passant d’une barre d’un demi par un demi-pouce à une barre d’un pouce par un pouce, on obtient quatre fois plus de volume, on peut s’imaginer l’effort requis pour des barres de deux pouces et demi!

 

Ses assemblages sont mécaniques. Pas de soudure, mais des tenons-mortaises en fer et des tenons rivetés. Pas non plus de trous forés à la mèche. Il a percé ses trous à la masse. Les plus petits lui ont pris 100 coups de masse à pleine course et à pleine force. Les gros trous ont nécessité 150 coups de masse pour arriver à faire passer les différents mandrins dans les trous pour les ouvrir. Au total, ça prenait une centaine de trous… Un travail de titan que n’aurait pas dédaigné Héphaïstos!1

 

« Ces assemblages-là à l’ancienne, ça permet de faire un trou de deux pouces et demi de diamètre dans une barre qui fait 2 pouces et demi et d’avoir quand même suffisamment de matière sur les côtés pour que tout soit à sa pleine solidité. Et puis esthétiquement, on vient vraiment chercher une apparence inimitable au niveau de la fluidité des courbes et des formes. »

 

Les tiges pèsent entre 60 et 120 livres chacune. Pour confectionner la plus lourde, la longue tige en spirale, il a étiré une barre d’acier plein, fuselée en cône droit. Il l’a ensuite pliée et courbée, avec des griffes, en la laissant tomber sur l’enclume, etc., toutes méthodes destinées à lui donner la courbure voulue. « Il y a des petites imperfections, mais c’est ça qui est intéressant avec ce qui est fait main. Et pour une plante, ça vient aussi chercher un côté plus naturel et plus réaliste. »

 

Pour les feuilles, il a utilisé une plaque d’acier de quatre par huit pouces et d’un quart de pouce d’épaisseur. Il découpait la forme de la feuille à la torche ou au plasma. Il en étirait les bords pour leur donner un effet de minceur. Pour confectionner les nervures, il a fait appel à la technique de l’estampage. Il a donc fabriqué trois estampes en acier au carbone, une pour la base de la feuille, une pour la pointe et une autre pour faire les différentes longueurs intérimaires, afin de les marquer de manière constante.

La sculpture sous un angle différent. Photo : Gilles Marsolais

 

Forgeron d’art

François se décrit comme un forgeron d’art et un sculpteur. Son médium, c’est le fer. Il ne veut pas se cloisonner dans une spécialisation. Il peut au besoin utiliser des techniques de ferronnerie, d’armurerie, de serrurerie et de coutellerie. Il fabrique des objets fonctionnels en y intégrant toujours « une composante artistique esthétique à l’intérieur du cadre des obligations utilitaires ». Il crée aussi des pièces qui sont purement esthétiques et sculpturales. « Je fais très peu de production en série. Je reprends rarement un projet que j’ai fait par le passé. J’essaie toujours d’aller un peu plus loin, d’être plus technique, de relever de nouveaux défis. »

 

Prestation musicale

Accompagné de son ami percussionniste, Yvan Plamondon, François nous présentera une prestation musicale inédite à l’inauguration.2 C’est une idée qui lui est venue quand il faisait l’assemblage de la sculpture. Il a accroché une feuille accidentellement, un son intéressant en est sorti. Il a frappé à d’autres endroits et s’est rendu compte qu’il y avait là du potentiel. La sculpture sera toujours une œuvre d’art visuel pérenne et solide. Mais l’espace d’un moment, elle deviendra aussi un instrument de percussion. « Ça jouera sur le rythme et les sonorités. On le fera pour le plaisir. » Et, précision pour les mélomanes, « Je n’ai pas accordé les feuilles… », conclut l’artiste

 

  1. 1. Dieu grec, maître des arts de la forge et du travail des métaux.
  2. 2. La date sera annoncée par la municipalité.