L’exposition Toujours l’arbre au cœur de Pierre Leblanc a pris racine le 8 août dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque et se poursuivra jusqu’au 24 septembre. Un avant-goût saisissant qui illustre bien l’ampleur de l’œuvre de ce sculpteur prolifique.
Pourquoi ce sculpteur renommé a-t-il accepté d’exposer à Saint-Hippolyte à ses frais ? « Parce que je connais Gil Brousseau, le technicien en bibliothèque, et qu’il me l’a demandé », dit Pierre Leblanc avec simplicité. Quel grand privilège pour la vie culturelle de notre municipalité!
L’homme et son œuvre
Pierre Leblanc n’avait que seize ans lorsqu’il a entamé sa carrière artistique. Il n’a fait aucune école de métiers d’art. Il a appris en travaillant, d’abord à la Fonderie expérimentale de Pierrefonds avec André Fournelle et Armand Vaillancourt puis à l’Atelier de l’Île de Val-David où il a approfondi ses connaissances en gravure et en lithographie. Il a déjà plus de 50 ans de création à son actif.
Il a participé à plus de 400 expositions. Ses œuvres se retrouvent dans 14 musées canadiens et de nombreuses collections privées à travers le monde. Il a créé près d’une soixantaine de sculptures monumentales qu’on peut contempler un peu partout dans l’espace public au Québec.
Pièces présentées
L’arbre est le thème central de l’exposition. L’artiste utilise cette allégorie depuis plus de 20 ans. « D’un côté, ça me ramène à mon enfance, explique-t-il. De l’autre, ça illustre le problème de la terre : on coupe les arbres au lieu de les laisser debout. Pourtant la sauvegarde de la terre, c’est notre sauvegarde à tous : on en a besoin pour vivre! »
Pierre Leblanc présente ses pièces sous plusieurs formes : des dessins, des découpages, des monotypes, des maquettes. Elles sont presque toutes reliées à ses sculptures monumentales : ce sont des ébauches, des projets de recherche, différentes moutures qui l’ont amené à concevoir ses œuvres finales. « Je les appelle mes œuvres dérivées », précise-t-il.
Symbolisme des formes
On retrouve souvent la disamare*, l’orme, la feuille de l’orme et le chiendent dans ses ouvrages. L’artiste indique que cette récurrence s’appuie sur les premières lignes du poème Tête de caboche de Gaston Miron : une idée ça vrille* et pousse / l’idée du champ dans l’épi de blé / au cœur des feuilles l’idée de l’arbre / qui va faire une forêt / et même, même / forcenée, l’idée du chiendent. « Pour représenter l’arbre, j’ai pensé à l’orme, presque disparu au début du siècle dernier, mais qui a retrouvé une importance artistique avec Marc-Aurèle Fortin et Armand Vaillancourt. »
« La poésie fait jaillir les formes », confie-t-il. Gaston Miron a été pour lui une source d’inspiration. Pierre Leblanc créait le projet Les territoires rapaillés avec Miron et René Derouin en 1995. C’est grâce à ce grand poète qu’il a découvert la force de l’écriture. Depuis il insère mots et textes dans ses créations.
Les matériaux
Pierre Leblanc utilise l’aluminium et l’acier inoxydable pour les sculptures d’art public. Mais lorsqu’il travaille sur ses propres projets, dehors, chez lui, il utilise de l’acier brut qui, irréversiblement, s’oxydera. Réalité financière oblige. On pourrait penser que la réussite artistique l’a mis à l’abri des contingences matérielles. Mais il n’en est rien. « Certaines années, j’ai reçu de 700 à 800,000 $ pour la réalisation de projets d’art public. En fin de compte, il ne me restait que 15 à 20,000 $ dans les poches. »
Toujours créer
L’artiste septuagénaire a toujours le feu sacré. Il continue à travailler. « J’expose sur la place publique pour établir un vrai dialogue. Mes créations s’adressent à tous ceux qui les regardent. » De la passion ? Ses amis et lui se disent plutôt qu’il s’agit d’inconscience, ou même d’une maladie… https://pierreleblancsculpteur.com/.
* La disamare est le fruit de l’érable. Munie de deux ailettes, elle vrille dans l’air lorsqu’elle se détache de l’arbre.