Rions un peu

J’en suis à mon cinquième texte dans notre journal. J’aimerais souligner que la plupart de mes écrits se veulent un peu déjantés. Ils ont pour but de divertir et non d’instruire.

 

Dialogue avec mon vidangeur

 

 

Ne serait-ce que pour vous montrer que j’ai de la suite dans les idées, après vous avoir parlé de la course au papier de toilette dans une récente chronique, je compte aujourd’hui vous entretenir d’un sujet tout aussi exaltant, la vidange de ma fosse septique.

 

Pour les non-initiés, il faut savoir qu’à la campagne, l’opération s’effectue en deux temps. On prélève d’abord la totalité de votre réservoir et on conserve le solide. Grâce à la technologie moderne, on ne vous retourne que le liquide, sorte de limonade plus ou moins inspirante, privée de sa pulpe. Mon vidangeur d’égouts domestiques est une femme plutôt élégante et distinguée, elle n’a pas le physique de l’emploi à mon avis. Au cours des années, nous avons noué d’étroits liens d’amitié. Par la force des choses, elle est entrée si je peux dire, dans mon intimité.

Avant l’ère du virus qui nous accable, nous avons effectué nombre de rapprochements. Depuis quelque temps toutefois, nous nous sommes éloignés de deux mètres, distanciation oblige. Au début, je m’attardais aux choses superficielles à son égard. À titre d`exemples, je me demandais parfois si après une journée de travail elle sentait toujours bon la rose ou si ses effluves s’apparentaient plutôt à la pivoine ou à d’autres arômes que vous pouvez imaginer. Bien qu’elle vive aujourd’hui aux dépens de mes rejets et qu’elle exerce un métier peu commun, Nicole possède une vaste culture. Sa grande érudition me permet d’aborder quantité de sujets dont le rôle des bactéries dans la digestion de nos déchets. Cette dernière détient un bac en biologie, sans compter qu’elle manie le calembour avec élégance, contribuant ainsi à enrichir mon vocabulaire. J’aime bien m’attarder sur Nicole, oh… je crois bien que ma phrase est mal formulée, que les mots sont mal choisis, mais vous m’avez sans doute compris!

 

Nicole est une professionnelle, une fille consciencieuse qui sait aller au fond des choses en ce qui a trait au récurage des fosses septiques. Pour en parler, elle utilise parfois un langage emprunté au domaine bancaire. Ainsi, après analyse de mes installations et considérant que je vis seul, elle estime que je n’ai nul besoin d’un aussi grand coffret de sureté pour entreposer mes dépôts annuels, que mes fonds ne sont jamais insuffisants et qu’il y a toujours matière à retraits.

 

Notre proximité intellectuelle nous permet d’échanger sur différents sujets entre chaque opération. Notre dernier entretien portait sur les vaccins liés à la Covid. À ce chapitre, elle ne s’est pas montrée hostile à la vaccination, mais plutôt ambivalente, un peu comme si elle demeurait sceptique à l’égard d’un dogme religieux. Elle oscille entre la croyance et la non-croyance. Après avoir douté de ses convictions, sans réfléchir et surtout sans vouloir faire de jeux de mots malveillants ou scabreux, je lui ai adressé le commentaire suivant : « comme ça Nicole, tu es en quelque sorte une fausse sceptique ». Un peu secouée par mes paroles, elle a retrouvé le sourire après quelques brèves explications. Puis elle a repris la route avec sa précieuse cargaison, certaine qu’à nouveau l’an prochain, j’aurai pour elle une nouvelle provision, une nouvelle cuvée. Bravo Nicole, tu es une femme exceptionnelle. Continue de t’attaquer à la faune microbienne et à surveiller notre flore intestinale.

 

Au terme de la présente rédaction, j’ai pris conscience de la complexité de la langue française. Cette dernière nous permet de traduire notre pensée avec un nombre incalculable de nuances, mais présente parfois un côté risqué. Ainsi, en usant des homonymes tels fausse sceptique et fosse septique, je me suis dit, dans certains cas, il y a des mots qu’il valait mieux les écrire plutôt que de les dire. Ainsi, si vous projetez de traiter amicalement votre blonde de fausse sceptique, évitez de le lui dire, écrivez-le-lui! Enfin, j’avais oublié, si le siège des camionneurs s’était prolongé à Ottawa, Nicole aurait été la personne tout indiquée pour se joindre à eux et aller brasser d’la marde de ce côté-là!