L’été 2023 a été marquant par la présence de pluies fréquentes et quelquefois abondantes qui ont arrosé les Laurentides. Lorsque je descendais vers le lac, j’ai vu apparaître à intervalles rapprochés plusieurs espèces de champignons qui sortaient de terre parmi lesquelles certaines variétés n’avaient jamais été vues auparavant.
Le monde des champignons est très diversifié et comme le sol forestier était humide et n’a pas eu beaucoup de temps pour sécher entre les ondées, ces vivants se reproduisant par des spores étaient partout.
René Pomerleau
J’aimerais vous entretenir sur une espèce découverte cet été. Il s’agit du Cortinaire blanc-violet. En consultant la Flore des champignons au Québec de René Pomerleau, j’en ai appris davantage sur les cortinaires. Voici ce que le mycologue Pomerleau nous dit : « Lorsque l’on veut identifier un cortinaire à l’aide des clés et des descriptions, il importe, en premier lieu, d’obtenir des échantillons d’âges différents afin de noter les traits, notamment les couleurs, qui se modifient souvent du début à la fin de la croissance selon le degré d’humidité. »
Un étrange voile nommé cortine
Lorsque j’ai repéré sur le sol forestier des Cortinaires blanc-violet, ils poussaient sur une pente tout juste à côté de plants de thé des bois et de petits arbres feuillus. Les jeunes spécimens ont le chapeau arrondi et le pied renflé et large. Le chapeau, qui peut mesurer de 4 à 8 cm de diamètre, est de couleur lilas et le pied est blanc. C’est ici que nous pouvons suivre l’évolution de cette espèce jour après jour. Au moment où le chapeau s’étale, il pâlit. On commence à remarquer entre la marge du chapeau et le pied un étrange voile qui ressemble à des fibres de toiles d’araignée. C’est la cortine. C’est aussi à ce moment que nous pouvons observer les lamelles sous le chapeau qui sont de couleur brun-roux.
Ce qu’est une sporée
Si vous jetez un coup d’œil sur la photo qui accompagne ma chronique, vous verrez le dessin laissé par les spores qui se sont échappées du chapeau du champignon. J’ai tout simplement prélevé au sol un spécimen, j’ai détaché le pied du chapeau puis installé ce dernier sur une feuille de carton blanc. Après moins de 24 heures et à la température ambiante, les spores se sont imprimées sur le carton, laissant deviner la présence de lamelles sous le chapeau.
Changements encore observables
Quelques jours plus tard, le chapeau s’étire et devient convexe et plus pâle, presque brun. La cortine a disparu et le pied demeure large et renflé. La couleur lilas ou violacée a maintenant disparu.
Grand nombre d’espèces
En 1980, Pomerleau a décrit 73 espèces de cortinaires identifiés au Québec. Il mentionne également qu’en Amérique du Nord, il y aurait au moins 1500 espèces de cortinaires. Si on consulte sur Internet le Répertoire des cortinaires du Québec publié en 2021, on recense maintenant l’équivalent de 363 espèces de cortinaires dans la province.
Comestibilité douteuse
La comestibilité de ces champignons est douteuse, mais peut-être devrait-on en apprendre davantage à ce sujet. Le principe de précaution est toujours de mise, mais certains auteurs, dont Pomerleau, mentionnent que le Cortinaire blanc-violet serait à tout le moins comestible. Le Cortinaire blanc-violet est présent dans nos forêts du sud du Québec à partir du mois d’août et jusqu’au début de l’automne. Il est intéressant de le repérer et, par la suite, d’observer ses changements au cours des prochains jours, des prochaines semaines.
POMERLEAU, René, Flore des champignons au Québec et régions limitrophes, Montréal, Les Éditions La Presse, 1980.
LANDRY, J., Y. LAMOUREUX, R. LEBEUF, A. PAUL, H. LAMBERT, R. LABBÉ, Répertoire des cortinaires du Québec, Mycoquébec, janvier 2021.