En ce début du XXIe siècle, la langue et la culture française sont attaquées comme jamais dans notre histoire.
Historien et auteur, le Chanoine Lionel Groulx (1878-1967) est louangé comme un « éveilleur national » par René Lévesque. Penseur à l’origine de l’expression « maîtres chez nous », son œuvre littéraire est majoritairement historique. Parmi ses romans, le plus connu est L’appel de la race, un récit qui relate une période importante, celle qui a vu, au tournant du XXe siècle, toutes les provinces anglophones du Canada voter des lois pour interdire l’enseignement du français. La première édition du roman, en 1922, a été sans contredit, un succès de librairie.
L’action se situe à Ottawa vers 1912. Le gouvernement de l’Ontario veut abolir les écoles françaises de la province. Le personnage principal du livre, Jules de Lantagnac, est un député franco-ontarien à la Chambre des communes à Ottawa. Il a épousé une Canadienne anglaise, anglicane convertie au catholicisme, dont le père est un colonel de l’armée britannique. Jules veut faire éduquer ses enfants en français en Ontario. Sa femme et son beau-père s’y opposent. Le divorce est dans l’air. Le gouvernement fédéral doit voter pour appuyer ou dénoncer le projet de loi du gouvernement ontarien. Au parlement, chaque député prendra la parole, et quand arrive le tour de notre héros, en se levant il entend « l’appel » des Franco-ontariens, de tous ses ancêtres venus en Nouvelle-France, « légalement ». Poussé par une force inconnue, il livre son discours…
Aujourd’hui, 100 ans plus tard, ce roman est toujours d’actualité, les Franco-ontariens se battent toujours pour leurs écoles. En le lisant, je me suis senti député, me levant à la Chambre des communes et entendant « l’appel » de… Champlain, Frontenac, Dollard-des-Ormeaux, Papineau et autres. Mathieu Bock-Côté présente Groulx ainsi : « Longtemps considéré comme un des historiens les plus importants du Québec, et même comme un des artisans de la renaissance nationale québécoise, dont il fut l’ouvrier inlassable, Groulx a été victime, depuis une vingtaine d’années, d’une campagne de diffamation posthume. Celui que René Lévesque avait qualifié “d’éveilleur national” et de “clairon vivant”, en le présentant comme “ce Québécois dont la victoire principale fut de redonner assez de fierté à assez de Québécois pour qu’on doive le tenir pour l’un des principaux semeurs de la moisson d’avenir qui lève aujourd’hui au Québec” a été caricaturé en idéologue inquiétant au parfum sulfureux dont il faudrait se tenir loin ».
L’historien et professeur au Collège militaire de Saint-Jean, Charles-Philippe Courtois est l’un des meilleurs spécialistes de Lionel Groulx aujourd’hui. Il a signé, tout récemment, une remarquable préface à la nouvelle édition de L’appel de la race, son plus célèbre roman, réédité chez Fides. Dans le livre de Fernand Dumont, La Vigile du Québec, on peut lire en exergue une citation de Lionel Groulx : « J’espère avec tous les ancêtres qui ont espéré; j’espère avec tous les espérants d’aujourd’hui; j’espère par-dessus mon temps, par-dessus tous les découragés… Nous aurons un pays qui portera son âme dans son visage ». Jacques Grand’Maison avouait son amour des idées de cet autre chanoine. Il affirmait son « espérance têtue » dans notre peuple.
Voici ce que dit Jean Éthier Blais, professeur et critique littéraire au Devoir : « Chaque nation a son génie propre. Groulx a rompu le rythme du ronronnement intellectuel. Il a pensé tout simplement. L’esprit fut son domaine. Lionel Groulx a tenté l’expérience difficile de transformer, par la force de l’intelligence, la conception minoritaire de l’existence en conception majoritaire. Par l’explication épique de nous-mêmes, Lionel Groulx nous transforme en peuple autonome. C’est qu’autrefois, nous l’avons été ».
Avant d’essayer de vous persuader de lire L’appel de la race, il faut préciser le sens du mot race. Actuellement, ce mot possède une connotation très négative. Toutefois, il y a un siècle, il avait un sens neutre et correspondait à notre mot culture. Ainsi, il y avait la race française, anglaise, russe, japonaise, etc. Le sens des mots change avec le temps. Mes grands-parents se présentaient comme étant des Canadiens, d’où la fameuse chanson Un Canadien errant des Patriotes de 1837-38 en exil, les autres du Canada étaient désignés comme des Anglais. De nos jours, ce mot a changé de sens, et nous, les francophones, nous nous définissons comme Québécois.
Un bon roman pour les vacances et pour rallumer la flamme de la fierté québécoise, mise à mal actuellement. loyler8@gmail.com