C’était une belle journée de juillet, chaude et humide comme nous en avons tant eues. En réponse à l’invitation d’une amie, je me préparais pour me rendre chez l’artiste Francine Walker qui, ce matin-là, accompagnait ses étudiantes à l’étape ultime du cours de céramique raku, technique d’émaillage japonais. Le raku m’était connu depuis quelques années lors d’une visite à la fameuse exposition à Val-David, Mille et un pots. Mon regard s’était arrêté sur des vases à fleurs coupées. La texture, la lourdeur du pot et la glaçure particulière de ceux-ci m’avaient attiré. L’intérêt pour ce médium, et en connaître plus sur cet art, rendaient cette visite encore plus attrayante. Ma curiosité pour cette méthode de manipulation de l’argile m’a convaincue à assister à cet événement.
Assise en retrait, j’observais le va-et-vient des participantes excitées par les tâches à accomplir, car bientôt, les couleurs choisies seront pleinement révélées grâce à la cuisson. Mon départ s’est fait avant la dernière fournée, mais je quittais heureuse d’avoir assisté à un événement tellement sensoriel, ludique et à la fois rassembleur. Une activité qui m’a rappelé le plaisir de créer et de partager avec des personnes aussi passionnées que soi.
Technique de fabrication
Francine Walker
Il est difficile pour nous, occidentaux, de comprendre la philosophie profonde du raku. Seule la technique en a été comprise et adaptée.
Les pièces raku sont fabriquées avec une argile chamottée (grès, porcelaine) résistant bien aux chocs thermiques. Les exigences techniques et le caractère imprévu et spontané du raku conditionnent la forme, la taille, la structure de l’objet fabriqué au tournage ou façonnage.
Les pièces sont préalablement biscuitées aux alentours de 1700 °F afin de les rendre plus résistantes aux manipulations. Puis on applique la glaçure contenant de la silice, du fondant et de l’argile. Les couleurs et les effets métalliques sont obtenus par l’addition d’un pourcentage d’oxydes tels le carbonate de cuivre, l’oxyde de cobalt l’oxyde d’étain, etc. (recherche personnelle en laboratoire). Ensuite, les pièces sont introduites dans le four déjà chaud. On augmente la température jusqu’à ce que la glaçure fonde, environ à 1900 °F. Cela prend de 30 à 40 minutes. En regardant à l’intérieur du four, on voit la glaçure en fusion devenir luisante et visqueuse. On utilise alors de longues pinces pour défourner les pièces et les déposer dans des contenants remplis de bran de scie, de feuilles mortes, de foin ou de toute autre matière combustible.
En plaçant les pièces dans une atmosphère pauvre en oxygène et saturée de carbone au moment où elles sont en fusion, on obtient une réduction qui modifie les couleurs de la terre et de la glaçure. Il ne reste plus qu’à nettoyer la pièce pour enlever la suie et le bran de scie brûlé et voir apparaître les couleurs. Ainsi, ce procédé très long et très risqué à cause des nombreux chocs thermiques subit par l’argile, produit des pièces uniques, de très grande valeur et d’une beauté subtile.
Le raku japonais : historique
Quand on parle de faïence, grès, porcelaine, on fait simplement référence à des techniques, voire à des matières différentes. Par contre, le terme « raku » supporte à lui seul de multiples significations, historiques, techniques et aussi culturelles.
Le raku est le fruit d’une rencontre typiquement zen : un artisan et un lettré, une poterie paysanne et un rituel raffiné. Dans le Japon du 16e siècle, Chojiro, fils d’un potier coréen Ameya, continue à fabriquer des tuiles et semble-t-il, des bols à riz d’origine paysanne dans la tradition de sa famille coréenne. À la même époque, le Maître du thé Sen No Rikyu élabore les règles de la cérémonie du thé. Il trouve dans la production de Chojiro un exemple de simplicité et de naturel approprié à l’esprit zen, essence du Cha No Yu. Il commande alors à l’artisan un bol qu’il a, dit-on, lui-même dessiné.
Hideyoshi, dictateur militaire, sensible à l’art du thé, honora la mémoire de Chojiro en accordant à son successeur Jokei un sceau d’or porteur de l’idéogramme « RAKU » qui signifie « aise » « joie », « bonheur ».
Ainsi, la dynastie RAKU, forte de son titre et de ses commandes officielles, se perpétue jusqu’à la 15e génération qui de nos jours travaille encore à Kyoto.