« Au large je poussai le volet, quand, avec les maints enjouement et agitation d’ailes, entra un majestueux corbeau des saints jours de jadis. Il ne fit pas la moindre révérence, il ne s’arrêta ni n’hésita un instant : mais avec une mène de lord ou de lady, se percha au-dessus de la porte de ma chambre – se percha, siégea et rien de plus. » – extrait du Corbeau, d’Edgar Allan Poe (traduction de Stéphane Mallarmé)

 

En revenant de Charlevoix en janvier, j’ai décidé de passer par Cap-aux-Corbeaux. C’est un peu à l’est de Baie-Saint-Paul. Entre les arbres et les quelques maisons, s’ouvre devant nous le fleuve dans son immensité et les montagnes de Baie-Saint-Paul. La glace fracturée flottait sur l’eau et les nombreux conifères, saupoudrés de neige qui s’était agglutinée sur leurs frêles silhouettes, ajoutaient une autre dimension à ce paysage de féérie hivernale.

 

Créateur ou ensorceleur?

Le corbeau n’était pas en vue, mais il est présent dans le comté montagneux de Charlevoix. Ce membre de la famille des Corvidés a charmé, mais aussi apeuré les humains tout au long de leur parcours respectif sur cette terre. En sol amérindien, chez le peuple haïda, le Grand Corbeau est considéré comme le créateur du monde, mais peut aussi être vu comme un oiseau rusé et joueur de tours. Plus près de nous, on l’a un peu diabolisé parce que son plumage est noir. D’ailleurs, le poème de Poe nous le présente comme un ensorceleur. Poe lui donne un nom. Il le baptise Jamais Plus (Nevermore). Créateur ou ensorceleur? Quelle est donc la vraie nature de cet oiseau noir? Je pencherais pour le créateur…

 

Des études novatrices

Louis Lefebvre est un biologiste de l’Université McGill qui a travaillé toute sa carrière sur les oiseaux et leur intelligence. Ses études ont été menées dans les Caraïbes, à la Barbade. Il a même mis au point une liste d’oiseaux qui auraient de plus grandes aptitudes cognitives. Les scientifiques peuvent tenter de mesurer « l’intelligence des oiseaux »1 en calculant la vitesse à laquelle ils réussissent à résoudre des problèmes dans un laboratoire. Bien qu’il faille tenir compte de beaucoup de facteurs pour procéder à ces évaluations, les résultats sont intéressants à découvrir. Pour arriver à une liste probante, Lefebvre a dû observer les oiseaux de la Barbade pendant un nombre incalculable d’heures.

 

Échelle comparative

D’après son échelle d’intelligence chez les oiseaux, les Corvidés, avec le corbeau et la corneille au premier plan, sont arrivés au haut de la liste. Les perroquets étaient aussi en pôle position. Par la suite vinrent les quiscales, les oiseaux de proie tels que faucons et buses, les pics, le calao, les goélands, les martins-pêcheurs, le géocoucou et les hérons. D’autres espèces étaient dignes de mention comme les mésanges et les bruants. Les oiseaux au bas de la liste sont les colins, les autruches, les dindons, les émeus, les outardes et les engoulevents.

 

Brillant oiseau

Le corbeau est un oiseau brillant. Il apprend vite, s’adapte à de nouvelles situations remarquablement rapidement et communique avec ses congénères grâce à une panoplie de vocalises et de comportements. En février, le Grand Corbeau entame ses acrobaties aériennes malgré le temps froid et mordant. Cet oiseau est tout simplement superbe sur fond de ciel bleu. On le distingue de la corneille par son chant plus grave, sa queue en forme de cravate (cunéiforme) et non en éventail, et sa taille deux fois plus grande! À Saint-Hippolyte, il niche à plusieurs endroits soit dans des arbres ou bien sur des falaises.

 

  1. Au lieu d’intelligence des oiseaux, Louis Lefebvre utilise plutôt le mot cognition.