Si je vis en forêt, je suis d’abord une fille du fleuve. C’est à ses bords que j’ai passé tous les étés de mon enfance et j’y retourne le plus souvent possible.

Un automne, j’ai assisté aux premiers vols des « bébés goélands ». Non pas ceux à bec cerclé qui adorent les détritus, mais ceux qui ont les cieux du fleuve comme domaine. Que de défis : être capable de lire le vent, apprendre à saisir les courants favorables, savoir lutter contre les courants contraires, imiter leurs parents pour être capable de planer au-dessus de l’eau, se poser sur des vagues presque aussi hautes qu’eux, atterrir sur des rochers qui dépassent la marée descendante.

Ils étaient une dizaine, accompagnés de leurs parents. Ces derniers étaient vraiment leurs professeurs. Il est facile de les reconnaître : les jeunes sont encore grisâtres et leurs parents ont un plumage tout en blanc. Certains sont plus talentueux que d’autres et comprennent vite comment jouer avec les vents. D’autres prennent plus de temps à comprendre comment bénéficier des souffles marins. Les parents sont patients et s’attardent auprès d’eux. Ils partiront bientôt pour des cieux plus cléments. J’espère qu’à leur départ, ils auront bien appris toutes les leçons données par leurs parents.

Nous les reverrons en mai, un peu au même moment où les oies blanches envahiront par milliers les cieux de notre fleuve. Ils y passeront tout l’été, auront éventuellement des petits, leur enseigneront à leur tour à bien voler, à bien apprivoiser les jeux des vents. Je me dis souvent qu’il suffit de s’attarder un peu pour se réjouir de tous les spectacles que la nature nous offre si généreusement.