Cette année, la fête de Pâques aura lieu à la fin mars, alors que nous aurons encore les deux pieds dans la neige. Lorsque j’étais enfant, nous demeurions en face de l’église où nous assistions à la messe chaque dimanche. J’ai reçu tous les sacrements, du baptême au mariage. À ce temps de l’année, je participais à la marche du Pardon, le Vendredi Saint, dans les rues silencieuses de Lachine et, à trois heures, je pensais à Lui, mourant sur sa croix. Puis, à l’adolescence, la vie m’a amenée à penser d’une autre façon et à regarder la religion de loin. Si bien qu’aujourd’hui, je suis ailleurs. Certains diront que je suis du côté obscur (païen) de la Force. Du côté du chocolat. C’est pas faux.
La religion n’a pas eu vraiment de mauvais dans ma jeune vie, j’en ai plutôt retiré de belles valeurs et surtout, de magnifiques souvenirs. Particulièrement à Pâques. Quelle journée faste chez nous! La maison décorée, la table festive, la grande vaisselle, les beaux habits. Et les gourmandises : c’était le seul matin de l’année où mon père cassait les noix de coco. À cela s’ajoutaient les fraises, les ananas, les bouteilles de mousseux, le saumon fumé, le jambon à l’os. Et il y avait du chocolat. Plus qu’on ne pouvait en manger. Pâques était jour d’abondance, après un carême éprouvant pour moi. Suivant la messe, toute la famille se rassemblait chez nous pour le banquet. Je portais fièrement ma robe de dentelles, mon chapeau et mes gants. Il me semble qu’il ne neigeait jamais à Pâques, dans ce temps-là et qu’il faisait déjà chaud. Étrange…
Trente ans plus tard, n’y a-t-il que des souvenirs tendres pour m’émouvoir en cette période de l’année? Comment fêter ce jour avec mes enfants, à qui je n’ai pas tout expliqué de la signification de la croix et de l’homme qui y agonise? Car Pâques, c’est cela : la résurrection. Mais pour mes bambins qui sont étrangers à cette histoire, que représente cette fête? Les réponses se sont imposées d’elles-mêmes au fil des ans.
Sous mon toit, on célèbre Pâques comme le début du printemps, le renouveau, la renaissance, celle de la nature, de notre santé, de nos émotions. On se retrouve avec ceux qu’on aime, ceux qu’on n’a pas vus depuis Noël. On ressent le besoin d’ouvrir les fenêtres, de respirer un grand coup. De manger du chocolat. Mes enfants adorent la chasse aux cocos et j’ai beaucoup de plaisir à l’organiser. C’est une tradition, mais une tradition qui doit impérativement s’accompagner de grandes valeurs. La marmaille doit comprendre l’importance de la famille, du partage, du pardon, de l’accueil qu’on fait aux invités, de l’attention portée à la fête.
Les lapins en chocolat sont-ils incompatibles avec le pan religieux que beaucoup de Québécois ne soulignent plus? Ma réflexion me pousse à croire que si j’aime mon prochain, que si j’inculque à mes enfants la valeur de la vie, du bien-être de soi et d’autrui ainsi que le respect universel, je ne dois pas être très loin des préceptes de l’Église à ce chapitre. Les rites religieux s’entrecroisent avec les traditions populaires et au fil des époques, ce métissage de croyances est somme toute joyeux. Nous avons besoin de nous rassembler, de nous créer des occasions de nous souhaiter de bons vœux. L’humain est une bibitte sociable; la pandémie des dernières années nous l’aura confirmé.
Pour tous ceux qui n’ont pas les moyens, la santé ou l’envie de se livrer à ces dépenses non essentielles, il n’en coûte rien de dire « je t’aime, merci d’être là, je t’apprécie ». Ça se dit à Pâques, à la Fête des Mères et même à l’Halloween, sans chichi ni papier d’emballage, sans bouquets de fleurs délirants ou de gâteaux parfumés au champagne. Ça se passe entre deux cœurs (ou plus), simplement, tendrement, avec humour et sincérité.
Chez nous, cette année, il y aura encore du chocolat, des ananas et des noix de coco. Mais plus que tout, il y aura encore des « je t’aime » à profusion. Joyeuses Pâques!