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Confinement et distanciation « sanitaire » devenant « sociale » Allons-nous avoir peur de nos voisins?

Dans quelques mois, après une accalmie de la pandémie causée par la COVID-19, les « survivants » physiques et mentaux de ce fléau autant médical que social devront-ils craindre certaines classes de gens et redéfinir des règles de vie en société?

 

Le monde ne sera plus le même, entendons-nous partout. Notre société du 21e siècle, hyperconnectée mondialement nous alarme autant qu’elle nous rassure! L’afflux incessant et malheureusement « non vérifié » d’informations crée des scénarios de repli sur soi de nos univers, individuel, familial, national et mondial. De plus, on sent monter un sentiment de peur à fréquenter certaines personnes, les plus susceptibles d’être atteintes ainsi que certains lieux, ici et dans le monde.

 

Distanciation « sanitaire » à distanciation « sociale »

Notre entendement a peine à percevoir que dans notre société québécoise hyper médicalisée, une pandémie puisse encore sévir. Pourtant, recensions et images diffusées des nombreuses mortalités, souvent même dans notre environnement rapproché, en démontrent toute la véracité. Médicalement parlant, il nous faut créer autour de nous un espace vital de vie, « une bulle sanitaire ». Socialement, cela se traduit par un confinement et l’émergence de rituels des bienséances de vie en société. Certains, délaissés des rituels du passé, resurgissent. (voir encadré) D’autres sont créés : salutations fraternelles à deux mètres, approvisionnement et magasinage en ligne, dit en connectivité1, livraison de tout : épicerie, repas de commerce et de cuisine-traiteur, médicaments, vêtements et tant d’autres objets de consommation, environnement de travail en cocooning et de divertissements (cinéma maison et autres).

 

Émergence de vulnérabilités sociales

Le monde ne sera plus le même, a-t-on écrit plus avant parce que cela provoquera des changements sociaux. L’histoire de l’humanité nous l’a révélé mille fois : « les plus forts et ceux qui ont su s’adapter résistent! » Alors, sommes-nous en train de constater en direct, dans nos écrans et dans nos journaux, une purge des personnes les plus vulnérables de notre société : les aînés et ceux, les plus démunis qui vivent dans une grande promiscuité sociale?

 

30 % de la population canadienne, infectée !

Dans un scénario avancé récemment par Santé Canada, on considère qu’environ 30 % de la population canadienne pourrait être infectée par le coronavirus à terme et que le taux de décès des cas avérés serait de 1 %. À titre comparatif dans les pays européens, on mentionne 50 % de la population affectée et de 5 à 6 % de décès2 ce qui représenterait environ 111 000 décès de la COVID-19 au Canada, et environ 25 000 au Québec. Et la tranche d’âge la plus touchée, révèlent les statistiques canadiennes3 sont les personnes âgées de 70 ans et plus et surtout celles vivant dans les CHSLD, les nouveaux « mouroirs ». Ces mortalités sont actuellement évaluées à 15 % de la population canadienne. (36 % de femmes et 64 % d’hommes).

 

Un « monde inédit » 4, inégalités de classes sociales

Et du côté des populations pauvres, cela n’est guère plus encourageant. Ces derniers n’ont d’autres choix pour survivre que de travailler dans des métiers de services, au contact de la population. Ces travailleurs représentent 37 % de la population, gagnent un salaire minimum avec lequel ils ont peine à faire vivre une famille de quatre à cinq membres, parfois plus, mais contribuent pourtant largement à faire rouler l’économie. 5 Ils sont exposés à toutes les maladies, confinés dans des logements exigus, souvent mal chauffés, chanceux ceux qui sont à l’étage où un petit balcon leur permet de prendre l’air par beau temps.

