Nous avons parfois l’occasion de faire la découverte d’œuvres marquantes qui nous impressionnent par leur génie. C’est ce que j’ai ressenti en lisant les cinq volumes de la série japonaise Le sommet des Dieux. Je suis passionné de plein air, mais je n’ai jamais vraiment pratiqué l’alpinisme et pourtant cette histoire qui tourne entièrement autour de cette discipline m’a complètement absorbé.
On y suit Fukamachi Makoto. un photographe d’expédition qui aperçoit, par hasard, un appareil photo britannique datant des années 1920, dans une brocante de Katmandou. Il fera plus tard le rapprochement avec George Mallory, un alpiniste anglais disparu dans l’Everest en 1924. Depuis le jour de sa disparition, le doute persiste qu’il ait été le premier homme à atteindre le sommet du mont Everest. Fukamachi fait alors tout ce qui est possible pour retrouver l’appareil, en espérant qu’il contienne toujours le film qui pourrait confirmer cette théorie.
Sa recherche de l’appareil photo le mène sur les traces de Habu Jôji, un alpiniste japonais légendaire qui était disparu de la circulation depuis quelques années. Fukamachi s’intéresse au personnage et découvre à travers les récits des gens qui l’ont côtoyé, un être renfermé, qui avait une fixation profonde pour la montagne. La description de ses ascensions est si détaillée qu’on a presque l’impression d’y participer.
Le Sommet des Dieux est une grande histoire d’alpinisme, mais aussi une profonde introspection. Fukamachi a bien le temps de se remettre en question lorsqu’il dort dans sa tente, fixée à une paroi de l’Everest, à -30 °C. Qu’est-ce qui pousse ces passionnés à toujours vouloir aller plus haut, au péril de leur vie ? Tout au long du récit, on sent chez les protagonistes leur puissant désir de devenir le premier à atteindre le sommet. En solo. En hivernal. Et encore mieux : sans bonbonne d’oxygène.
Cet hommage à l’immensité de la montagne nous vient du dessinateur japonais Jiro Taniguchi (1947–2017). Dans cette série, il a réalisé plus de 6000 dessins; des paysages à couper le souffle. Sa patience et sa précision sont admirables. Étrangement, malgré une bibliographie impressionnante, il n’a jamais atteint un très grand succès dans son pays. Le plus grand intérêt pour son œuvre vient plutôt de la France. Le scénario, quant à lui, nous vient du roman de Baku Yumemakura qui d’abord a été publié sous forme de feuilletons. Ce dernier disait, après la sortie de la conclusion de sa saga, qu’il n’écrirait plus jamais sur la montagne; il en avait dit tout ce qu’il pouvait.
Préparez-vous pour le grand voyage, dégustez-le, prenez le temps de vous attarder aux dessins. Ne vous laissez pas décourager par le fait qu’il se lise à l’envers, moi aussi au début j’étais réticent, mais après quelques pages, notre cerveau s’adapte. Vous verrez…
Toutes les bandes dessinées mentionnées dans cette chronique sont disponibles à la bibliothèque de Saint-Hippolyte.