Inflation et hausse du panier de consommation (logement, aliments, soins de santé) font l’actualité. « On va finir par manger d’la pichoune! » lancent des aînés de mon environnement.
Il y a longtemps que je n’avais pas entendu cette expression. Durant ma jeunesse, elle faisait référence à la tarte aux raisins, mais sans raisins. « Les raisins séchés coûtent cher cette année, prétextait ma mère. Mélasse et farine de maïs offrent le même goût, ajoutait-elle pour s’excuser. » Nous étions neuf à table. Nous dévorions de larges portions de ce dessert sucré, réconfortant par temps froid.
Tarte à la ferlouche et autres variantes, mais même misère
Je vous entends. Vous allez m’écrire me précisant qu’on nommait cette tarte dans votre famille : ferlouche, faisant allusion au fer dans la mélasse, farlouche et même forlouche. Vous avez raison. Ce mélange de sucre épaissi d’un féculent dans lequel on ajoute différents ingrédients est connu sous plusieurs noms. La cassonade
a remplacé la mélasse; les raisins ont été remplacés par une variété de noix et de fruits et l’abaisse complète de pâte du dessus, par des bandes entrecroisées. Aujourd’hui, selon certains pâtissiers et pâtissières, elle est plus populaire durant la période des Fêtes.
2024, année d’inflation et de « pichoune »?
La tarte à la pichoune était le dessert du petit peuple, écrit Michel Lambert dans son Histoire de la cuisine familiale du Québec. Le Dictionnaire des canadianismes de Gaston Dulong définit le mot ferlouche ou farlouche comme une garniture de tarte à base de mélasse, de farine et de raisins secs. En 2024, remplir l’assiette des ménages s’avère particulièrement ardue, avance Statistiques Canada. La hausse des coûts du logement, de l’alimentation et des soins de santé constitue actuellement des indices importants de pauvreté. On avance qu’une famille de quatre personnes déboursera environ 700 $ par mois pour s’alimenter en 2024, ce qui porte le montant total de ses dépenses alimentaires annuelles à près de 8400 $. La tarte à la pichoune reviendra-t-elle sur nos tables?
De pitchou, à pitchoune, à pichou, à pichoune, à pissou
Vous avez peut-être entendu les expressions : pissou, pitchon et celle gentille, pitchoune. Ils tirent leur origine d’une expression provençale, pichon, qui signifie petit. Déformé dans son orthographe par différentes prononciations, son sens fait appel à la même réalité: être petit, être pauvre, avoir peu de ressources. La chef cuisinière américaine renommée Julia Child et son mari Paul ont nommé leur petite maison en stuc, dans le village provençal de Plascassier en France, La Pitchoune. Au Québec, on lui accorde plusieurs significations dans le langage populaire, principalement durant la dure période de crise économique de 1929 jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945). Des auteurs et chanteurs populaires en utilisent : le poète Jean Narrache (Émile Coderre, 1893-1970), l’auteur Gratien Gélinas dans Les Fridolinades et la folkloriste la Bolduc (Mary Rose-Anne Travers, 1894-1941) sont de ceux-là
Mincemeat : origine britannique
Les historiens culinaires accordent une origine britannique, spécialement celtique aux plats qui présentent un mélange de viande et de sucre, élément servant de conservation. Mincemeat étant la contraction de mince (émincer, tailler en petits morceaux) et meat, viande. Ce procédé de conservation existait dès la période de sédentarisation des êtres humains et leur permettait de conserver un minimum d’aliment lors de leurs longs déplacements. C’est dans les recettes de confection de tourtes faites de viande fermentée et sucrée qu’on en retrouve les premières traces.