Hermann Hesse Éloge de la vieillesse

Un vieux peut être heureux autant qu’un jeune, même plus, en vivant chaque « petite minute d’éternité. »

Hermann Hesse (1877-1962) reçut le prix Goethe et le prix Nobel de littérature en 1946. Sa mère Marie Gundert est née en Inde. Il a passé l’année de 1911 au Ceylan (Sri Lanka). Son grand-père était un expert de l’Orient et son père un missionnaire luthérien. Bien qu’allemand, il aida le célèbre écrivain communiste Berthold Brecht et Thomas Mann, un écrivain antinazi, à fuir pour la Suisse en 1933. Malheureusement, sa femme Ninon Dolbin était juive. Elle mourut dans un camp de concentration. Il était un pacifiste visant le juste milieu en se détachant de la politique active et en insistant sur la vie intellectuelle, qui évite les positions politiques extrémistes. Il visait la stabilité spirituelle en suivant les idées de Jung sur la psychanalyse et la dualité de la nature humaine. Toutes ces idées ont influencé ses écrits.

Un lecteur cultivé, qui lit Le Sentier, m’a prêté ce livre pour que j’en fasse une recension. C’est un petit livre de 157 pages très intéressant sur la vieillesse. Certains textes ont dix pages, d’autres sont courts, dix lignes entrecoupées de poèmes. J’ai bien aimé le texte De la vieillesse. Pour Hesse, la vieillesse est l’une des étapes de notre existence qui a « ses joies et ses peines ». Chacun d’entre nous, jeune ou vieux, a une mission à remplir. Le vieux qui a peur de la mort, comme le jeune qui « déteste son métier et cherche à y échapper », n’est pas digne. La nature impose des étapes dans la vie. Il faut les accepter, se soumettre, sinon nous trahissons le sens de la vie. La vieillesse a ses bons côtés. Le vieux ne doit pas se plaindre, mais raconter les bons moments de sa vie. Il se rappelle ses bons coups et cela le fait sourire. Le vieux cultive la patience, sa capacité à écouter les hommes et la nature. La personne âgée toujours énervée, excitée, pressée, vit mal sa vieillesse.

Son texte sur le printemps décrit les « moments de ravissement, de révélation, la possibilité de tout oublier, de m’abandonner à la magie ». Personnellement, à 73 ans, je me surprends à prendre le temps à regarder pendant plusieurs minutes un coucher de soleil, à me coucher sur le gazon et suivre les nuages, à admirer les couleurs, les coloris de la fin de l’automne, etc. Jeune, je n’avais pas le temps…

Selon Hesse, seule la vieillesse permet certains bonheurs inconnus à la jeunesse. Mais pour « vivre l’expérience il faut avoir atteint un certain âge, il faut avoir vu, vécu, pensé, ressenti, enduré une somme infinie de choses, il faut sentir l’affaiblissement des instincts vitaux, la fragilité nouvelle du corps et la proximité de la mort ». Le fait que la fin approche nous fait apprécier chaque minute de la beauté du monde. Le vieux hêtre qui vient d’être abattu m’invite à résister comme lui, « à me tenir debout aussi longtemps, aussi opiniâtrement que possible, à m’opposer, à me défendre, puisque plus tard, au moment opportun les adieux seraient faciles et joyeux, l’oreille remplie de la musique de Bach » en admirant un tableau de Cézanne. (comme Kérouac) Le propos de Hesse reprend celui du philosophe romain Sénèque (-4-+65), qui nous invite a bien vivre notre vieillesse, en dialoguant avec les disparus (Charles Taylor) et à se préparer à avoir « une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés » (Descartes).