Comment un chrétien peut-il s’adapter aux réalités changeantes ? En ce début du 3e millénaire, ceux qui pratiquent une religion ont un pied dans le Moyen-Âge et un autre dans la modernité. Ils basent leurs croyances sur des textes écrits il y a plus de deux millénaires, mais font appel à la science et la technologie moderne pour se faire soigner.
Les trois grandes religions monothéistes n’acceptent pas l’héliocentrisme de Galilée, la théorie de l’évolution de Darwin et l’existence de l’inconscient de Freud. Seule l’Église catholique a admis, en 1989, que la condamnation de Galilée méritait d’être relativisée. Les chrétiens évangélistes, comme les juifs et les musulmans, n’acceptent pas encore les avancées réalisées par ces découvertes. Pourtant, le monde moderne connaît des progrès faramineux grâce à elles.
Selon Jacques Grand’Maison
Jacques Grand’Maison (1931-2016) a consacré sa vie à aider ses concitoyens. Pour ce faire, il a beaucoup réfléchi sur les conditions du bonheur. Qu’est-ce qui est permanent et mérite d’être valorisé et qu’est ce qui est passager dont l’importance disparaît avec le temps ? Il était très sensible aux besoins des membres de sa communauté chrétienne qui reconnaissaient l’importance des sciences et qui critiquaient l’Église officielle qui tarde à le faire. Il se situait entre l’arbre et l’écorce, entre ses fidèles et l’église de Rome. Il valorisait la réflexion dans une société qui carbure aux émotions. Il utilisait des concepts pour comprendre la réalité dans un monde qui valorisait les affects pour fuir la réalité.
Il a eu la chance d’être élevé par une mère munie d’un bon gros bon sens (GBS) et d’un père travailleur et honnête dans un contexte catholique. Il a parcouru tout le cycle des études le menant à l’enseignement à la faculté de théologie de l’UdeM. Il était un homme très intelligent pour qui aucun jugement n’était tout noir ou tout blanc, tranché au couteau. Pour lui, toute idée comportait des ambiguïtés, des interrogations et des aspects inconnus. Bref, il préconisait tout le contraire d’un dogmatisme sectaire guidé par des valeurs absolues, totalitaires.
Recherche et réflexion
Pour comprendre Jacques Grand’Maison dans sa recherche d’un nouvel humanisme, il faut commencer par la situer dans le cadre de la réflexion de Protagoras, un philosophe grec vivant il y a 2 500 ans, que nous a fait connaitre Platon : « L’homme est la mesure de toute chose ». Cette réflexion fut au centre de ses préoccupations pour « vivre un nouvel humanisme ». Il affirme : « si bien, qu’aux yeux de Dieu, ce n’est plus d’abord la religion qui démarque les êtres, mais leur humanité et leur inhumanité ».
Dans son livre, il aborde les oppositions pour mieux réfléchir. Qu’est-ce qui est essentiel/superficiel; transcendant/immanent; sacré/profane; valeurs communes/anomies; mesure/démesure; jugement/vécu; spiritualité/matérialisme; permanent/passager, plausibilité/absolu, etc. C’est un peu ce qui explique que plusieurs ont de la difficulté à comprendre le raisonnement de Jacques, car il comporte beaucoup de nuances, de références à de grands auteurs, à la vie du Christ et est très influencé par les discussions avec les chrétiens qu’il côtoie chaque jour.
Pour lui, « face à la mondialisation et le pluralisme, il faut un nouvel humanisme. Fut-ce pour contrer les intégristes dont la figure la plus troublante est le régime théocratique de la charia, antihumaniste à plusieurs titres ». À son avis, il faut être ouvert à l’autre ! Mais que faire si l’autre est fermé à nous ? Bref, le « nouvel humanisme » de Jacques Grand’Maison critique les dérapages, le manque de jugement et l’absence de discernement.
Grand’Maison, Jacques, Pour un nouvel humanisme, Fides, Montréal, 2007