Quel privilège que d’être invité, un soir de danse, chez Élisabeth et Arthur Ward de la baie de Kilkenny, pour fraterniser et danser des sets carrés dans l’atmosphère des veillées d’autrefois.
C’est qu’Arthur est un calleur1 reconnu et un grand maître des danses traditionnelles ou square dance. Sa réputation dépasse les frontières de notre municipalité. Régulièrement durant l’année, il est invité à animer des soirées de danses dans plusieurs villes de l’Outaouais québécois et ontarien. Il ne s’en vantera pas, mais on m’a confié qu’il est aussi très apprécié dans plusieurs communautés des provinces maritimes et même jusque dans celles de l’Ouest canadien. Pendant plusieurs années, il y a participé à des Festivals de danse et à des compétitions d’attelage de chevaux.
Danser, c’est apprendre à vivre ensemble
Grand philosophe, Arthur affirme que la danse est plus qu’une simple activité récréative. « Apprendre à accorder son pas à celui de son partenaire, être attentif à son regard et à ses gestes, c’est apprendre à vivre avec l’autre. Notre corps parle plus que l’on pense, lance-t-il en riant. Il n’y a pas si longtemps, à l’époque de mes grands-parents et de mes parents, chaque occasion de fête familiale, et il n’y en avait pas souvent, était prétexte de rencontrer l’autre. Il y avait une sorte de rituel d’approche non-dit, mais qui se vivait d’une façon très instinctive entre les personnes. Tous étaient attentifs aux signes et aux émotions ressentis dans ces moments de rassemblements collectifs ».
S’apprivoiser
« La danse en quadrille ou en set carré qui comporte des entrelacements et des figures en couple, permet d’apprivoiser l’autre. On le sent à la façon dont on accueille et tient la main de l’autre, qu’on tourne et virevolte et que l’on swingne 2, surtout pas comme une poche de patates qu’on lance, s’exclame Arthur! Dans la danse comme dans la vie, on doit apprendre à développer une entente et une confiance mutuelles. Et, il faut le vivre pour le comprendre, lance réaliste Arthur. On ressent vite avec qui ça va et avec qui ça n’ira jamais. Je n’ai pas fait de grandes recherches, mais je peux constater, à mon vécu, que dans les communautés où les soirées de danses et de fêtes avaient lieu, même supervisées, il me semble que les mariages étaient plus heureux! »
Pragmatique
Arthur est vite passé de cette réflexion au concret en me confiant que lui-même et plusieurs des membres de sa famille avaient connu leur conjoint, conjointe de cette façon. « Jeunot, je cherchais toutes les occasions pour rencontrer des filles. Quand je n’allais pas à la salle de danse chez Anthime Sigouin, chemin du lac Connelly 3 je me rendais à Lachute pour danser. C’est là que j’ai fréquenté ma femme, Élisabeth. Je l’avais croisée à une fête organisée à l’école Laurentian de Saint-Jérôme où elle enseignait. Je lui ai demandé si elle aimait danser. Elle m’a dit oui. Il ne m’en fallait pas plus pour me rendre chez elle à Lachute chaque fin de semaine, durant un an. Rien ne m’arrêtait, ni ma grosse semaine de travail ni les tempêtes », lance-t-il fièrement. Puis, cherchant du regard parmi ses invités, il me mentionne que cela est arrivé aussi à d’autres couples comme son neveu Clifford (dit Jo) Ward et sa conjointe Francine Gingras et à Amélie (Casper) et son conjoint Bruno Sherburne qui sont ensemble depuis 12 ans et qui ont deux beaux enfants.
1 Calleur, caîlleur ou caller : québécisme qui désigne le maître à danser des danses traditionnelles d’influences irlandaises et écossaises appelées square dance ou call dance.
2 swingner : Danser en tournant très vite sur un pied.
3 Aujourd’hui, le dépanneur Marché du coin.