Décès de Jean-Claude Dumouchel (1933-2020)
Le 3 septembre 2020, à l’âge de 87 ans, la COVID-19 a emporté un chauffeur d’autobus que plus de deux générations d’écoliers du primaire et du secondaire de Saint-Hippolyte ont apprécié pour sa bonne humeur.
Jean-Claude Dumouchel, jovial et d’approche facile, s’est fait un devoir, durant près de 40 ans, d’accueillir par un petit mot gentil ou une blague, les élèves qu’il transportait matin et soir. En poste dans les années 1970 pour les Autobus scolaires Labelle, il prenait très à cœur cette responsabilité que son employeur lui confiait. Aimant la compagnie des jeunes, il s’est souvent porté volontaire le soir et les fins de semaine pour accompagner les membres des équipes sportives de Saint-Hippolyte lors de différents tournois et de compétitions régionales et provinciales.
Pour Émile Beauchamp, organisateur et entraîneur de plusieurs de ces tournois et compétitons sportives, Jean-Claude Dumouchel était le chauffeur idéal. « Responsable, prêt et disponible bien avant l’heure des départs et des retours, il était d’une grande fiabilité. Prudent sur la route, il savait aussi faire régner l’ordre tout en y conservant une atmosphère apaisante et parfois musicale. Ainsi, devant une défaite parfois subie, les retours de compétition étaient un baume apaisant! »
Voyages et vie sociale active
Résident durant de nombreuses années au lac Maillé, il était impliqué dans plusieurs activités de loisirs à Saint-Hippolyte. Il aimait beaucoup la musique classique, mais ne se faisait pas prier pour exécuter des pas de danse, activité dont il était friand. Avec des amis ou des organisations, il appréciait beaucoup les voyages en Floride. Il a quitté son coin hippolytois en 2004 pour résider au Manoir Philippe-Alexandre et se rapprocher ainsi des services. Avenant et social, toujours cherchant à s’engager et à aider, il s’y est fait rapidement de nouveaux amis. Alan Gardes, concierge des immeubles de cette résidence, était de ceux-là. « Très actif, il s’impliquait dans les activités de loisirs, il était toujours prêt à aider. Il cherchait à faciliter les tâches de tous, principalement lors d’installations et d’aménagements. Pour moi, c’était un grand-père toujours heureux prêt à aider. » Comme il aimait faire son tour quotidien au Carrefour du Nord tout à côté, il s’y est fait d’autres amis dont un employé d’un commerce, Alexandre Plouffe. Ensemble, ils ont réalisé de beaux projets de voyage à Cuba.
Frappé par la maladie
En 2018, une première alerte médicale l’amène à consulter pour un cancer de la peau. Parmi les tests et traitements reçus, on constate chez lui une problématique cardiaque d’artère bloquée ainsi qu’une valve du cœur apostrophée (valvulopathie). Rapidement, sa santé se détériore et un placement devient nécessaire dès 2019 dans un hébergement avec soins, La résidence du Verger à Saint-Jérôme. « Pas facile pour lui de s’y résigner, note Émile Beauchamp qui, vers la fin de sa vie, allait le visiter à cette résidence, parfois trois fois par jour. Il fallait l’aider pour les repas car confus avec des pertes de mémoire, il n’était plus fonctionnel. Hospitalisé le 30 août pour la COVID-19, il est décédé cinq jours plus tard. »
Résilient au lourd secret
Peu de personnes connaissent réellement tout le parcours de vie de Jean-Claude Dumouchel. Encore aujourd’hui, de grands pans restent sans réponse. Ceux qui l’ont côtoyé percevaient bien chez lui de petits problèmes cognitifs qui ne l’empêchaient pourtant pas d’être fonctionnel. Analphabète fonctionnel et très discret sur sa situation, il devait compter sur les autres pour tout ce qui concernait la lecture et l’écriture. Alan Gardes et Alexandre Plouffe qu’il a nommés exécuteurs testamentaires ont été d’un grand secours. « Je m’occupais de lui lire son courrier et de rédiger les réponses aux demandes, souligne monsieur Gardes. Alexandre et moi l’avons accompagné dans ses dernières volontés et allons voir également à régler sa succession. »
