« Faut que ma mère grandisse ! Faut qu’elle se défende; faut qu’elle cesse de subir ». Voici les mots clairs par lesquels Philippe débute, ce matin-là, notre rendez-vous. Philippe accompagné de sa mère qui, les yeux plutôt impuissants, est assise là et se contente de hocher la tête faiblement.
« Ma mère est une mère extraordinaire. Je suis honoré d’être son fils. Elle a un bon coeur… sa générosité est sans limites. Trop généreuse… Mon père maltraite ma mère depuis toujours. Il lui dit des noms, l’humilie, la manipule. Même s’ils sont séparés depuis un an, elle reçoit des coups… Des centaines de messages qui donnent la nausée. Elle encaisse. Elle essaie de se défendre, mais là, faut qu’elle coupe les liens avec lui!
Le plus grave est que mon frère de 17 ans imite mon père. Il bafoue ma mère et là, moi, j’ai décidé que la violence devait s’arrêter. Mon frère m’a frappé plusieurs fois. J’ai essayé de comprendre, de savoir si je le provoquais… J’ai tenté de lui parler pour qu’on se mette ensemble pour agir autrement que mon père. Aujourd’hui, je demande à ma mère de grandir. Je ne veux pas qu’elle entre en bataille avec mon père et mon frère. Je veux qu’elle prenne des actions pour que, chez notre nouveau chez nous, la violence nous quitte.
Doit-on appeler la police ? Doit-on rompre toute communication avec mon père et mon frère qui nous bombardent d’insultes ? Mon frère doit-il vivre avec mon père ? Devrais-je déménager chez mes grands-parents dans une autre ville ? Je veux continuer d’admirer ma mère pour ses valeurs. Mais là je sens que je pourrais la mépriser parce qu’elle se laisse insulter; parce qu’elle a tellement peur qu’elle fait tout ce que mon frère veut d’elle; parce qu’elle croit encore aux fausses promesses que lui fait mon frère; parce qu’elle dit “c’est mon fils, faut que je le sauve !”
J’aimerais qu’elle sauve sa peau, qu’elle sauve notre relation et aussi la vie de mon petit frère de 7 ans, Gabriel. Je ne suis plus capable de protéger ma mère et mon frère. Je vais partir si la violence vient encore vivre dans notre maison. Ce n’est pas une menace, c’est une obligation pour moi de rester en vie ».
Il est où le bonheur, il est où ?
Difficile de voir le bonheur à travers tant de souffrances et de douleurs… à travers un enfant qui devient adulte bien avant son temps. Le bonheur, c’est que Philippe passe à l’action, qu’il a une lecture claire et respectueuse de ce qu’il veut dans sa maison. Oui, ici, c’est l’enfant qui fait grandir le parent.
Le bonheur, c’est que Philippe, Gabriel et maman se sont mobilisés pour mettre fin au cycle de la violence. Ensemble, ils se sont donné la mission de traverser les peurs et surtout de ne plus jamais laisser la violence prendre du terrain par le silence.