• Accueil
  • >
  • Article
  • >
  • Nos églises, chapelles sixtines québécoises Ozias Leduc, notre Michel-Ange québécois

Nos églises, chapelles sixtines québécoises Ozias Leduc, notre Michel-Ange québécois

Ce travail colossal – le dernier de ce peintre alors âgé de 76 ans – a duré 13 ans, et est appelé son testament artistique. Remarquable par son interprétation personnelle à cette époque (1942 à 1956) des symboles évangéliques, cette œuvre représente des thèmes en fonction de l’architecture tout en intégrant des éléments de l’univers pictural de l’artiste. Selon les propos de son commanditaire, le curé Arthur Jacob, « la composition des thèmes avait pour but de toucher, de provoquer, voire de projeter dans l’avenir, la réflexion spirituelle des paroissiens ». Ces représentations symboliques sont le fruit de longs échanges intellectuels entre les deux hommes durant plusieurs années.

« L’art, c’est le son d’une âme », Ozias Leduc
Pour vraiment apprécier la portée d’une œuvre, il faut être guidé sur les chemins de son inspiration. C’est ce que réussit parfaitement notre guide Félix, qui, par ses commentaires appropriés, nous met sur la piste du cheminement de cet artiste, point d’origine névralgique pour comprendre son œuvre. Ozias Leduc est fils d’un menuisier d’une famille modeste de dix enfants de Saint-Hilaire de Rouville (aujourd’hui Mont-Saint-Hilaire). Il a manifesté dès l’âge de sept ans des aptitudes en dessin qui l’ont mené à l’adolescence à travailler comme apprenti, d’abord chez un fabricant italien de statues d’église, Carli à Montréal puis chez le peintre Luigi Capello, dans la décoration d’église. Après un court passage en Europe 1897) qui le sensibilise à la création symbolique (1), il se spécialise dans la décoration d’églises.
Il en réalisera 30 (2), au total, autant au Québec qu’en Nouvelle-Écosse et dans l’Est américain. Pour lui, le dessin, la couleur et la composition sont les trois bases de la peinture classique et forment la trinité d’une œuvre, autant picturale que spirituelle. La composition des thèmes religieux présente, ici, une interprétation symbolique très personnelle. Ainsi, six tableaux latéraux n’appartiennent pas aux récits évangéliques, mais présentent des thèmes historiques et sociaux liés à l’histoire religieuse et industrielle de la région de la Mauricie, dont l’un projette même pour l’époque, une forte activité industrielle à venir.

Des techniques trompe l’œil personnelles
Notre guide Félix, dans un habile jeu d’observation, ne manque pas de nous faire remarquer quelques curiosités techniques employées qui, sans ces commentaires, passeraient inaperçues. D’abord, contrairement à plusieurs autres décorations d’église de cette époque, tout ce qui nous entoure ne sont pas des fresques peintes à même les murs, mais d’immenses toiles marouflées (3) et collées qui forment un tout, parfaitement indivisible. De plus, seul Ozias Leduc avait le secret de la colle qu’il fabriquait lui-même avec des ingrédients simples : farine, eau et mélasse. enfin, le choix des couleurs à dominance pastel donne une telle impression de velours que cela crée une atmosphère mystique apaisante de recueillement. Étonnamment, rien n’est vraiment à l’échelle! Si, de près, les personnages comme les décors imaginés semblent parfois disproportionnés, vus en perspective, ils reprennent leurs dimensions conventionnelles.
P.S. Vous pouvez voir des œuvres d’Ozias Leduc à Joliette, dans l’église cathédrale St-Charles-Borromée et au Musée d’art de Joliette.

(1) Symbolisme : désigne l’analogie entre l’idée abstraite et l’image chargée de l’exprimer.
(2) Plus près de nous, on retrouve l’église Saint-Hilaire (1896-1900), St-Romuald à Farnham (1905), Saint-Enfant-Jésus du Mile-End à Montréal (1917-1919), la chapelle de l’évêché de Sherbrooke (1922-1932), le baptistère de la Basilique Notre-Dame de Montréal (1927-1928), l’église des Saints-Anges Gardiens à Lachine (1930-1931) et celle de Notre-Dame-de-la-Présentation à Shawinigan-Sud (1943-1955).
(3) Marouflage : technique qui consiste à fixer une surface à l’aide d’une colle forte dite maroufle qui durcit en séchant. Opération particulièrement utilisée en peinture d’art et en restauration.

ledoux@journallesentier.ca

Photo: Alein LeSieur