 

Pourtant, tout à côté, dans de beaux quartiers, d’autres vivent seuls ou en couple, dans d’immenses logements, certains au plus haut des tours à condos, d’autres dans les banlieues de prestige du Grand Montréal. Quelques-uns se sont réfugiés dans leur résidence secondaire à la campagne, parfois fraîchement rénovées à la mode des magazines. Et dire que parfois on les entend affirmer qu’ils vivent difficilement ce confinement aisé où plaisir et confort ne manquent pas. Peut-on vraiment affirmer que dans notre société québécoise moderne du 21e siècle, « les classes sociales » n’existent pas?

 

1 connectivité : désigne ce qu’une entité offre comme connexion à d’autres entités de son environnement.

2 Radio-Canada, Mathieu Gobeil, 2 avril 2020.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1690175/covid-cause-deces-nombre-canada-quebec-mortalite-maladie-cancer-scenarios

3 Ibid

4 Marie-France Bazzo, Journal de l’inédit : classes sociales, L’actualité, 22 mars 2020 , Consulté le 9 avril 2020, https://lactualite.com/societe/journal-des-temps-inedits-classes-sociales/

5 Alain Labelle, Tous inégaux devant la COVID-19 : qui sont les plus fragiles? INFO Radio-Canada, 20 mars 2020, Consulté le 9 avril 2020, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1671708/covid-19-tableaux-mortalite

 

Rouleau, abbé Thomas-Grégoire, Manuel des bienséances, Dussault et Proulx, imprimeurs, Québec, 1899, 92 pages.

 

Copie appartenant à Marie-Ange Sigouin LeDoux, assistante enseignante de l’institutrice Corinne Couture, école du 8e rang (chemin du lac Connelly Nord) vers 1930.

Courtoisie : Antoine Michel LeDoux

L’abbé Rouleau était alors Principal de l’école normale de Laval, Québec, et offrait ce livre « à l’usage des candidats aux brevets d’école primaire », au prix de 25 ¢.

 

Souvenirs des bienséances d’autrefois en période de distanciation sociale

Lors de nos rencontres et sorties, devrions-nous revenir à certaines règles d’autrefois en cette période de distanciation sociale? En voici quelques-unes amusantes à se rappeler et qui étaient enseignées à partir de 1897 (Imprimatur de l’archevêque de Québec, 21 septembre 1899) aux candidats désirant obtenir leur brevet d’école primaire (école de rang) équivalent de la 9e année de scolarité qui leur permettait d’enseigner.

 

En préambule du livre, est écrite la note suivante : […] « L’homme pervers n’a qu’une politesse de surface : il n’est courtois que par intermittence. On peut être vertueux sans être poli; mais on n’est pas vraiment poli sans être vertueux ».

Le salut (pp 15-16)

  • la femme salue en ployant gracieusement le cou, un peu aussi le buste;
  • une jeune personne qui salue une femme âgée doit s’incliner avec un air de déférence;
  • un homme poli, venant à rencontrer une femme, s’efface […] pour laisser passer et se découvre;
  • si un homme rencontre une femme inconnue, non accompagnée, il doit la saluer, mais sans fixer les yeux sur elle. […] mais si la femme connaît l’homme, elle doit le saluer la première.

Les gestes (pp 29à 32)

  • il n’y a pas une seule pensée qui ne se traduise par un mouvement, un geste, une attitude involontaire. Les bonnes manières doivent avoir pour base la bonté, un véritable empire sur les passions.

La promenade (pp 34 à 38)

  • […] une femme ne marche pas les bras pendants. […] Elle a les bras repliés à hauteur de la ceinture;
  • on doit céder le fond du trottoir, le côté le plus voisin des maisons, aux personnes plus âgées ou supérieures; les hommes doivent faire cette politesse aux dames;
  • à la campagne, pas plus que dans la ville, ne vous permettez jamais un laisser-aller […] Pas de toilettes excentriques et « tirant l’œil » […] L’homme ne doit pas se faire remarquer par le débraillé ou le pittoresque de son costume;
  • la femme n’a vraiment de charme que si elle cherche à passer inaperçue;
  • l’homme qui accompagne une femme dans la rue, ne doit jamais lui offrir le bras droit, à moins qu’il porte « l’épée» à gauche. »