Cette belle expression m’a été rapportée par Charles Charron, Hippolytois très actif qui a été impliqué dans la vie communautaire et politique. Selon lui, ce sobriquet de frérots et soeurettes désigne des liens génétiques « tricotés serrés » qui existent entre les membres apparentés de familles qui deviennent un couple.
Bien que les linguistes n’accordent pas ce sens à cette expression, l’image que cette expression porte, souligne en plus de l’affection et des fraternités parentales qui existaient entre les familles vivant côte à côte sur un même rang ou sur un rang voisin, mais aussi un souci d’entente sociale. Cette atmosphère de paix et d’entraide était une force à cette époque où les services et les secours, en cas de nécessité, étaient loin.
Famille Lachance et Sigouin
L’exemple de ces familles hippolytoises est révélateur de cette situation. Les liens généalogiques et les recherches historiques de la situation de ces deux familles à la fin des années 1800 et au début de 1900, dans le secteur du lac Connelly, sont révélateurs. En 1871, Joseph Lachance (1851-1936), du rang 2, canton d’Abercrombie (chemin du lac Bleu) se marie à Marie Desjardins (1851-1918) et s’installe sur un lot, à côté de son père, Bénoni. Quelques années plus tard, en 1882, Joseph Sigouin I (1856-1925) se marie à la sœur de Marie, Philomène et achète une partie des lots de son père Jean-Baptiste II, sur le rang 8, canton de Kilkenny (chemin du lac Connelly), à côté de celui-ci. Les terres des Lachance et des Sigouin se rejoignent dans leur fond, en haut d’un flanc escarpé qui redescend de chaque côté. Il est fréquent que les Lachance comme les Sigouin, familles apparentées par leur mère, traversent à pied leur terre, pour aller chez l’un ou chez l’autre. De plus, bien que les enfants ne fréquentent pas la même école de rang, ils se rencontrent lors des fêtes annuelles, des mariages ou autres cérémonies solennelles à l’église du village.
Mariages
Or, en 1906, le père de Joseph Sigouin II et celui de sa cousine germaine Emma Lachance, Joseph Lachance, acceptent que des bans soient publiés, à l’église pour un mariage prévu le 16 juillet. Et, l’histoire se renouvelle, en 1908, pour Henri Sigouin, frère de Joseph II qui se marie avec Marie-Louise Lachance, fille aussi de Joseph Lachance. De plus, ces deux couples après quelques années comme journalier à la compagnie Rolland à Mont-Rolland, achètent, Henri une terre et Joseph, une demi-terre, côte à côte, au lac Connelly Nord.
Publication des bans et licence de mariage
À cette époque comme encore aujourd’hui, pour se marier civilement comme religieusement, il est exigé que des bans soient publiés vingt jours, avant le mariage. Cette loi, qui remonte aux conciles de Latran de 1215, est destinée, « à lutter contre les unions consanguines, entre cousins et parents proches ». Cette exigence devait être garantie par un document du Bureau de l’état civil et, souvent d’un certificat médical. Comme autrefois, le curé d’un village était responsable des registres religieux et civils afin d’émettre une licence de mariage. C’était souvent lui, le premier juge de la situation afin d’éviter les oppositions qui pourraient se manifester de la part d’un tiers parti.
Dangers de la consanguinité au sein des familles
Cette proximité génétique dans un couple soulève aussi d’autres arguments, cette fois d’ordre génétique. Certaines études démontrent que « des enfants avaient deux fois plus de risques de présenter des maladies potentiellement mortelles, des tares1 et de l’infertilité que s’ils étaient nés de parents non apparentés. Mais, attention, dans la population totale, en termes de chiffre, il s’agit de 6 % pour les couples apparentés et de 3 % dans les couples non apparentés. À titre de comparaison, ces 6 % représentent aussi le même risque de complication pour une femme qui aurait un bébé à 40 ans au lieu de 30. Alors, le curé a-t-il eu raison de leur accorder leur dispense ? Puisque le couple composé des cousins Marie-Louise Lachance et Henri Sigouin ont eu une famille de 11 enfants vivants, dont leur fille, Marie-Ange Sigouin-Ledoux ma mère, était la troisième.
1 Tare : Défectuosité physique ou psychique, le plus souvent héréditaire, présentée par un être humain, un animal.