« Nous racontons des histoires parce que finalement les vies humaines ont besoin et méritent d’être racontées. » Paul Ricoeur
Après deux années de confinement, les activités communautaires, animées par des bénévoles, ont de la difficulté à repartir. En ces temps de postpandémie, rappelons-nous ces belles activités bénévoles pour nous donner le goût de récidiver et pourquoi pas, essayer, encore une fois, de combattre la solitude, relancer l’entraide et la vie en groupe et, pourquoi pas, refaire le monde.
C’est dans l’esprit des beaux films sur L’Isle-aux-Coudres de Brault et Perrault, Pour la suite du monde, qu’il m’apparaît important de rappeler cette partie de notre joyeuse histoire locale. À l’été de 1994, des familles de Saint-Jérôme, Saint-Hippolyte, Prévost, Saint-Sauveur et Piedmont accueillirent un enfant, à leurs frais, pendant six semaines pour leur permettre de vivre dans un environnement non radioactif.
Le contexte. En 1986, un réacteur de la centrale de Tchernobyl, situé en Ukraine, explosa — le même qui vient d’être bombardé par l’armée russe en 2022. C’était la première fois depuis Hiroshima que des civils étaient exposés à des radiations aussi intenses. Les vents dominants soufflaient la poussière radioactive en direction du nord, vers la Biélorussie. Pour aider les enfants habitant les lieux les plus contaminés, à vivre un peu de répit dans un pays propre et diminuer les risques de cancer de la thyroïde, des associations de bénévoles se formèrent partout dans le monde.
24 familles répondent oui
Aux nouvelles de Radio-Canada, on fit connaître un tel groupe à Montréal. Nos trois garçons ayant quitté le domicile familial et bénéficiant de deux mois de vacances, nous décidâmes de prendre un de ces enfants pendant l’été. Nous nous rendîmes à une réunion d’information à Outremont. La responsable enseignait la philosophie au Collège de Maisonneuve. Elle nous suggéra de démarrer un groupe dans les Laurentides. Ce que nous fîmes. Aidés par les papiers locaux, très influents à l’époque. Les invitations furent lancées. Rapidement, plus de 24 familles répondirent positivement pour s’occuper des jeunes pendant 40 jours. En 1993, plus de 1464 enfants furent accueillis en Ontario et au Québec. La fondation qui les invite paye le billet d’avion. Elle ramasse des fonds.
Linda Brunet, qui travaillait pour La Métropolitaine, compagnie d’assurance vie, prit en charge le projet. Des bénévoles proposèrent des sorties comme aux glissades d’eau du mont Saint-Sauveur, au Jardin des Merveilles, etc. Plusieurs autres activités communautaires furent vécues en groupe. Nous n’avions pas été avertis qu’un adulte, parlant français, accompagnerait les jeunes. Nous nous retrouvâmes avec un jeune, Feder, et un adulte dans notre domicile. Vladimir était très cultivé et aimable et surtout connaissait bien les champignons, qu’il récoltait dans les bois.
Dentistes et Buffet chinois
Rapidement, il nous fit comprendre que les services de dentistes en Biélorussie étaient inexistants. Nous contactâmes des dentistes de la région, qui acceptèrent tous de recevoir gratuitement les enfants. Chaque famille accompagnait le jeune et le traducteur devant accompagner chacun, nous passâmes notre été à faire du taxi. Toutes les familles ont des anecdotes à raconter. Les jeunes ne parlaient que le russe. Une fois, tout le groupe se retrouva chez le Buffet chinois, pour un repas communautaire. Nous ne savions pas qu’ils ne connaissaient pas ce genre de restaurant. Une fois qu’ils eurent compris, ils vidèrent les plats et surtout la crème glacée.
Deux conteneurs de médicaments
L’année suivante, une autre région du Québec fut sollicitée. D’autres groupes d’accueil furent formés. Linda Brunet, ma conjointe, continua son travail bénévole en approchant les compagnies pharmaceutiques pour qu’elles donnent des médicaments, non périmés, pour aider les jeunes vivant dans ces conditions. Deux conteneurs furent acheminés en Biélorussie, après un grand nombre de démarches pour que les médicaments passent les différentes douanes.