Pour en finir avec la division du territoire en zones industrielle, commerciale et résidentielle. Pour une occupation durable du territoire, en commençant par Saint-Hippolyte ! Rêvons un peu!
L’urbanisme change. Du village agricole, depuis le début de la colonie en 1608, nous sommes passés aux petites villes avec une usine, comme à Saint-Jérôme, Valleyfield, etc., depuis la Révolution industrielle au Québec en 1880. Nous avons créé les banlieues en 1960 et maintenant la COVID-19 nous obligera-t-elle à modifier notre manière de vivre ensemble, notre conception de l’urbanisme basée sur l’automobile ?
Il me semble que tous sont d’accord pour dire que notre manière de vivre dans l’ère prévirus n’était plus viable au niveau écologique. Cesserons-nous de courir comme des hamsters dans leur cage ? Les deux millions de Québécois passant une partie de l’hiver dans le sud ; les bateaux de croisière débarquant 6000 touristes à Venise ; les alpinistes à la queue leu leu pour monter l’Everest ; les voyages dans tous les pays du monde, sans avoir fait le tour de nos beautés locales comme la Gaspésie et son célèbre Rocher ;le temps perdu à passer quatre heures par jour pour se rendre des Laurentides au centre-ville de Montréal pour travailler ; le besoin d’utiliser l’automobile pour déposer un enfant de quatre ans dans une garderie, un autre d’un an dans un CPE, pour finir par aller travailler dans un 3e à 12,75 $ l’heure ; les tâches du ménage pour entretenir notre maison sont confiées à une personne de l’extérieur, qui se déplace en automobile : le manque de formation et de temps pour préparer les repas forçant les gens à manger au resto, etc. Ce style de vie était-il durable ?
Avant 1950, les humains habitaient près de leur lieu de travail. La domus constituait le centre de la vie. Fernand Dumont, un de nos grands intellectuels québécois, raconte sa jeunesse dans son autobiographie Récit d’une émigration, « À l’est du village, près de la chute Montmorency, la filature de la Dominion Textile dressait son énorme masse de briques rouges. Plusieurs d’entre nous avaient l’occasion de voir l’usine de près. Une coutume assez répandue voulait que les garçons portent le diner à leurs pères. En arrivant de l’école, le midi, j’attrapais la chaudière où maman venait de placer le repas chaud et je m’acheminais à grands pas vers l’usine. Je revenais avec la chaudière vide à la maison pour manger en vitesse et retourner à l’école. L’été, l’opération se déroulait plus lentement. Mon père m’abandonnait son dessert qui en prenait une valeur particulière; je m’arrêtais près du ruisseau, non loin de l’usine, avant de regagner la maison. Papa travaillait aussi un dimanche sur deux, à la chaufferie. »
En 1950, dans mon village natal, Pointe-des-Cascades, sur le bord du majestueux Saint-Laurent, la moitié des hommes travaillaient au fonctionnement du Canal Soulanges et l’autre moitié dans la marine ou dans les commerces locaux comme le garage de mon père Albert. Le village comptait quatre épiceries, le laitier et le boulanger passaient trois fois par semaine, le médecin visitait les patients à domicile, les enfants et les vieux étaient gardés à la maison. L’école du village instruisait les élèves de la première à la douzième année, tous marchaient. L’automobile n’était pas nécessaire. C’était le règne des commerces de proximité. Les gens s’amusaient au restaurant du coin ou à la salle paroissiale le samedi soir, comme l’a bien expliqué récemment l’historien Antoine-Michel LeDoux, et batifolaient dans les bois environnants.
Le besoin de se promener en groupe dans les rues était comblé par les fêtes religieuses comme le mois de Marie, la Fête-Dieu, la messe au cimetière, etc. Les vacances consistaient à recevoir et à visiter la famille. Les cartes de crédit n’existaient pas. Les produits chimiques comme les pesticides et herbicides étaient peu connus. Tout le travail aux champs était manuel. La porte de nos maisons n’était jamais barrée et nous chantions avec Jacques Michel, Pas besoin de frapper pour entrer chez moi. Les gens de Montréal se rendaient en vacances en train dans les Laurentides et couchaient dans les hôtels ou pensions.
Yuval Noah Hariri dans son livre à succès, Sapiens, l’explique bien : Avant la Révolution industrielle, la vie quotidienne de la plupart des hommes se déroulait dans trois cadres anciens : la famille nucléaire, la famille élargie et la communauté intime locale. (p. 417) La COVID-19 semble nous obliger à revenir à ces valeurs centrées sur la famille.
À partir de 1960 sont apparues l’automobile, les autoroutes et les banlieues. Tout le territoire a été divisé autrement : résidentiel, commercial, industriel. Les bungalows ont envahi les terres agricoles – les meilleures – de la vallée du Saint-Laurent. L’automobile est devenue une obligation pour aller travailler, faire l’épicerie, avoir des loisirs, mener ses enfants à la garderie, visiter les vieux au CHSLD, voir son médecin, etc. Les frais pour utiliser une automobile sont d’environ 8000 $ par année, donc nos quatre millions d’automobiles coutent 32 milliards à la société, chaque année. Ce fut le début du règne de l’étalement urbain. Le service à l’auto et les cinéparcs ont entrainé l’embonpoint et l’individualisme. Les voyages en avion sont devenus une forme de « transport en commun », etc. Les cartes de crédit à 22 % d’intérêt sont omniprésentes. Les produits chimiques comme les pesticides et herbicides apparurent et sont en train d’empoissonner toute la planète: humains, poissons, oiseaux, etc. Tout le travail aux champs devient mécanisé et pollue beaucoup.
Les gens de Montréal se rendent à leur chalet dans les Laurentides en automobile. Les hôtels ont presque tous passé au feu. En 2020, le virus nous oblige à réactualiser un vieil adage de la sagesse populaire : faire contre mauvaise fortune bon cœur. Les « emplois prioritaires » sont apparus. Une notion étrange dans un monde dominé depuis 50 ans par l’équité et l’égalité de toutes et tous.
Des pistes de solution : le télétravail, l’école à la maison ou la petite école de rang qui est accessible à pied, les loisirs en petits groupes de dix, la préparation de la nourriture à la maison avec les légumes du potager, le raccommodage des vêtements, les vacances à bicyclette à visiter la famille et le plus beau pays au monde, le Québec, la fréquentation des voisins immédiats, l’abandon des projets pharaonesques de construction de ponts, autoroutes, ligne rose, la valorisation de la grande maison familiale, comme dans Dégénération, du groupe Mes Aïeux, le retour des jeunes en région, avec la reprise du travail manuel en agriculture, qui remplacera les gyms pour suer et permettra de ne plus avoir recours aux produits chimiques et aux travailleurs étrangers, amenés ici en avion. Êtes-vous prêts ?