« Ce cri – non pas un rire, plutôt un ricanement dément – est prolongé et semble
parfois singulièrement humain à mon oreille. » – Henry David Thoreau
Les lacs laurentiens ne seraient pas les mêmes sans la constance des plongeons. Ces oiseaux, de la famille des Gaviidés, sont les plus anciens des oiseaux que nous pouvons observer aujourd’hui. Il n’y a que cinq représentants de cette famille dans le monde. Ils vivent soit en Eurasie soit en Amérique du Nord. Ils peuplent nos contrées depuis plus de 70 millions d’années…
Le huard
Le Plongeon huard1 mesure de 70 à 90 cm, possède un bec long et effilé apte à capturer les poissons sous l’eau. Les deux sexes ont le même plumage. L’œil est rouge, la tête est noire, mais peut paraître vert bouteille. Le dos est tapissé de blanc et de noir, comme les cases d’un échiquier. Un collier incomplet orne son cou. Ce plumage est visible dès son arrivée au printemps, à la fonte des glaces. En septembre, il se parera d’un plumage beaucoup plus terne, aux tons de gris et toute la gorge et le cou deviendront blancs. Il passera l’hiver en eau salée, en particulier dans les Maritimes.
Étonnant répertoire
Ce qui fascine à propos du huard, c’est son répertoire vocal. Bon nombre d’oiseaux aquatiques comme les cormorans, les canards et les goélands n’ont pas de cris très originaux et mélodieux. Bien sûr, ces sons sont efficaces et permettent la communication entre individus tout en servant à la délimitation du territoire. Le huard détient toute une gamme de sonorités qui, lorsqu’entendues, nous invitent à rejoindre un monde où la beauté sauvage et énigmatique prend toute la place. Le premier cri est un trémolo. C’est le cri de vol du huard. Ce cri peut servir à renforcer les liens du couple. Lorsqu’il se sent menacé, le huard pourra également laisser entendre son trémolo, une sorte de cri rieur, mais quelque peu hystérique. L’autre cri est la tyrolienne, car le Plongeon huard sait iodler. C’est un cri plus complexe et le mâle serait le seul à l’émettre. Il s’en sert pour défendre son territoire. Ce son, entendu à la brunante, se répercute dans l’immensité jusqu’aux lacs avoisinants.
Le Plongeon huard peut aussi chanter. Il fera entendre sa plainte. Ce son est semblable à un hurlement de loup. Il peut être proféré à toute heure du jour, mais est souvent entendu en pleine nuit. Un concert de huards peut également combiner plusieurs types de sons. La variété est grande et on reconnaît les nuances individuelles des cris et du chant des huards lorsqu’ils se mettent à vocaliser. Le dernier son est rarement entendu. C’est un ululement. C’est un cri plus court et doux. Il favorise des rapprochements entre individus d’une même famille.
Capables de prouesses
Les huards sont des oiseaux racés qui attirent l’attention. Ils sont expressifs, s’amusent dans l’eau et expriment leurs émotions par toute une série de gestes et de mimiques vocales ou non. Ils sont capables d’étonnantes prouesses. Comme leurs os ne sont pas aussi vides que les os d’autres espèces, ils sont passés maîtres dans l’art de plonger. Ils peuvent se rendre à 70 mètres de profondeur et demeurer sous l’eau plus de 10 minutes. La plupart du temps, ils ne demeureront en apnée que de 40 secondes à deux minutes.
Nicher sur des îles
Ils nichent préférablement sur des îlots à même les lacs du Québec et d’ailleurs. Le nid sera installé tout près de l’eau, car le huard est vraiment gauche lorsqu’il se déplace sur la terre. Ses pattes sont situées loin derrière son corps. C’est avec ses pattes qu’il se propulse sous l’eau. Les ailes ne serviront qu’à effectuer des virages. Je les observe depuis des décennies. Je suis heureux de savoir que les Plongeons huards peuvent vivre jusqu’à 30 ans à l’état sauvage. Jamais je ne me lasse de les écouter, de les regarder. Ce sont les princes de nos lacs. Sur eux, au soleil, l’eau scintille comme des joyaux.
- Le Plongeon huard s’appelait auparavant le Huart à collier.