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1870- Migrants à l’origine d’une économie de services Maison de pension, apprentissage à la vie d’hôte

La mise en service de la nouvelle ligne de chemin de fer jusqu’à Saint-Jérôme en 1876, la Québec-Montréal-Ottawa et Occidental et l’arrivée de voyageurs montréalais dans son P’tit Train du Nord, a changé la vie des familles d’agriculteurs hippolytois.

 

Et cela ne s’est pas fait sans certaines concessions de la part des membres de la famille. Lorsque c’était un enfant de la famille qui revenait, en visite, passer la Noël ou le Jour de l’An pour la bénédiction paternelle, il acceptait de partager un lit avec un autre membre de la famille. Mais, lorsqu’il a été question d’accueillir un « étranger pensionnaire », il a fallu changer des habitudes, libérer des chambres, offrir des services. Tout un chambardement dans la promiscuité de nos petites maisons de campagne.

 

Amis et parenté

 

Les premiers balbutiements des familles hippolytoises tentées par l’accueil de visiteurs comme pensionnaires ont demandé des adaptations qui ne se sont pas faites sans quiproquos. Qui n’a pas entendu le récit d’un oncle en visite qui a dévoré à lui seul la tarte que l’hôtesse avait cuisinée pour le dessert du repas, ou l’amie de la ville invitée et qui a réveillé toute la maisonnée à la recherche du pot de chambre, au milieu de la nuit. C’est souvent les enfants ou les adultes célibataires des familles qui ont fait le plus de concessions en acceptant, par exemple, de dormir l’été dans la grange ou de prendre leurs repas, assis sur la galerie afin de libérer la table unique pour les visiteurs.

 

Migrants estivaux occasionnels

On raconte que les premiers pensionnaires étaient des amis ou des connaissances des enfants qui travaillaient à la ville avec eux et qui étaient invités à venir passer des vacances à la campagne. Puis, ayant été bien reçus, ils revenaient sans eux auprès de ces familles comme pensionnaires, le temps d’un congé d’été. Cela était rassurant pour eux, pour elles, connaissant déjà l’accueil chaleureux de cette famille et le type de menus, parfois bien rudimentaires, mais qui leur rappelait celui de leur enfance, à la fois abondant, frais et naturel. De plus, souvent la pension demandée était minime pour les services qu’ils recevaient, car les familles agricultrices hippolytoises exigeaient peu ne voulant pas passer à côté d’une rentrée d’argent sonnant, rare au sein de leurs mini-sociétés de rang et de village où le troc était présent.

Maisons de pension

Lentement, plus sûr d’eux, on vit alors apparaître sur la galerie des maisons des affiches qui offraient chambres et pensions pour tous les voyageurs. Même que certains Hippolytois, animés d’un sens des affaires, n’hésitaient pas à investir dans des gazettes jérômiennes et montréalaises pour s’annoncer. De plus, afin d’attirer encore plus la clientèle, certaines pensions offraient même des taximens gratuits qui attendaient les voyageurs aux gares de Saint-Jérôme, Lesage ou Shawbridge, afin de leur assurer un transport.1

 

 

 

Villas et domaines

Parmi les familles bourgeoises jérômiennes et montréalaises plus fortunées, quelques-unes se sont fait construire d’immenses domaines boisés au bord des lacs. Pour cela, ils amenaient avec eux des ouvriers spécialisés pour réaliser leurs confortables et luxueuses villas. Plusieurs Hippolytois ont eu ainsi la chance d’être engagés dans leur chantier et très observateurs, ils ont appris les rudiments nouveaux pour eux, de ces métiers. Ainsi, à leur tour, ils sont devenus entrepreneurs et ont offert leurs services aux villégiateurs. Des servantes et des serviteurs accompagnaient aussi ces riches familles. Souvent pour les aider lors des grands ménages ou de grandioses réceptions, ils se faisaient aider des gens de la place qui ont développé auprès d’eux des talents de cuisinier et de restaurateur. Ces employés ont eu la chance de côtoyer dans ces villas des visiteurs célèbres. 2

 

Ils ont recherché et partagé

Ces migrants propriétaires de villas recherchaient l’air pur de la campagne, mais aussi le confort de la ville. Au contact de leurs serviteurs et ouvriers spécialisés, les Hippolytois ont appris et sont devenus à leur tour, entrepreneurs. Les filles ont développé l’art de la confection de plats et de techniques ménagères. Plusieurs ont appris l’anglais à leur contact. Ces migrants estivaux ont transformé l’économie de Saint-Hippolyte en une économie de services.

 

1 André Thibault, du lac des Quatorze-Îles rapporte que Jos St-Pierre, en 1924 et ses frères, Lionel et Marcel, demandaient entre 15 ¢ et 25 ¢ pour transporter des voyageurs de la gare de Shawbridge.

2 L’industriel Jean C. Lallemand a fait construire vers 1930 la Villa La Fougeraie où ont séjourné le chef d’orchestre Wilfrid Pelletier et d’autres grands mélomanes ainsi que l’écrivain français Antoine de Saint-Exupéry. Cette villa est devenue la très renommée Auberge des Cèdres, tenue pendant plus de 20 ans par Thérèse Durand (Duval), maître canardière.