Familles Bertrand et Richer réunies pour le mariage d’Aline Bertrand et Marc Richer, en 1945. Photo prise devant la maison de Léonidas Bertrand, chemin du lac Bertrand. Crédit : Le Sentier, mars 2003
Disparition possible d’un lieu ancestral rassembleur
La Cabane à sucre Nantel, chemin Bertrand, est en vente; il y est question d’un projet de lotissement.1 Les Hippolytois et les nombreux amateurs montréalais des produits de l’érable verront-ils disparaître ce lieu, institution ancestrale, issu de la famille des entrepreneurs Bertrand ?
Il y a bien longtemps, ce lieu rassemblait déjà annuellement les nombreux membres des familles Bertrand et Richer ainsi que leurs amis et connaissances. Dès les années 1870, les ancêtres Joseph Bertrand et Rose-de-Lima Guénette et leurs descendants ont rapidement mis à profit les érables et produits des lots qu’ils ont occupés sur le 1er rang du canton d’Abercrombie. Au fil des années, ils y ont fait naître de nombreux projets d’entrepreneuriat qui ont marqué l’histoire de Saint-Hippolyte. La cabane à sucre Nantel était un de ceux-là.
Produire suffisamment pour vendre leurs produits d’érable
Dieu sait qu’à cette époque, la production du sirop d’érable et des « pains de sucre du pays » tant appréciés, était un dur labeur! Pourtant, il semble que les frères Zéphirin et Hormidas, fils de Joseph et leurs enfants, en produisaient assez pour en vendre jusqu’à Saint-Jérôme! À leur tour, Uldéric (dit Ulric) et Léonidas de la génération suivante, ont poursuivi la tradition. Ils ont continué à aménager leur érablière pour la rendre encore plus productive et en ont fait le rendez-vous printanier d’Hippolytois, de vacanciers estivaux et de visiteurs montréalais, amateurs de sucreries.
De cabane à sucre familiale à repas commerciaux
Puis, en 1960, la petite cabane à sucre rudimentaire et l’érablière sont transformées sous la gouvernance de la famille Locas, en une cabane à sucre commerciale. Mode culinaire nouvelle à cette époque, des tables saisonnières rustiques offraient des repas traditionnels du temps des sucres. Les bâtiments prennent un air rustique recherché par l’ajout de deux grandes pièces aux murs lambrissés du bois provenant du vieux collège Montfort de Wentworth-Nord.
Cabane à sucre Nantel
Puis en 1974, sous la direction alors de Denis Nantel, ont été ajoutés : un local pour l’évaporateur, un shed à bois et une étable pour accueillir de petits animaux de la ferme. Selon des demandes, on offre ces installations et bâtiments pour organiser des banquets et des réceptions, le reste de l’année. En 1985, c’est Jocelyne et Laurent Morin qui prennent la direction du commerce, puis en 2001, leur fils Patrice et sa conjointe. Tous ont à cœur de continuer à offrir des mets faits maison à la mode des ancêtres Bertrand : marinades, omelettes cuites à l’ancienne, « oreilles de crisse » (bajoue fumée), gâteaux renversés à l’érable et tarte au vrai sirop d’érable et tant d’autres dans l’esprit de ce qui se faisait autrefois.
Les Bertrand, des entrepreneurs
Ce coin hippolytois a également connu sous l’habile développement des membres de la famille Bertrand, de multiples projets entrepreneuriaux.
Conscient que leur emplacement était apprécié des plaisanciers, Léonidas Bertrand, marié à Bertha St-Germain a eu l’idée d’aménager graduellement dès 1918, une partie humide de leur terre pour y creuser le futur lac Bertrand. Puis, cet attrait en faisant naître d’autres, en 1970, à proximité de ce lac, des membres de la famille Bertrand créèrent le Camping Boubou, devenu depuis Camping au Pin d’érable. Et, de lac en terrain de camping, on passa par la suite au développement résidentiel et commercial de leurs lots, endroit aujourd’hui recherché.
Bertrand Camionneur
Bien sûr, pour profiter de leurs projets de transformation de leur environnement, les Bertrand ne tardent pas à s’équiper de matériel motorisé pour faciliter les travaux d’aménagements. En 1947, Fernand Bertrand avec son frère Antonio, mettent sur pied une des premières entreprises de terrassement à Saint-Hippolyte. Antonio achète un camion et travaille avec son frère Fernand dans l’entreprise A. Bertrand Camionneur. « On chargeait de la gravelle, du sable et de la terre à la petite pelle, racontait en 2003, Fernand. Un voyage de sable coûtait 5 $. On « chargeait » 1 $/hre pour le terrassement. »2 L’entreprise a depuis pris de l’expansion et est connue sous le nom de Mini Excavation Bertrand.
Aménagement résidentiel de rue
Puis, avec des cultivateurs voisins, ils se sont mis à vendre des terrains et à ouvrir des chemins. Parmi ceux-ci, on compte les rues Simard, Tério et du chemin de la Tour et tant d’autres qu’ils ont aménagés pour des propriétaires privés. Car à cette époque, c’étaient les propriétaires de lots qui vendaient des terrains, qui étaient responsables de faire les chemins pour rendre accessibles les terrains vendus. Les propriétaires des lots les cédaient ensuite à la Municipalité qui avait la charge de les entretenir.
1 Voir article, Antoine Michel LeDoux, Vente de la cabane à sucre Nantel. Une autre institution hippolytoise en voie de disparition, juillet 2021.
2 Denise Marcoux, Famille Bertrand, Le Sentier, mars 2003.
