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Préservation de l’église de Saint-Hippolyte 1933 : architecture novatrice, chauffage et entretien difficiles depuis!

 

 

« Que c’est beau! », s’exclament visiteurs et amateurs d’histoire en visite à l’église paroissiale de Saint-Hippolyte lorsqu’ils constatent la valeur patrimoniale de ce bâtiment. « Que c’est difficile à préserver! », pourraient confier les administrateurs qui voient à sa préservation, autant pour le patrimoine religieux que pour celui, historique, de cette municipalité.

 

Patrimoine hippolytois avant-gardiste

Nous ignorons dans quelles circonstances en 1933 les membres du Conseil de la Fabrique de Saint-Hippolyte 1 ont pris la décision de retenir les plans d’un architecte avant-gardiste, tel que Ludger Lemieux pour la construction de leur nouvelle église, mais on peut conclure aujourd’hui qu’ils ont été audacieux! Car les historiens en art architectural affirment que durant la période du début du XXe siècle, « le plan des églises, conçu d’après un système d’axes, devient très rigoureux; la nef en particulier prend une importance nouvelle au sein de ce plan. […] On construit des églises de style classique comme cela se faisait autrefois ». 2

Ludger Lemieux, maître novateur de l’Art déco au Québec

Sans entrer dans des descriptions architecturales de la structure novatrice que présente l’Art déco pratiqué par Ludger Lemieux (1872-1953), 3 on relève de ses réalisations visibles encore aujourd’hui, des éléments comme un toit rond, semblable à une coque de bateau renversé. Un autre élément est la présence d’un imposant clocher ouvert, en forme de campanile (toit plat ou rond) plutôt que de l’habituelle flèche élancée surmontée d’une croix. Ce clocher ne s’élève pas sur le faîte du toit ou de chaque côté, mais dans une structure à côté, comme le clocher de la tour de Pise. Ici, comme c’est une église, l’architecte a fait le compromis d’y ajouter une petite flèche. Et finalement, une immense fenestration possible à chaque bout du bâtiment que permet la structure d’un toit rond. Comme il était de règle autrefois, stratégie utilisée encore aujourd’hui lorsque cela est possible d’orienter le bâtiment pour capter le maximum de luminosité, le portique (entrée) surmonté d’une rosace est situé à l’est, au soleil levant, les fenestrations sont côté sud (soleil de la journée) et la nef et les autels latéraux reçoivent la luminosité de la fin de la journée (ouest).

1956 : toit plat en pente, nécessaire

Rien n’est parfait en construction. Bien que cette structure présente des avantages de luminosité, avantageux dans des pays chauds, elle a aussi l’inconvénient de ne pas conserver la chaleur dans notre climat nordique par le peu d’isolation possible avec la structure d’un toit rond. Ainsi, pour remédier en partie au problème, en 1956, les membres de la Fabrique y ajoutent un toit plat, en pente. L’ajout de cette structure d’isolation se justifie par la création, ainsi, d’un espace d’air qui constitue en soi, un isolant naturel. Selon Charles Charron qui a été marguiller à la paroisse, autour des années 2000, cet espace est assez grand et permet des déplacements. Ce dernier ayant dû l’emprunter avec des ouvriers, lors de l’installation de plafonniers ventilateurs pour pousser la chaleur vers le bas et, au moment de l’installation des câbles pour suspendre des décorations. On en profite aussi, pour ajouter un type de laine isolante qui, à cette époque, correspondait aux normes, mais qui s’avère bien insuffisante avec les normes actuelles.

 

Patrimoine québécois en péril

Caserne de pompiers Saint-Henri. Courtoisie : Jean Gagnon

Si, en 1881, Mark Twain 4 a pu s’exclamer lors de son passage à Montréal : « C’est la ville aux cent clochers! », difficile aujourd’hui pour les touristes de retrouver cette caractéristique architecturale, élément culturel de l’héritage judéo-chrétien européen des habitants et qui la caractérisait mondialement d’autres villes nord-américaines. Pourtant, c’est connu, les Québécois recherchent ces repères culturels religieux lorsqu’ils parcourent à forts prix, les paysages et communautés européennes et asiatiques. Conscients qu’à travers ces lieux, ils ont accès à des éléments de la culture locale,ils sont prêts à débourser pour y avoir accès. Depuis quelques années, et encore plus cet été avec la situation de la COVID-19, les voyageurs québécois commencent à redécouvrir ces lieux longtemps délaissés, car ils constatent qu’ils présentent des richesses patrimoniales. Ainsi, dans les églises qui ont résisté aux pics des démolisseurs, de plus en plus souvent des guides nous accueillent et, moyennant un coût, nous y donnent accès. C’est le cas, entre autres, à Montréal à la cathédrale Notre-Dame et à l’église Notre-Dame-de-Bon-Secours dans le Vieux-Montréal. Pourquoi cela ne se ferait-il pas dans les églises, telle que celle de Saint-Hippolyte, qui présentent des valeurs artistiques patrimoniales mises en évidence ?

 

Lieux d’éducation de culture

Marché Atwater, quartier Saint-Henri à Montréal.
Courtoisie : Colin Rose

« Les églises et temples européens et asiatiques sont des lieux d’éducation de culture », proclament les guides touristiques que consultent les visiteurs du monde dans leurs vacances annuelles faites de découvertes. Il n’est pas rare dans ces pays, d’y rencontrer des groupes d’élèves en période scolaire ou de vacances qu’accompagnent des enseignants et guides informés et qui dispensent leur savoir à même ces lieux. Pour que se vivent ces activités, il faut que les membres de communautés y promulguent des mesures économiques pour les préserver et y offrir parfois, des activités attractives moyennant un coût d’admission. Tous les visiteurs se prêtent volontiers à ce rituel de payer pour y avoir accès. Cet apport monétaire contribue ainsi à l’entretien et aux travaux de préservation. Malheureusement, cette façon de financer ces lieux est moins habituelle en Amérique où on préfère démolir plutôt que de préserver!

 

 

 

Nécessaire recommencement

Oui, il est vrai que lorsqu’il est question de conservation et de préservation surtout avec des structures anciennes, c’est un continuel recommencement! Mais, l’investissement n’en vaut-il pas le coût ? L’histoire n’est pas constituée que de chronologie d’événements, photos, récits et témoignages recueillis. L’histoire est concrète en bâtiments, en structures et constructions de toutes sortes. Elle porte alors le nom de « patrimoine bâti ». Qu’adviendra-t-il si ces œuvres architecturales remarquables disparaissent ?

 

1 Les archives du livre de la Fabrique retiennent les noms d’Alphonse Desjardins (maire de 1923 à 1935), Adonias Viau (conseiller municipal, années 1894 à 1900 sous l’administration du maire Octave Coursol, fils) et Arthur Gohier (maire de 1935 à 1947).

2 Architecture religieuse, article de Nathalie Clerk paru dans l’Encyclopédie canadienne. Dernière modification 4 mars 2015, consulté le 14 août 2020, https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/architecture-religieuse

3 Ludger Lemieux (1872-1953) travaille avec Joseph-Honoré McDuff jusqu’en 1918 (église Saint-Charles Church, bâtiments Grovers et Wilder). Avec son fils, Paul-Marie Lemieux (Marché Atwater, caserne de pompiers et églises Saint-Zotique et Sainte-Élisabeth-de-Portugal, quartier Saint-Henri). Plusieurs sont classés monuments patrimoniaux.

4 Titre du discours d’inauguration de l’hôtel Windsor à Montréal, prononcé par Mark Twain, auteur américain, et rapporté dans l’édition du New York Times du 10 décembre 1881, p.2.