Louise Fournier et sa Ruée vers l’or

Une expérience qui change le cours d’une vie

À l’aube de 2018, on se surprend encore à prendre de bonnes résolutions:  faire plus de ceci et moins de cela, adopter un autre rythme… En bref, changer!  Peut-on y arriver dans un quotidien routinier qui englue si sournoisement la bonne volonté? Certains ne font pas dans la demi-mesure :  ils se mettent en situation de vivre une expérience exigeante qui les amène à prendre du recul, à se dépasser et à comprendre, dans leurs tripes, que c’est à eux de prendre les moyens qui s’imposent pour mettre en place des changements dans leurs vies. C’est ce qu’a fait l’Hippolytoise Louise Fournier.

Vous avez peut-être vu la téléréalité La Ruée vers l’or. La série a été diffusée en 2011- 2012. L’aventure avait été tournée à l’été 2010. Louise Fournier était l’une des dix personnes qui ont entrepris cette expédition extrême, de Skagway en Alaska à Dawson au Yukon, dans la peau d’un prospecteur d’or des années 1898-1899. Cette expérience reste un tournant dans sa vie.

L’appel

« Un matin, j’écoutais Salut Bonjour. On a parlé du projet de La Ruée vers l’or. On cherchait des candidats. J’ai tout de suite senti que c’était pour moi » raconte Louise.  Mille trois cents personnes ont posé leur candidature. Louise faisait partie des dix aspirants qui ont été retenus pour vivre ce périple  exceptionnel. L’élément le plus important dans le choix des candidats était la diversité. On souhaitait avoir un groupe qui reflète la société. Bien sûr, les candidats devaient être en grande forme physique, mais aussi passionnés et motivés. Louise était l’aînée du groupe avec ses cinquante ans. En quelque sorte, je représentais le groupe des personnes âgées » dit-elle en riant.

Louise est mère de deux enfants. Elle expliquait au début de l’expédition : « Ça fait 15 ans que je me consacre à ma famille. Je me suis donnée à 100%. Je ne le regrette pas. Je suis heureuse de le faire. Mais j’ai besoin de faire quelque chose pour moi, pour me ressourcer, pour voir si je suis encore capable de pousser mes limites. »

 

L’expédition

 

 

L’expédition de trois mois reproduisait la grande histoire du Klondike, de Skagway à Dawson City Les participants ont effectué le trajet dans des condition extrêmes:  1100 km de portage, à pied, sur la Chilkoot Trail ; et 800 km de lacs et de rivières sur des radeaux qu’ils devaient construire eux-mêmes.  Ils sont partis avec  5000 livres de nourriture et de matériel. Ils devaient avoir encore 4500 livres en leur possession au moment de passer la frontière entre l’Alaska et la Colombie-Britannique. Imaginez le nombre d’allers-retours qu’ils ont dû faire pour transporter toute cette charge!  Mais c’était une exigence de l’époque. On demandait aux prospecteurs qui  se rendaient au Klondike de prouver qu’ils pourraient survivre de façon autonome pendant un an avec leur(s) chargement(s).

Cet exploit, des milliers de personnes atteintes de la fièvre de l’or l’on tenté à la fin du 19e siècle. Cent mille personnes, dont dix mille Canadiens francais1,  ont pris le départ pour le Klondike.  Quarante mille seulement y sont arrivées.

 

Conditions d’une autre époque

Louise et ses compagnons prospecteurs ont vécu cette éprouvante aventure dans les conditions de voyage qui prévalaient à l’époque : des vêtements en laine et en feutre, des chaussures en cuir aux semelles lisses, des ballots, boîtes de bois et autres chargements à transporter avec des sangles en cuir. Très loin des vêtement en goretex, des bottes de randonnée aux semelles Vibram et des sacs à dos ajustables!  Représentez-vous-les sous la pluie et le froid,  frigorifiés dans leurs vêtements trempés, les pieds transis qui glissent sur les pentes boueuses et rocheuses  … Et sachez que près des deux tiers du temps, c’est sous la pluie qu’ils ont portagé sur cette distance de 1110 km.

 

Défis physique et psychologique

Dès le deuxième jour de marche, Louise se retrouve avec des pieds infectés qu’elle soignera en les trempant dans l’eau salée. « L’horreur, témoignait-elle, plus souffrant que mes deux césariennes à froid! »  À un autre moment, elle s’écroule complètement épuisée par terre, vidée, à bout. Mais elle se relèvera.

« Si t’es capable de garder la tête dans le jeu, tu vas pouvoir te rendre jusqu’au bout. » Ce sont les paroles d’un de ses camarades auxquelles elle a adhéré. Quelques prospecteurs du groupe ont vécu des périodes de détresse psychologique en remettant en cause leur choix d’être là. Louise a su « garder la tête dans le jeu » : un pas à la fois, une minute après l’autre, totalement ancrée dans l’instant présent.

Bilan

« J’avais le goût de pousser mes limites. Mais mon but était aussi de donner un exemple de courage, de détermination, d’endurance et de tolérance à mes deux garçons, dira Louise à la fin de l’expédition. Je pense que j’ai réussi. Je suis fière de moi. Ça va faire partie de leur héritage!

Dans une expérience comme celle-là, tu apprends à te connaître, à savoir jusqu’où tu es capable d’aller, ajoutera-t-elle. Je me suis rendu compte que je ne suis pas encore assez vieille pour baisser les bras. Je suis encore prête à relever d’autres défis.»

Aujourd’hui, sept ans après la fin de cette odyssée mémorable, Louise confie :  « En vivant cette expérience, j’ai pleinement ressenti que j’étais seule responsable de mon bonheur ou de mon  malheur, que j’étais la seule à pouvoir me changer. Et je suis passée à l’action. Oui, c’est une expérience qui a provoqué de grandes transformations dans ma vie personnelle.»

 

1 Selon l’ethnologue Jeanne Pomerleau