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André Thibault l’homme qui aimait faire rire, n’est plus

Jusqu’à la fin, André Thibault aura eu le commentaire heureux et l’anecdote amusante. Ayant travaillé au service du public durant plus de 80 ans à Saint-Hippolyte, son décès récent laisse un grand vide dans la mémoire collective de ce village laurentien.

 

Rencontré en décembre 2021 pour recueillir ses souvenirs du Temps de Fêtes d’autrefois,1 André Thibault, même alors quelque peu désorienté devant les aléas du confinement, a su enjoliver cette rencontre, de propos d’humour et d’anecdotes. Jeux de mots et taquineries, « c’était sa marque de commerce », partagent ceux qui l’ont côtoyé dans les nombreux emplois qu’il a occupés à Saint-Hippolyte : conducteur de taxi, homme de services en tout genre et quincaillier au village des années 1970 à 2000.

Famille Thibault

« Taximan » de frère en frère

André Thibault était le cadet d’une famille de 15 enfants qui, au début des années 1900, ont connu la misère sur une terre rocheuse du lac des 14 Îles. Mais avec l’arrivée de vacanciers dans les années 1920, son père Damase a vite compris l’opportunité que présentait la naissance d’activités touristiques autour du lac. Comme ces vacanciers arrivaient par train à la gare de Shawbridge, Damase et ses fils se sont faits « taximan » comme les désignaient ces vacanciers anglophones. Les premières années, ce fut avec un attelage à chevaux, puis les routes carrossables ont permis l’utilisation d’automobiles. « En 1915, mon père chargeait entre 50 ¢ et 75 ¢ pour le transport de la gare à un chalet, selon la distance de celui-ci. Chanceux, rappelait André Thibault, s’il recevait parfois 10 ¢ comme pourboire! »2

 

17 ans et propriétaire d’une automobile

André Thibault a secondé très jeune son père : d’abord sur la ferme où les travaux ne manquaient pas, soigner les chevaux, les vaches et les poules, puis couper le bois de chauffage pour le poêle et l’ordinaire et le fourrage pour les animaux. « Comme mon père était homme à tout faire, rapidement je l’ai aussi secondé chez les vacanciers : aménagement de terrains à la pelle, construction de chalets au marteau et entretien selon les saisons, pelouse en été, feuilles en automne et neige abondante à pelleter sur les toits, en hiver ». À 17 ans, avec les pourboires reçus, André Thibault s’achète une automobile. « À cette époque, cela prenait 19 ans pour lever ses licences. J’étais costaud et sûr de moi, alors j’ai dit que je les avais et ma parole a suffi! Puis, ajoute-t-il en riant, durant des années après, j’étais tout mêlé dans mon âge. Il fallait que Suzanne m’aide. Je me vieillissais plus vite! »

 

Blagueur et rieur

Passer un petit moment en sa compagnie, c’était assurément entendre quelques blagues. Sa mémoire était phénoménale et sa répartie facile. Pince-sans-rire, il adorait les jeux de mots. Qui ne connaît pas l’histoire de la maîtresse d’école à une époque où seule une fille célibataire pouvait enseigner ? Je vous la raconte pour que vous en appréciiez l’humour : C’est un inspecteur d’école inquiet qui, en début d’année scolaire, s’informe de la mauvaise mine d’une jeune maîtresse : Vous m’apparaissez songeuse, lui demande l’inspecteur. Croyant qu’il est question de matériel non reçu, il avance : Avez-vous tout eu ? Surprise, la maîtresse balbutie : Oui! J’ai eu mes livres, mes cahiers, mes craies, mais je n’ai pas eu mes règles! Et, silence. Monsieur Thibault une fois la blague racontée sait attendre la réaction de son interlocuteur : yeux rieurs, il s’éclate alors d’un grand rire sonore communicatif.

Quincaillerie Thibault 1975 – 2000

Suzanne et André Thibault, quincailliers au village

En 1975, le couple Suzanne et André Thibault tente l’aventure de tenir un commerce au village. « Je ne connaissais rien là-dedans, raconte de bonne foi, monsieur Thibault. Suzanne savait compter plus que moi et surtout être plus méthodique. J’étais les bras et les blagues, elle le cerveau! » Avec le sens des affaires de madame Thibault, la quincaillerie se met à offrir tout ce dont les gens avaient besoin : produits de quincaillerie, produits utilitaires pour la cuisine et la maison et tout ce qui faisait plaisir aux vacanciers et aux visiteurs de passage. « Si on n’avait pas le produit, Suzanne le commandait et souvent, j’allais le leur livrer. La quincaillerie fut une belle aventure, à son dire, je peux même dire une aventure amusante, car si je racontais des blagues, on m’en racontait autant et on riait beaucoup! »

Suzanne et André Thibault, décembre 2021

70 ans d’amour (1953-2022)

Suzanne et André Thibault se sont connus sur les bancs de l’école de rang au lac des 14 Îles. « J’étais plus âgé que Suzanne, raconte sourire aux lèvres André Thibault et, il ajoute moqueur, pour continuer de la voir tous les jours, j’ai même étudié jusqu’en 9e année! » « On s’est surtout connu plus tard, précise rapidement Suzanne (Lauzon) Thibault, lorsque j’étais en 7e année. Cette année-là, je devais me rendre au village pour passer mes examens de fin d’année. Mon père Omer Lauzon a demandé à André de m’y reconduire et me rechercher. » « Je ne me suis pas fait prier, ajoute André Thibault. J’étais fier de la voir assise à côté de moi dans mon auto nouvelle! »

 

Présence marquante dans la communauté

Le couple Suzanne et André a été très actif aussi auprès de la communauté hippolytoise. Ils ont contribué durant plusieurs années aux activités paroissiales et communautaires. Membres du Cercle paroissial des loisirs de Saint-Hippolyte, madame Thibault a été parmi les femmes qui ont participé au financement des activités du 100e de la paroisse avec la vente d’artisanat, en 1969. Elle a été aussi membre fondatrice du Cercle de Fermières en 1970 et y a été active très longtemps. Derrière le comptoir de la quincaillerie, elle a servi sa clientèle avec son mari et leur fille Céline, durant de nombreuses années. Suzanne et André Thibault ont marqué l’histoire de Saint-Hippolyte.

 

1 Antoine Michel LeDoux, Plaisirs et déconvenues d’autrefois au Temps des Fêtes chez les Thibault, Le Sentier, décembre 2021 et janvier 2022, p.6

2 Bob Cowan, Souvenirs du lac des 14 Îles (traduit par Louise Lefebvre Hudon), 2003.