L’histoire de la création des sept écoles de rang de 1871 à 1962 de la municipalité de Saint-Hippolyte, sur un vaste territoire laurentien (132 km2)1, témoigne de l’importance d’offrir une éducation des valeurs intellectuelles et religieuses, malgré les défis économiques que cela pouvait représenter pour les familles fondatrices.
La création de cette jeune municipalité vise à regrouper en 1869, des familles de religion catholique qui se sont installées progressivement sur des terres des comtés de Wexford, Abercrombie et Kilkenny. Ces comtés, créés en 1840 par le gouvernement du Bas-Canada, étaient pourtant réservés aux familles immigrantes anglophones, écossaises et irlandaises dont les chefs-lieux étaient alors Shawbridge (rivière du Nord) et New Glasgow (rivière l’Achigan). Mais, les immigrants anglophones les abandonnent rapidement à cause du peu de rendement agricole des sols pauvres et de leur difficulté à les labourer. Certaines familles anglophones restantes transforment d’abord ce territoire en zone d’exploitation forestière de bois de construction et de chauffage, avant de finalement les offrir aux familles canadiennes-françaises qui ne peuvent plus acquérir de terres dans les seigneuries du lac des Deux-Montagnes, des Mille-Îles et de Terrebonne, au sud.
L’école, prolongement de la famille et de l’Église
Ainsi, progressivement sur des terres qui permettent un peu d’agriculture, des familles canadiennes-françaises catholiques, migrent à partir des villages de Shawbridge et de New Glasgow. Ils remontent le long des cours d’eau, chemin naturel de transport, et forment les premiers îlots d’habitation, à l’ouest, au nord du lac des Quatorze-Îles et, à l’est, autour de la Baie de Kilkenny et de la plage naturelle du lac de l’Achigan. Par nécessité, de petits rangs tortueux, peu carrossables, relient les fermes. Comme il était important pour ces familles d’offrir à leurs enfants une éducation académique et religieuse, dès la 2e génération, on pense à y établir une école. Car, comme le précise la Loi sur l’Instruction publique 2 de 1851, l’école est « le prolongement des enseignements moraux et religieux de la famille et de l’Église ». Telle est la tâche de la maîtresse d’école choisie qui doit y jouer un rôle aussi important « que le curé de la paroisse, 3 que le commissaire-parent élu et que l’inspecteur mandaté pour en vérifier périodiquement la qualité de l’enseignement. Cette dernière, en plus de plaire et répondre aux attentes afin d’instruire aux connaissances académiques, doit éduquer les enfants à la vie et à la foi religieuse. Son autorité se manifeste, dans une discipline d’amour et de crainte. Dieu, lui-même, ne conduit pas autrement ». 2
Naissance progressive des sept écoles de rang
On pense que, dès 1860, une école est présente sur le Chemin du Roi (baie de Kilkenny), école no.2, pour les enfants des premiers arrivants écossais et irlandais venus de New Glasgow. En 1871, sur le rang 10, au lac de l’Achigan, l’école no. 7 accueillera progressivement jusqu’en 1957, des élèves de six divisions (1re à la 6e année) sous l’égide d’une même enseignante. Après Lucina Lafleur qui y a enseigné durant plusieurs années, l’hippolytoise Thérèse Racine en sera la dernière enseignante, de 1952 à 1957. Au rang 4, au lac des Quatorze Îles, l’école no.3. Saint-François-Xavier (deux bâtiments seront construits successivement) accueillera progressivement des élèves de plusieurs divisions. Puis, dès 1907, du côté du lac Écho, l’école no. 4, Saint-Jean-Baptiste, accueillera les enfants du rang 3.
Au village, une première école est construite en 1912. Moderne, elle offre aux maîtresses d’école, un logement à l’étage. S’ajouteront, l’école no. 5, dite des Hauteurs (emplacement actuel de Materio). Les sœurs Angèle et Jeannine Ménard y enseigneront, l’une aux petits, à l’étage, l’autre aux grands, au rez-de-chaussée. 4 Elles termineront leur carrière à l’école Notre-Dame-du-Rosaire. Et l’école no. 6, dite du lac Connelly, où Annette Lanciault (madame Paul-Émile Sigouin) enseignera durant 22 ans. Cette enseignante terminera une carrière de 26 ans à la nouvelle école Notre-Dame-du-Rosaire, en 1965. Dans les années 1930, les sept écoles de rang de Saint-Hippolyte accueillent environ 250 élèves, ils seront 470 élèves vers 1962.
1 À titre comparatif, correspond à une plus grande superficie que celle de l’addition des territoires actuels de la municipalité de Saint-Jérôme (93 km2) avec celle de Prévost (35 km2)
2 Loi sur l’instruction publique : Loi qui légifère le système éducatif public au Bas-Canada (Province de Québec) depuis 1851.
3 Amendement de 1849, dans la Loi sur l’instruction publique, page 291.
4 Suzanne Laurin-Varin, Les écoles de rang à Saint-Hippolyte dans Les cahiers d’histoire de la Rivière-du-Nord, vol 1 no.2, août 1983.