Thérèse Racine, jeune enseignante au lac de l’Achigan (1952 à 1957) partie 4
Thérèse Racine, 85 ans, se souvient avec bonheur de ses premières années comme maîtresse d’école, au lac de l’Achigan de 1952 à 1957. « Tout m’avait préparée, jeune élève à l’école du rang du lac Connelly, en 1939 avec madame Jean-Paul Sigouin puis comme couventine de 1947 à 1951 à St-Lin et à Longueuil, à vivre cette vie de vocation enseignante ».
« Il fallait avoir une vraie vocation, car rien n’était facile ! Imaginez, à ma première année, j’avais 19 ans et j’enseignais à 14 élèves dont un garçon qui avait presque mon âge ! Aujourd’hui, les futurs enseignants font des stages pendant quatre ans pour apprivoiser ce monde. Nous, on y plongeait carrément, au sortir de l’école ! Seule dans notre petite école, loin de notre famille, sans téléphone ou moyens pour communiquer afin de partager avec d’autres, on devait travailler fort, du matin au soir, pour être à la hauteur des attentes élevées de cette époque ! »
Premier défi
« Malgré tout, quelle chance j’ai eu dès le départ, souligne Thérèse Racine, d’obtenir un premier contrat si près de la maison. Fraîchement diplômée de l’École Normale de Longueuil, brevet supérieur en main, on m’offrait un poste à l’école de rang, no. 7, au lac de l’Achigan. Je connaissais ce milieu et ses familles, car, durant l’été, j’avais travaillé au Kilkenny Lodge de la famille Quinn près de chez moi, dans la baie de Kilkenny et à la Gingras Boarding House ou Pension du Pin près de la plage municipale et de l’école du lac de l’Achigan. L’école de rang, après avoir été fermée quelques années faute d’élèves, était rouverte en 1952, à la demande des parents, pour accueillir 14 élèves des familles Clément, Beauchamp et Longpré, de la 1re à la 5e dont cinq élèves en 1re année. Première année scolaire importante pour l’initiation à la lecture et à l’écriture et aussi pour la préparation aux sacrements de Première Communion et de Confession.
Fermeté dans la douceur
« Dès cette offre d’enseigner acceptée tout de suite, j’ai repensé à mes précieux souvenirs d’élève avec madame Sigouin. Comme elle, j’ai voulu adopter son attitude douce et patiente, tout en établissant des attentes fermes. La recette a semblé fonctionner, car dès la première année, j’étais appréciée de tous ! Cela m’a encouragé à offrir le meilleur de mes préparations dans les contenus des matières des différents niveaux. Et comme l’école ouvrait à la demande spéciale des parents, leur collaboration face aux problèmes de comportement m’était assurée. Physiquement, l’école ressemblait à celle du lac Connelly, à la différence que le poêle était inséré dans la cloison du mur central, entre la classe et le logement pour servir à la cuisson de mes aliments et de ceux des élèves, et pour le chauffage de l’école. La Gatineau Power de Saint-Jérôme commençait à installer l’électricité dans les maisons du rang. Je ne me rappelle pas qu’il y en avait encore dans cette petite école, car, le soir venu, je m’installais sur ma table de cuisine, à la lueur d’une lampe à l’huile, pour corriger les travaux de mes élèves.»
Émile Beauchamp, mon « grand » de 8e année
Thérèse Racine a aussi fait la classe à un « grand » d’un an son cadet, Émile Beauchamp, certains soirs de la semaine. « Au départ, j’étais réticente, mais sous l’insistance de sa mère, j’ai accepté. J’ai vite constaté le sérieux d’Émile et surtout ses grandes aptitudes à l’apprentissage. Pauvre lui, faute d’élèves suffisants, quelques années auparavant, l’école avait fermé après le départ de Luciana Lafleur et il n’avait pu poursuivre sa scolarité de 8e et 9e année. Il était très vaillant, car, malgré ses longues journées de travail manuel, son assiduité, sa grande application à étudier et à faire ses devoirs, sa gentillesse et ses petites attentions à entrer du bois de chauffage et à aller chercher de l’eau au puits, ont allégé cette charge supplémentaire à mes longues journées d’enseignement.
Enseigner à son frère et ses sœurs
Dans les dernières années de cette première aventure d’enseignement, le nombre d’élèves a diminué et pour justifier un nombre suffisant, Thérèse Racine a accueilli, à tour de rôle, son frère Jacques et ses sœurs Lorraine et Gisèle qui partageaient, avec elle, le soir, son petit logement. Comme ils étaient jeunes, en plus de leur enseigner le jour, je devais voir à leur bien-être, tout en faisant les repas et mes préparations de classe. Malgré tout, Thérèse Racine garde de bons souvenirs de ces années, même si Jacques l’occupait beaucoup, dit-elle en riant. Ces moments de rapprochement ont tissé des liens fraternels solides entre nous.