L’histoire du camp de vacances de l’Armée du Salut, Camp Lac l’Achigan, débute en 1922 et a toujours poursuivi sa mission d’accueillir enfants et familles les plus démunies de la société.
Ce camp, le seul au Québec, fait partie des nombreuses autres organisations mises en place dans ce mouvement chrétien mondial à but non lucratif. Créé en 1865 par le pasteur William Booth, celui-ci désire répondre aux besoins des plus pauvres de la société, des sans-abris, des affamés et des indigents. Sa vision repose sur ce postulat « À quoi bon prêcher le salut aux affamés ? Donnons-leur d’abord : soupe et savon! » Depuis, son œuvre a grandi et offre quotidiennement des services et du soutien aux familles : adultes et enfants, ainsi qu’aux itinérants et indigents et répond, également aux besoins de ceux qui sont victimes d’événements et de catastrophes à travers le monde.
Saint-Hippolyte, lieu privilégié pour les camps de santé montréalais
Rien d’étonnant alors que ce camp s’installe sur le territoire de la municipalité de Saint-Hippolyte. Rappelons que les lacs entourés de montagnes boisées qui offrent un air pur, à l’eau claire et rafraîchissante et aux plages nombreuses et sablonneuses, sont les premiers au nord du grand bassin populeux montréalais. De plus, le passage à proximité du chemin de fer Le P’tit train du Nord et ses arrêts aux gares de Lesage et Shawbridge, facilite le transport des futurs campeurs. La grande étendue d’eau sur ce territoire et ses plages peu profondes, le lac de l’Achigan est le lieu privilégié pour l’installation des camps de vacances.
Les camps se succèdent
Dès 1922, sur un terrain donné, l’Armée du Salut organise de premiers camps d’été sous la tente, des bâtiments seront construits en 1933. Puis, l’Institut de santé Bruchési acquiert en 1927 les camps Bell et Eaton qui deviendront le camp Bruchési dans les années suivantes; en 1934, ce sera l’organisme de la Weredale House de Montréal d’ouvrir le camp Weredale. Les années qui suivront verront s’ajouter les camps : scout, guide, de communauté religieuse et d’organismes communautaires.
Pallier l’insalubrité des villes
Au début des années 1900, la pauvreté est grande pour les familles nombreuses qui ont fuient les campagnes. Ces dernières, devant les piètres revenus alors des produits de leur ferme, espèrent survivre en travaillant dans les manufactures et usines qui s’ouvrent de plus en plus en villes. Si plusieurs familles migrent vers des villes américaines, Montréal en accueille également beaucoup qui s’entassent dans des logements insalubres et sans commodités.
Services à l’enfance
Pas étonnant que la mortalité infantile y soit très grande (50 % des enfants meurent avant l’âge de deux ans). Cela est dû à un affaiblissement général de la santé dû à la malnutrition, par l’absence d’installation et de mesures sanitaires dans chaque maison et aussi par la présence d’un haut taux de « miasmes »1 présents dans l’air. Cette pollution est causée par le chauffage au charbon des usines et des maisons. Dès la fin du 19e siècle, des organisations charitables des villes mettent sur pied des services à l’enfance (la goutte de lait 2) et des cliniques de santé dans les écoles. Des séjours dans un camp de vacances durant l’été répondent aussi aux besoins d’offrir un environnement et une alimentation saine.
Générosité des gens
On peut lire que l’histoire du Camp `Lac l’Achigan de l’Armée du Salut à Saint-Hippolyte est née et a pris de l’expansion grâce à la générosité des gens. Installé sur un terrain au bout de chemins qui deviendront les 380e et 381e Avenues, cet espace de 450 000 pc avec une façade sur le lac de 460 pieds de plage est le fruit d’une donation. Durant les 10 premières années, les installations très rudimentaires sont composées que de quelques tentes et toilettes sèches. On y organise des jeux très simples (balle, sauts sur les roches, fers, etc.). Petit à petit, le terrain fut déboisé, des matériaux de construction recueillis de donateurs montréalais sont apportés sur place et des bénévoles recrutés construisent un camp capable d’accueillir dans la chaleur et le confort des groupes d’enfants de plus en plus nombreux.
1 Air nocif qui véhicule des particules qui provoquent le choléra, la peste noire, la malaria et, actuellement le COVID-19 et ses variants.
2 Organisation gouvernementale créée en 1911 qui vise à offrir aux mères des conseils sur l’alimentation et l’hygiène, et à leurs enfants une ration de lait de bonne qualité, éliminant la propagation de bactéries souvent mortelles à cette époque.
Famille Longpré, au service du camp depuis près de 60 ans 1
Pendant toute sa vie, René Longpré est l’homme à tout faire et le gardien du camp. Sa conjointe Yolande Beauchamp et rapidement ses garçons Pierre, Jean, Léo et Louis le secondent dans les nombreux travaux d’aménagement, de construction, de rénovation et d’entretien. Puis, ce sont les frères Pierre et Louis qui prennent la relève de leur père, à son décès.
René Longpré, un homme dévoué
« Lorsque notre père a commencé à y travailler dans les années 1945, racontent les frères Pierre et Léo, il démolissait et récupérait le bois des vieux bâtiments pour construire les nouveaux. Il ne comptait pas ses heures. Notre père se levait à quatre heures du matin pour allumer les poêles à bois de la cuisine afin de préparer le déjeuner des campeurs, travaillait toute la journée et animait les activités autour du feu jusqu’à tard en soirée. Afin de s’assurer que ce feu était bien éteint, il allait l’arroser quand les campeurs étaient couchés. »
« Le camp, c’est notre deuxième chez nous. Nous y avons passé notre vie à le construire et à l’améliorer. Chaque année, au début de l’été, ma mère garnissait les parterres de chaque camp de centaines de fleurs colorées qui les embellissaient. Chaque automne, nous y ramassions les feuilles tombées et durant toute la journée, nous les brûlions. L’hiver, c’étaient les toits à déneiger. On n’arrêtait jamais!
Histoires autour du feu et effets spéciaux
Au camp, chaque soir, notre père jouait un personnage, racontent les frères Pierre et Léo Longpré. Il animait le feu de camp, costumé en indien, coiffé de plumes, long manteau décoré à franges, bottes et visage noirci. Et cela avait tout un effet! De connivence avec Pierre, grimpé dans un arbre tout à côté, il se présentait à la noirceur venue, imposant dans son costume et avec un rituel d’invocations et accompagné par les jeunes, il suppliait le Grand Esprit avec grande intensité, d’allumer le feu. Et, comme dans un éclair, une boule de feu descendait du ciel et enflammait spontanément le bois. Chaque soir, les enfants étaient éblouis. Rares sont ceux qui ont reconnu mon père dans ce costume et ont aperçu le fil de fer invisible tendu entre le feu et l’arbre où un chiffon enflammé descendait à vive allure grâce à une poulie. »
1 Antoine Michel LeDoux, Saint-Hippolyte : Sur les chemins de son histoire, 1869-2019, Municipalité de Saint-Hippolyte, 2019. pp.117-118.