Les familles de la municipalité de Saint-Hippolyte sont en deuil. Notre patrimoine vivant y perd un membre. Jacqueline Bourret-Labelle, 88 ans, conjointe de feu Jean-Paul Labelle (1926-2006), mère, grand-mère et arrière-grandmère, laisse un grand vide. Son décès est survenu en novembre 2021.
Jacqueline Brunet-Labelle a laissé une marque indélébile à Saint-Hippolyte. Femme active, elle a été, durant plus de 60 ans, impliquée dans des activités commerciales, récréotouristiques et communautaires de ce coin laurentien alors en pleine croissance. Jacqueline Labelle a joué un rôle de pionnière dans plusieurs organisations. Bien que toute menue, elle n’en imposait pas moins, autant derrière son kiosque à fruits et légumes fréquenté assidument durant plus de sept ans par les villégiateurs, que derrière le comptoir de la quincaillerie familiale au lac de l’Achigan de 1962 à 2000. Reconnue pour son accueil chaleureux et sa débrouillardise (elle n’hésitait pas à soulever de lourdes charges), elle mettait un point d’honneur à satisfaire les attentes de chaque client.
Saint-Hippolyte sur son chemin
Jacqueline Bourret est native du quartier Bordeaux à Montréal. En 1949, elle vient relever de couches sa sœur Annette, mariée à Léopold Bouchard. Désirant assumer ses dépenses, elle s’offre à travailler quelques heures comme commis à l’épicerie de son beau-frère. C’est là qu’elle fait la connaissance de Jean-Paul Labelle qui selon la chronique familiale, « s’y est arrêté par hasard pour acheter un Coke ». Les fréquentations durent quelque temps et le 15 décembre 1951, Jacqueline et Jean-Paul se marient à l’église du village.
Jean-Paul Labelle, célibataire entrepreneur convoité
À cette époque, Jean-Paul Labelle fait tourner plus d’une tête. Il représente alors le dandy moderne au volant de ses voitures cabriolets sports avec son allure à la mode et ses exploits sportifs. Amateur de plein air, il partage son temps entre son travail d’entrepreneur et les sports de glisse de plus en plus à la mode. Entrepreneur dans l’âme comme ses ancêtres, très tôt, il travaille à son compte comme camionneur et déménageur. Il ne tarde pas à diversifier ses champs d’activités pour répondre aux attentes des villégiateurs qui investissent dans leur propriété. Il apprend ainsi à faire du paysagement et du revêtement d’asphalte. Dès 1952, il offre un service de livraison d’huile à chauffage et rapidement, il ouvre une quincaillerie et un poste à essence. Cette vie semble convenir à Jacqueline qui, elle-même entrepreneuse, le seconde avec brio dans des activités commerciales complémentaires.
Émile Beauchamp et Jacqueline Labelle lors d’un tirage de financement pour les activités du Cercle des Loisirs de Saint-Hippolyte, vers les années 1965 à 1970.
Crédit : Famille Jacqueline et Jean-Paul Labelle
Mère épanouie et active communautairement
Bien que de 1952 à 1961, six enfants1 s’ajoutent à la famille Labelle, Jacqueline reste pourtant active dans la communauté. Elle collabore activement au Cercle paroissial des Loisirs de Saint-Hippolyte qui prend naissance en 1947. Durant les premières années, beaucoup d’activités de financement sont organisées et elle s’y démarque comme une excellente vendeuse de billets de tirage. Habile de ses mains, elle tricote bénévolement, durant une période, de petits chaussons pour bébé qui sont offerts gratuitement à chaque enfant baptisé à l’église du village. Pour la fête de l’Halloween, elle confectionne d’impressionnants costumes pour ses enfants. Sa réputation de couturière experte dépasse rapidement le cercle familial et généreusement elle accepte de partager son savoir-faire auprès d’autres membres de la famille et d’amis. Ainsi, de ses mains, naissent plusieurs costumes, fidèles aux modes des contes et histoires cinématographiques de l’époque.
Activités de financement du centenaire
Jacqueline Labelle a pris également une part active dans la préparation et la célébration des activités et fêtes de l’année du Centenaire. Comme plusieurs femmes de la paroisse, elle répond bénévolement à la demande de membres de l’administration du maire Gérard Thériault et des curés Lauzon et Dallaire. Ces femmes, réunies dès 1967, forment le projet de confectionner des objets d’artisanat à vendre. Pour ce faire, elles investissent alors chacune 5 $ pour l’achat du matériel. Elles s’installent dès 1968 dans la maison centenaire de pièces sur pièces de Louis-Auguste Morin, sur le chemin du lac de l’Achigan près du village. Jacqueline y sera présente et active durant plusieurs heures pour la confection, la permanence et la vente des pièces d’artisanat fabriquées. Parée de ses atours traditionnels, elle participe activement à toutes les activités et festivités durant l’année du centenaire.
Elle « pousse la note » à l’émission Madame est servie
Jacqueline Labelle embarque avec plaisir dans l’autobus avec d’autres membres de la communauté hippolytoise pour participer à l’émission télévisée Madame est servie animée par Réal Giguère et Claude Blanchard. S’étant préparée, elle n’hésite pas à marquer le passage de la municipalité de Saint-Hippolyte en y entonnant joyeusement la chanson, Un pied mariton Madeleine. Son enthousiasme communicatif sème la bonne humeur chez les animateurs et les participants. Cette contribution fort remarquée restera l’objet durant de plusieurs mois d’éloges des clients de passage aux commerces.
Cercle de Fermières de Saint-Hippolyte
En 1969, avec 34 autres femmes de la municipalité dont plusieurs se sont impliquées dans les activités du centenaire, elle participe à la fondation du Cercle de Fermières de Saint-Hippolyte. À 36 ans, elle est pourtant bien occupée auprès de ses six enfants. En plus, elle seconde commercialement son mari. Elle-même tient un kiosque estival de fruits et légumes au lac de l’Achigan. Pourtant, elle trouve encore temps et énergie pour cette oeuvre de bienfaisance qui vise l’amélioration des conditions de la vie des femmes et de la famille. Elle siège durant 17 ans au conseil du cercle et en assume la présidence durant six ans.
1 Serge 1952, Pierre 1954, Alain 1955, Diane 1957, Sylvie 1959 et Claudine 1961.
Jean-Paul Labelle, no.6, gagnant d’une course de ski au Mont Rocher, Auberge DeSève, lac de l’Achigan, 1947. Les frères Carl et Collin Shaw, Jean-Guy Legault et André Sicotte y participaient également.
Crédit : Famille Jacqueline et Jean-Paul Labelle
Sports de glisse
Le territoire laurentien de Saint-Hippolyte est l’un des premiers à entrer de plain-pied dans cette période de prospérité et de loisirs des « Trente glorieuses.1 » d’après-guerre. Plusieurs établissements hôteliers mettent à profit les lacs et les montagnes et y développent des sports de glisse. Plusieurs Hippolytois en bénéficient également comme entrepreneurs, mais aussi vacanciers.
1 Trente glorieuses : Période historique de 1946 à 1975 où les économies occidentales connurent une croissance exceptionnelle, prélude à l’ère de la société de consommation.