La Cène
L’exposition Les stations du curé Labelle de Dominique Beauregard est présentée dans la salle multifonctionnelle de la bibliothèque jusqu’au 5 mars. Outre les dix tableaux de cette série qui racontent des moments marquants de sa vie, on y retrouve deux panneaux didactiques et des vitrines d’artéfacts. Ce qui en fait une exposition à valeur historique et artistique. Par ailleurs, l’artiste y dévoile également cinq œuvres originales créées dans les trois dernières années, dont un nouveau tableau sur le curé Labelle.
L’exposition itinérante sur le curé Labelle, développée en collaboration avec Histoire et Archives Laurentides, a circulé dans la région de janvier 2016 à mars 2017. Elle comporte 10 tableaux-stations dont neuf sont des reproductions. La toile La Cène est un original que la peintre a souhaité conserver. Les autres se sont presque toutes vendues au moment du vernissage à Saint-Jérôme en janvier 2016!
L’art anthropomorphe et l’importance du symbole
Tous les personnages de Dominique Beauregard sont présentés sous forme d’animaux. Et chaque animal a été choisi pour sa charge symbolique. Si on regarde les personnages illustrés dans La Cène, on retrouve le curé Labelle, le Roi du Nord, représenté en ours, le roi de la forêt. À sa droite, le raton laveur représente son fidèle ami Isidore Martin. Les renards, ces animaux futés qui « se débrouillent avec ce qu’ils ont », incarnent le colon et le marchand de bois. Le cerf, c’est Mercier, le premier ministre qui a du panache. Le bûcheux prend la forme d’un loup. À la gauche du curé, sa mère. Le castor, en haut de forme, représente un marchand industriel. À côté de lui, un autre loup, « un gars à l’argent », le butor, un bourgeois, puis un autre colon, « bleu » celui-là.
Car l’appartenance politique est également bien identifiée : du côté droit, les libéraux, du côté gauche, les conservateurs. La peintre a choisi d’y aller de sa version de La Cène parce que, dit-elle, le curé Labelle était capable de rassembler à sa table les personnes les plus disparates afin de les réunir autour d’une idée et d’un bon repas. « Le curé Labelle n’était pas un ascète! », précise Dominique.
Un style unique
Dominique Beauregard se définit comme une peintre fabuliste. « Je ne fais pas que raconter des histoires. J’utilise aussi des métaphores. Mes toiles sont des fables en images. » Ses tableaux sont l’aboutissement d’une démarche qu’elle entreprend souvent à partir d’un thème. Des textes les accompagnent. Elle entend nous faire partager une idée, toujours sous forme ludique. « Mes illustrations sont complexes, mentionne l’artiste. Aucun détail n’est anodin. »
La peintre a commencé à développer son style unique en 1999. À partir de 2001, elle se consacre au vitrail pendant trois ans. Elle adorait sa lumière et ses textures. Lorsqu’elle revient à la peinture, elle y transpose la clarté et les reliefs. C’est en 2007, au moment de sa première exposition, qu’elle se rend compte que « j’étais la seule à faire ce que je faisais ». On l’a souvent comparée à Henri Rousseau. Elle reconnaît que sa façon de représenter la végétation s’approche de celle du Douanier. Mais son premier coup de cœur, ce qui a marqué sa façon de peindre, c’est l’art primitif qu’elle a découvert lors d’un voyage en Haïti.
Son expertise de designer l’accompagne dans la composition de ses peintures : « dans mes tableaux, on voit le côté design, c’est graphique, hyper précis, tout est là pour une raison. J’ai une facture naïve, mais il y a beaucoup de recherche derrière mes tableaux ».
Une technique personnelle
Dominique Beauregard ne peint qu’à l’acrylique. Sa technique comprend plusieurs étapes fastidieuses. C’est un travail de longue haleine. La plupart du temps, ce n’est qu’après avoir accompli quatre-vingts pour cent de la tâche qu’elle commence à voir se dessiner l’œuvre qu’elle a en tête. « Il faut vraiment savoir où l’on s’en va! »
Elle esquisse d’abord un croquis. À l’occasion seulement, elle fera aussi des études de couleurs. Elle couvre sa toile de mortier puis la peint en noir. Elle fait ensuite un transfert des grandes lignes de son dessin. L’exécution proprement dite commence. « C’est un travail ingrat, précise-t-elle. Quand je mets les premières couleurs sur mon tableau, ça ressemble à une peinture à numéros. C’est laid, il n’y a rien qui tient, les couleurs sont “tout croches”. Après, je mets les textures. Rien n’est encore arrimé. Enfin, je commence à “monter mes couleurs” et là, ça devient intéressant. Je superpose des couches de peinture et souvent je les brosse sur le tableau. Pour représenter une feuille d’arbre, je peux appliquer jusqu’à sept couleurs différentes avant d’arriver au résultat final. »
Le plaisir de peindre
L’artiste utilise un procédé qui requiert du temps, de la précision, bref une grande capacité de concentration. Il lui demande aussi beaucoup de persévérance et de ténacité, même si elle avoue qu’elle n’est pas quelqu’un de patient. « Mais j’entre dans un univers tellement riche. Je prends un si grand plaisir à m’y plonger! », conclut-elle.