À lire ce témoignage de Nathalie, il est clair que le bonheur se loge, d’abord et avant tout, dans le cœur et l’amour qu’il contient. Nathalie est la mère de Charles Coulombe, qui vit avec un trouble du spectre de l’autisme (1). Charles, 17 ans, dans le numéro précédent, a partagé avec nous sa façon bien à lui de fabriquer son bonheur.
Témoignage de Nathalie
Depuis le plus loin dont je me rappelle, j’ai toujours été intriguée par l’inexplicable, les mystères de l’univers, la complexité de la biologie, les pathologies humaines. C’est ce qui m’a amené, je crois, à m’intéresser et à étudier les comportements humains. Bachelière en adaptation scolaire et en troubles complexes du comportement chez l’enfant, j’enseigne depuis maintenant une vingtaine d’années aux enfants que l’on catégorise comme étant « inadaptés » ou « différents ». En passant par le spectre de l’autisme et de toutes ses variantes, de la déficience intellectuelle sévère à profonde, aux enfants ayant des troubles moteurs graves, j’ai toujours été impressionnée de voir et de ressentir combien ces enfants sont des vecteurs de bonheur. Parfois, le simple fait de s’intéresser et de se préoccuper d’eux leur suffit. Je suis fascinée et conquise!
En 2007, j’ai déjà un doute et le diagnostic tombe. Mon enfant, mon seul, fera partie de ces enfants qui sortent de la norme. Charles a un trouble du spectre de l’autisme de haut niveau doublé d’un TDAH. « Ah! Ma vie sera mouvementée », me suis-je dit sur le moment.
J’ai le grand privilège d’avoir un enfant « extra »-« ordinaire » avec des besoins qui le sont également. Charles a aujourd’hui une capacité d’adaptation étonnante. Des aptitudes cognitives au-dessus de la moyenne et une intelligence émotionnelle surprenante. J’ai dû, dès le départ, « connecter » mon cerveau au sien plutôt que d’essayer de l’influencer à devenir quelqu’un d’autre. J’ai dû le regarder, l’écouter, le sentir et le ressentir et, surtout, simplement l’accepter et le respecter comme il est. La socialisation d’une personne autiste est beaucoup plus complexe, car il ne suffit pas ici « d’entrer en contact », mais bien d’ouvrir la bonne porte. Nous devons trouver et composer le bon code pour faire ce lien si précieux à l’échange.
Malgré toute cette complexité et les obstacles qu’il rencontre, je peux malgré tout constater que mon fils a une vie heureuse. Rendu adolescent maintenant, il me nomme aujourd’hui, avec son aplomb habituel, que le bonheur se forme de lui-même en nous. Que nous « choisissons » d’être heureux tout simplement! Je fais plusieurs liens avec ce que mes élèves m’ont enseigné depuis toutes ces années. Eh oui! une enseignante apprend également beaucoup de ses élèves! Et ce qu’ils m’ont appris de plus merveilleux, c’est que, peu importe nos limites ou nos incapacités, nous avons tous notre propre potentiel de bonheur en nous.
J’ai accompagné plusieurs parents dans ce deuil. Le deuil de l’enfant que l’on n’aura jamais puisqu’on l’imaginait « normal » et « conforme ». Un enfant qui, de spécialiste en spécialiste, de médecin en médecin, se voit attribuer le nom d’un syndrome ou d’une maladie génétique que l’on ne peut absolument pas retenir sans l’écrire sur un bout de papier.
Et si votre enfant avait tout simplement le syndrome du bonheur ?
- Le sourire de celui-ci quand il vous regarde avec reconnaissance.
- Son rire quand il vous voit aussi vulnérable que lui face à une situation.
- Le contact qui se crée enfin et spontanément.
- Ce regard qui vous traverse et vous bouleverse quand il prend le temps de vous faire comprendre qu’il vous remercie pour votre bienveillance envers lui.
- Cette magie qui s’installe entre vous par des clins d’œil et des regards complices.
Le bonheur, il est là.
Sachez le voir et vous l’approprier. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est qu’avec les années, je me suis rendu compte que le syndrome du bonheur est contagieux et qu’il fait de merveilleux ravages.
Nathalie Coulombe, mère du merveilleux Charles.
- Le trouble du spectre de l’autisme est un trouble neurodéveloppemental qui touche principalement la communication socioé-motionnelle.