Amour de l’art et hasard d’une rencontre entre l’écriture et la gravure. Projet inédit et spontané qui a donné naissance à un livre d’art intitulé Mots gravés.
Odette Pinard, animatrice d’atelier d’écriture, a offert à des auteures1 de donner un second souffle à leurs textes. Odette étant aussi membre de l’Atelier de l’Île de Val David, elle a proposé à ses collègues graveurs de l’atelier un projet de jumelage à l’aveugle : piger un texte anonyme qu’ils devraient commenter en image. C’est ainsi que 20 textes d’autofiction sont à l’origine de 20 estampes originales. Ce travail de création sera exposé jusqu’au 22 décembre2.
Appropriation
Trois artistes hippolytois ont participé à ce projet d’art : Jocelyne Annereau Cassagnol, Claudette Domingue et Cédric Loth.
« J’ai pigé un texte qui traitait de la naissance 3 » , commente Jocelyne Annereau Cassagnol qui a accouché de l’estampe Maternités. « L’auteure parle du vécu des mères. J’aime représenter des personnages. Cela m’a donc tout de suite rejoint!»
« Moi, mon texte était intitulé Petits riens de l’enfance 3, indique Claudette Domingue. Ce qui m’a tout d’abord accrochée, c’est l’évocation du crayon de couleur mauve. Lorsque j’étais petite, c’était la couleur par excellence ! Je l’ai donc utilisée pour ma gravure intitulée le mauve, un mauve d’un ton si intense qu’il peut en paraître noir. J’ai composé une estampe qui reflète le thème du texte, soit le bonheur de dessiner sur une grande feuille de papier vierge. »
Le texte Hypothèses 3, quant à lui, a été illustré par Cédric Loth. « C’était pour moi la dualité des choix et la résilience tout simplement. Ce crabe représente la mer mais aussi l’esprit qui marche de côté, jamais droit! »
Électro-gravure
Les artistes graveurs ont pu s’exprimer à leur guise. Les seules limites imposées étaient la grandeur du dessin et le type de papier utilisé. Mais attention! Le travail de gravure n’est pas qu’artistique. Il est hautement technique. Autant manier les mots est l’aboutissement d’un long apprentissage, qui commence par apprendre à écrire, autant la gravure requiert « une succession d’étapes et de façons de faire minutieuses. 4 »
Jocelyne avait déjà créé une eau-forte sur une plaque de cuivre gravée à l’acide, représentant une
femme qui danse. Elle a réinterprété cette composition en y ajoutant, avec des pochoirs en cuivre
travaillés à la pointe sèche, une femme enceinte et un bébé. Claudette a utilisé un procédé d’électro-
gravure (electro etching) pour réaliser son estampe. Elle explique, « j’ai utilisé une matrice de plaque de zinc bien nettoyée pour enlever le film gras qui la recouvre. Je l’ai préservé d’un vernis avant de dessiner l’image. À l’aide d’outils, j’ai dégagé les espaces que je voulais graver. J’ai déposé la matrice
dans un bassin d’eau et de sels spéciaux, face à une autre plaque de zinc. J’ai branché une anode et une cathode afin de faire graver la matrice avec bombardement de photons. J’ai répété plusieurs
fois cette opération pour que mon image soit parfaite. Puis, j’ai encré et imprimé sous presse ».
Amour et hasard
On n’est pas si loin du jeu de l’amour et du hasard de Marivaux! D’accord, il n’y a ni subterfuges ni quiproquos dans ce projet mais l’essence de l’histoire de ce livre d’art se rapproche de celui de la pièce. Marivaux a écrit l’histoire d’un homme et d’une femme qui souhaitaient, en s’unissant, trouver l’amour véritable. Les Mots gravés est l’histoire d’auteures et de graveurs qui ont souhaité, en s’unissant, se rejoindre dans l’amour de l’art.
1 Toutes des femmes
2 Voir le Babillard culturel, page 22
3 Texte Ma naissance de Anne-Marie Moran ; texte Petits riens de l’enfance de Louise Ladouceur; texte Hypothèses de Fleurette Nadeau
4 Article Des estampes exploratoires à l’Atelier de l’Île – https://journallesentier.ca – Archives : 2016 AVR, p.22