La prohibition désigne surtout la période, de 1920 à 1933 aux États-Unis, pendant laquelle il est interdit de fabriquer, transporter, vendre, importer ou exporter des boissons alcoolisées. Si son objectif est la réduction de la consommation d’alcool, son incidence sur le taux de criminalité en est tout autre.
Les ligues de tempérance sont actives dès le 19e siècle et manifestent auprès de leur gouvernement de voter un amendement qui interdit et rend illégal tout commerce d’alcool. La guerre 14-18 a engendré une restriction à connotation patriotique, mais c’est le 17 janvier 1920 que les États-Unis instaurent la période de prohibition la plus connue.
Alambics et boisson frelatée
Les restrictions sont sévères et affectent non seulement distilleries et brasseries, mais le commerce de détail, hôtels, bars, tavernes etc. Moins il y en a de disponible, plus on en demande. Le couvert des forêts voit apparaitre des alambics illégaux où on distille du moonshine, une boisson frelatée de qualité douteuse, voire mortelle. Mais ce n’est pas suffisant, l’offre est loin de suffire à la demande.
Au Canada
Durant ce temps, au Canada, la loi est moins sévère. Elle permet aux distilleries de fabriquer et d’exporter leurs produits, mais il est illégal d’en vendre dans le pays. C’est alors qu’on voit se manifester des bootleggers qui veulent approvisionner les speakeasy et autres établissement illégaux. Les villes qui imposent les restrictions se retrouvent surtout sur la côte Est et au Sud-Est des États-Unis. L’Ontario et le Québec, où sont situées les plus importantes distilleries, étudient les moyens de profiter financièrement de la situation. Leurs entrepôts sont remplis de barils du précieux liquide.
Le point le plus au sud du Canada dans le lac Érié et à courte distance des États-Unis, l’île Middle en Ontario, sert de point de rencontre. Présentée comme lieu de villégiature, on y construit un hôtel-casino et des entrepôts clandestins où trafiquants et passeurs (rum-runners) viennent s’approvisionner. Dans la ville de Windsor, centre majeur des grandes distilleries, les contrebandiers utilisent des bateaux rapides et traversent leur marchandise par la rivière Détroit. Celles de Montréal se sont plutôt tournées vers l’Est et sachant que la France n’avait pas adhéré à l’élan prohibitionniste nord-américain, situées à seulement environ 1000 miles nautiques de la ville de New York, les îles Saint-Pierre-et-Miquelon deviennent l’endroit propice.
Ça bouge aux îles
Des quais de débarquement et des entrepôts sont construits, les habitants deviennent la main-d’œuvre et les pêcheurs, passeurs (malgré les risques). La population d’environ 3000 âmes est volontaire, car il y a énormément d’argent à faire pour tous. Les affaires explosent, les distilleries canadiennes négocient baril et bouteilles de whisky, vodka, bourbon et rye et la France exporte vin, Champagne et brandy. Les américains en demandent, il faut ravitailler et la situation permet à certains criminels et distillateurs d’amasser des fortunes colossales.
La fin de la manne
Les Américains ont pu boire quand même, malgré la loi, et le gouvernement américain admet finalement que la prohibition a échoué et la déclare officiellement terminée le 5 décembre 1933. Les Saint-Pierrais ont dû se réajuster. L’économie de l’île a grandement souffert de la perte financière, plusieurs iliens sont retournés en France, mais la plupart ont repris la pêche. Après la Deuxième Guerre mondiale, une usine de transformation du poisson s’est installée et le tourisme est devenu une industrie importante. Des visites organisées racontent l’histoire de cette période effervescente.
Source :
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/prohibition