Orphelin « agricole » de Duplessis 1
« Jean Claude Dumouchel n’a pas eu une enfance facile », précise Alan Gardes qui l’a accompagné vers la fin de sa vie. Né à Montréal selon les documents officiels retrouvés, il a longtemps cru que son anniversaire de naissance était le 14 juillet, journée de la fête nationale de la France. Mais illettré, « il a découvert qu’une fois adulte avec l’aide d’amis pour l’aider dans sa correspondance que sa véritable date d’anniversaire était le 12 juillet, se rappelle Émile Beauchamp et il en riait. »
Enfant, placé dans un orphelinat agricole, il a confié à de rares amis la maltraitance et les humiliations subies. « Lorsque je mouillais mon lit, on me jetait comme d’autres dans un bain glacé pour me dompter et me faire honte face aux autres! » Parfois, dans des souvenirs confus, il racontait des anecdotes de séjours dans plusieurs fermes des Laurentides où il était placé pour travailler, relate Alan Gardes : « Je n’allais pas à l’école, disait-il, et j’étais obligé de quitter à chaque deux ans la ferme même si j’étais bien avec les gens. Il prétendait qu’il ne fallait pas que je m’attache pour devenir véritablement un adulte responsable et autonome. » C’est aussi lors de travaux exécutés dans ces fermes qu’il a perdu des doigts dans des machineries agricoles. « Personne ne nous apprenait à travailler et il fallait se débrouiller, disait-il. À 14 ans, j’ai perdu une partie d’un pouce et d’un index d’une main et à 16 ans, une partie des mêmes doigts de l’autre main.»
Enfin, lorsqu’il eut atteint ses 18 ans devenant libre alors de décider de sa vie, il devait recevoir un montant d’argent qui, disait-il, il avait accumulé en travaillant sans salaire sur les fermes durant toutes ces années. Mais, Jean-Claude Dumouchel a toujours dit qu’il n’avait jamais rien reçu. « Analphabète et sans personne pour l’aider, il n’a sans doute pas rempli et retourné les documents nécessaires », avance Alan Gardes.
Mais les personnes qui l’ont côtoyé et croisé dans son travail et ses activités sont unanimes : « Malgré son analphabétisme, son léger retard cognitif et le handicap de ses doigts, il a toujours gagné sa vie honnêtement, a appris à conduire, même un autobus scolaire et était très habile manuellement. Il réparait de l’équipement mécanique au garage d’autobus scolaire et faisait de la menuiserie pour lui et pour des amis. Plus que ça, tous affirment qu’il a été aimé et apprécié. Pour Émile Beauchamp, c’est un bel exemple de résilience : “Sans rancœurs face à son enfance et à ceux qui l’ont maltraité, il a donné à plusieurs personnes autour de lui ce que lui avait si peu reçu : de l’écoute, de l’attention et de l’amour.”
Sources : http://fr.wikipedia.org orphelins de Duplessis. Consulté le 15 décembre 2020
Marie Lise Rousseau, Les orphelins de Duplessis lance une action collective, Le Devoir, 2 mars 2018.
- Orphelins de Duplessis : Nom donné à des enfants orphelins ou abandonnés par des parents nécessiteux, ils ont été durant les années 1940 à 1960, faussement déclarés malades mentaux par le gouvernement du Québec et confinés dans des institutions devenues psychiatriques, où on n’offrait pas d’instruction. Ils furent baptisés sous le nom de : orphelins de Duplessis, car cela s’est passé à l’époque où le gouvernement élu était dirigé par Maurice Duplessis. Privés d’instruction et victime de maltraitance plusieurs de ces enfants devenus adultes ont eu peine à trouver une place dans la société.