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Les legs des familles migrantes, 1840 – Colonisation canadienne-française : nécessité de survie

Regard sur ceux du territoire de Saint-Hippolyte

1840 – Colonisation canadienne-française : nécessité de survie

Membres de la famille Gohier de Saint-Hippolyte qui ont migré à Port Henry, État de New York, États-Unis, vers 1900. Crédit photo : Sylvie Brisson et Mario Brunet

 

L’ouverture à la colonisation de territoires des « Pays d’en Haut », dont fait partie Saint-Hippolyte, est liée, pour les familles migrantes canadiennes-françaises vers 1840, à un état de survie économique, social et politique.

 

L’histoire du peuplement au Bas-Canada ne les a pas favorisées. Les piètres efforts de colonisation de la France en Amérique avant la Guerre européenne de Sept-Ans, ont laissé une « Nouvelle-France » appauvrie. Puis, la Conquête britannique militaire de 1763 avec une domination économique écossaise, une expansion territoriale impossible des familles confinées sur des territoires seigneuriaux appauvris et un refus d’une représentation politique dans un Bas-Canada britannique, ont provoqué en plus d’une rébellion politique en 1837, un état de survie économique généralisé.

 

 

 

 

Plus de 573 000 Canadiens français migrants. Crédit photo : Jacques Leclerc

Exode, solution de survie

Conséquence, l’exode vers d’autres lieux semble un moyen de survie pour plusieurs familles. Beaucoup de jeunes hommes en âge de travailler migrent vers des villes américaines et leurs manufactures. D’autres s’engagent au loin comme bûcheron, maréchal-ferrant, cuistot et homme de services dans les chantiers anglais de l’Outaouais, de la Mauricie et du Saguenay1. Certains, après une période d’apprentissage d’un métier ouvrent des commerces de forge, de cordonnerie, d’atelier d’ébénisterie, de boulangerie ou de laiterie-beurrerie dans les villages naissants dans l’Augmentation de la Seigneurie des Mille-Îles (Sainte-Scholastique, Saint-Augustin, Saint-Janvier, Saint-Antoine et Dumontville, futur Saint-Jérôme). L’histoire de certaines familles hippolytoises nous montrent que le temps d’une ou de deux générations, ils ont acquis les fonds nécessaires pour l’achat d’un lot, à Saint-Hippolyte ou dans des pays nouveaux de colonisation, plus au nord.2

 

 

Legs recherchés et partagés : devenir citoyens entrepreneurs

On a peine aujourd’hui à comprendre les raisons pour lesquelles nos ancêtres sont venus s’installer à Saint-Hippolyte malgré le peu de rentabilité agricole des lots hippolytois. C’est qu’on oublie l’importance que représentait, à cette époque, être propriétaire d’un bien foncier. Pour un homme cela voulait dire : droit de parole, de voter et d’agir en tant que citoyen reconnu ! N’était-ce pas le motif principal de la Rébellion des patriotes (Canadiens français et Canadiens anglais) de 1837 dans l’obtention d’un droit de participer à un gouvernement parlementaire responsable ?

 

 

 

 

 

 

 

 

De plus, leurs nouveaux apprentissages d’ouvrier entrepreneur ont développé chez eux des habiletés qui leur ont bien servi. Ils ont su alors composer avec les roches « qui poussaient dans leurs champs », avec les eaux dont on s’éloignait de peur de noyades d’enfants et d’animaux, des montagnes aux bois difficiles d’accès, mais qui préservaient l’air pur et sain tant apprécié dans l’économie nouvelle récréotouristique qui naissait..

 

1 Philémon Wright, développe le commerce du bois, en Outaouais et sur la Rouge vers 1800, Louis Cossette ouvre la Mauricie en 1803, Charles Héon en 1825 dans les Bois-Francs et Alexis Tremblay au Saguenay, en 1837.

2 Les Dagenais, forgerons, les Labelle, marchands généraux, les Lachance, habiles constructeurs de granges, de maisons, de meubles et de violons, sont de ceux-là ainsi que d’autres familles hippolytoises.

3 Histoire du territoire de la ville de Saint-Jérôme 1752-1877

 

 

 

 

 

 

 

Bénoni Lachance, patriote

Quiconque a côtoyé le petit-fils de Bénoni II Lachance (1820-1901), Élie Lachance du lac Bleu, mort à 101 ans et 4 mois, a entendu parler du patriotisme de son ancêtre. En 1837, Bénoni II avait 17 ans comme son cousin germain, Alexis II Lachance qui lui, trouva la mort comme quinze autres patriotes lors de la Rébellion de Saint-Eustache. On peut imaginer qu’après cet événement condamné par les autorités britanniques et le

clergé, Bénoni comme les membres de cette famille ont dû garder le silence autour de cet événement, peut-être malgré leur approbation. Mais c’était mal connaître la ferveur patriotique de cette famille qui se perpétua jusque sur le rang 2 d’Abercrombie avec l’arrivée de Bénoni II et sa grande famille en 1860 dont plusieurs descendants habitent encore.

 

Élie Lachance

Son petit-fils Élie, fier héritier des traditions québécoises, habile menuisier, constructeur de maisons et de bâtiments, éleveur de bétail et dresseur expérimenté de chevaux conservait en lui et autour de lui, la fierté de la vie d’autrefois et le patriotisme de son ancêtre. Il savait tout faire : construire son mobilier de maison, tresser les fonds de ses chaises de lanières de tilleul que seul, il savait apprêter au printemps, cuire son sirop d’érable dans son gros chaudron noir et dans sa cabane rudimentaire, et tant d’autres choses. Chanteur et musicien autodidacte, les veillées chez lui étaient courues. Droit et lucide encore à 100 ans, il entonnait de vieilles ritournelles que ses enfants accompagnaient avec l’un des 12 violons qu’il avait fabriqués du bois de sa forêt. Chaque violon constituait un héritage pour chacun de ses enfants.

 

1 Lessie : solution à base de sels alcalins tirés de la cendre de bois servant au nettoyage.