Quand Jésus prend un café avec le père Noël

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Par un beau mardi matin, Jésus avait donné rendez-vous au Père Noël autour d’un café au lait. Ils étaient heureux de se revoir, de bonne humeur. Après les salutations d’usage, l’intérêt porté à la santé de mère Noël et quelques commentaires légers à propos de la température et du dernier match du Canadien, Jésus demanda :

— Dites donc, mon ami. J’ai entendu dire que les célébrations entourant Noël seraient devenues trop commerciales? Il semblerait qu’on ne pense qu’aux cadeaux, que les enfants sont d’éternels insatisfaits, qu’on se fait un sang d’encre à propos des préparatifs du réveillon et que ce serait devenu une source de stress et de fatigue.

 

Père Noël souleva ses gros sourcils blancs. De sa belle voix grave :

— Je l’ai entendu dire, également. Mais est-ce vraiment la vérité?

— Ce serait exagéré, selon vous?

— Ah, mais oui! Nous savons tous deux ce que représentent les décorations, les cadeaux sous le sapin et la dinde dans le four… Ce sont de coûteuses dépenses, certes, mais non obligatoires pour célébrer. Il suffit de belles présences et de cœurs conciliants pour passer un bon moment. Mais pouvons-nous leur en vouloir d’espérer un peu de douceur et de luxe en cette fin d’année?

— Au détriment des vraies valeurs?

— Bien sûr que non. Est-ce qu’un jouet remplace l’amour porté à son enfant? Est-ce que les frais d’un repas fastueux effacent les querelles ressassées toute l’année? Poser la question, c’est y répondre. Je ne suis pas ce genre de père Noël. J’encourage le pardon et le partage. Je suis là pour rappeler la générosité qui sommeille dans le cœur de l’humain.

 

Jésus sourit.

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— Il n’est pas question de faire votre procès et croyez-moi, par les temps qui courent, je ne me sens guère plus vertueux.

— Mon ami, reprit Père Noël, la foi donne mille et un outils à ceux qui souhaitent les utiliser; nous ne sommes pas responsables à tout coup du geste ou de la parole qui en résulte. L’humain doit se responsabiliser aussi. Il lui appartient de vivre la fête de Noël en accord avec ses valeurs, et non avec celles de la société. Ne pas donner plus gros ni plus cher que son voisin en allant au-devant de possibles déceptions enfantines qui, rarement, se manifestent. Ne pas s’endetter juste parce que c’est la mode et que la publicité nous fait croire que notre bonheur en dépend.

 

— Je ne voulais pas vous vexer, se désola Jésus.

— Je ne le suis pas. Cependant, quand on me dit que Noël est maintenant trop commercial, je me remémore toutes les œuvres de charité et les vagues de bonté qui se soulèvent à l’unisson. Je vois la promesse de ces instants magiques qui font rêver les enfants. Je vois tous ces commerçants, justement, qui travaillent sans relâche et qui espèrent que les ventes seront au rendez-vous. Bien sûr que les commerçants veulent vendre toujours plus: il en va de leur travail, de leur survie. Ce sont des emplois, c’est toute une économie qui tourne. Je ne veux pas vous vexer à mon tour, mais croire que l’on peut vivre d’amour et d’eau fraîche…

…est une utopie, je sais.

 

Ils se regardèrent.

— Que pouvons-nous faire? Et pour tous ces gens qui ne veulent pas participer à Noël?

Nous devons continuer à les inspirer. Les Fêtes de Noël ne sont pas une obligation. Mais devons-nous juger ou dénigrer ceux qui célèbrent? À chacun de vivre ces moments comme il l’entend. Cesserons-nous de souligner la Fête des Mères sous prétexte que certains ont perdu la leur? Bien sûr que non. Donner un cadeau, c’est agréable. Ça provoque quelque chose en dedans. Le plaisir de donner, ça s’inculque dès le plus jeune âge.

— Ça ne vous gêne pas, tous ces clones qui diluent votre message à la base si inspirant? Ne nuisent-ils pas à ce que vous tentez de propager comme parole bienfaisante?

 

Père Noël sourit.

— J’ai compris, avec les années, que c’est à l’adulte de protéger l’enfant à ce sujet. Si le jeune a visité les genoux de tous les pères Noël de la ville depuis le 22 novembre, et qu’il reçoit une babiole chaque fois, comment peut-il faire la distinction entre cela et la véritable nuit de Noël? Il en revient au parent d’expliquer la différence entre eux et moi. Et même un enfant qui ne croit plus que je puisse passer par la cheminée ou par la fournaise…

— Vous passez par les fournaises??

 

Père Noël bomba le torse et rentra son ventre.

— …Heu… c’est serré, mais oui, ça passe. Bon, alors même le jeune qui n’y croit plus a droit de rêver à un moment spécial. Il ressent l’amour que porte sa famille envers les invités attendus au réveillon, il est sensible à l’aura de bien-être, aux vacances, au fait que ses parents auront plus de temps à lui accorder pendant quelques jours… Et par expérience, il est très rare qu’un enfant soit déçu parce que le présent convoité n’était pas au rendez-vous, parce que la dinde était trop cuite… Les enfants ne nous en demandent pas tant.

— Vous êtes bien sage, mon ami.

— C’est votre naissance qui nous permet de fêter. Noël n’est pas la fête de l’hiver ni celle des sapins. C’est votre histoire. D’autres croyances se célèbrent au fil de l’année, partout sur Terre et de toutes les confessions. Elles ont toutes leur apparat, leurs coutumes et leurs inspirations. Et je pense qu’elles ont toutes un point en commun : l’Amour.

— Alléluia!

— Joyeux Noël!

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