« L’effondrement des populations d’espèces vivantes avec qui nous partageons la planète est une immense tragédie.» Michel Lebœuf
Nous apprenions récemment que le gouvernement fédéral a approuvé le projet d’agrandissement du Port de Montréal dans la région de Contrecœur.
Le Chevalier cuivré
Tous les paliers de gouvernements savaient que cette région était occupée par une espèce de poisson endémique qui ne vit nulle part ailleurs dans le monde. Il s’agit du Chevalier cuivré. Même si l’acceptation du projet fait mention de 300 conditions à respecter pour favoriser la sauvegarde du poisson, son aire de répartition étant si restreinte que ses chances de survie sont devenues bien minces. De plus, les herbiers et ses endroits de fraye pourraient être détruits et ce poisson n’aurait d’autre choix que de subir un lent et fatal déclin.
Un poisson mangeur de mollusques
Le Chevalier cuivré ne se nourrit que de mollusques et choisit de vivre là où le fond est dur, les berges pentues et le courant modéré. Il est déjà aux prises avec des problèmes d’envasement du fond de l’eau et de pollution. L’heure aurait dû être à sa protection intégrale, mais l’économie prime souvent sur des questions de nature environnementale. Pourtant, l’économie et le bien-être de l’être humain sont intimement liés à la qualité de la nature qui assure son équilibre écologique et aussi sa survie.
Des forêts impénétrables
Déplaçons-nous ailleurs. En Louisiane, en Arkansas, en Floride ou bien à Cuba. C’est là que vivait le Pic à bec ivoire. Cet oiseau occupait les forêts alluviales matures, des endroits qui étaient quasiment impénétrables. Les populations de cette espèce n’ont jamais été abondantes. De plus, chaque couple avait besoin d’une grande superficie pour assurer son maintien en vie et sa reproduction, l’équivalent de 16 km2 .
Le Pic à bec ivoire
Cet oiseau grimpeur, qui ressemble au Grand Pic, était impressionnant. Il atteignait 50 cm de taille et un mètre d’envergure. La femelle avait la tête entièrement noire et à part le bec ivoire, cet oiseau possédait une belle bande blanche sur ses plumes secondaires.
Destruction de l’habitat
Le morcellement de son habitat ainsi que la chasse pour récolter les plumes rouges de la tête du mâle ont eu raison de lui. Quand une espèce disparaît ainsi, elle ne revient plus. Bien sûr, il y a des oiseaux qui n’ont pas été vus pendant environ un siècle et qui ont été revus par la suite, comme l’Akarat à sourcils noirs, observé en octobre 2020, à Bornéo. Cela faisait 170 ans qu’il n’avait été vu! Mais ces cas sont tout de même rares et exceptionnels…
Certains ornithologues états-uniens bien déterminés jurent avoir observé le Pic à bec ivoire en 2006, en Floride et en Louisiane. Pour s’assurer de la véracité de ces observations, il faut absolument que l’explorateur acharné fournisse des photographies ou des vidéos attestant qu’il s’agisse bien du Pic à bec ivoire. Or, il faut se rendre malheureusement à l’évidence. Le Pic à bec ivoire est fort probablement disparu des États-Unis en 1944, et de l’île de Cuba, en 1987.
Des dispositions légales pour le Chevalier cuivré
Pour éviter d’en arriver à ce stade, pourquoi ne pas mettre en place chez nous de réelles mesures de protection pour le Chevalier cuivré ? Qui va défendre ce poisson si l’humain ne le considère que comme un objet ? En 2008, l’Équateur a enchâssé dans sa constitution des droits visant la nature. C’est le premier pays sur Terre à avoir agi ainsi. Voici ce que dit le texte : « La nature, où la vie se reproduit et se maintient, a le droit d’exister, de persister, de maintenir et de régénérer ses cycles vitaux, structures, fonctions et processus évolutifs. » – Article 71 de la constitution de l’Équateur1.
En arriverons-nous un jour à considérer les éléments de la nature comme des sujets qui peuvent être défendus légalement et non seulement comme des objets ? Si cela se fait, il sera alors plus facile de protéger une espèce endémique comme le Chevalier cuivré. On ne veut surtout pas que survienne, dans un avenir plus ou moins rapproché, une disparition d’espèce vivante sur notre territoire…
- 1. Cet article est extrait du livre Le dernier caribou, de Michel Lebœuf, publié aux Éditions MultiMondes.