Le bonheur, une opinion (partie 1)

Il est où le bonheur…

« Il y a autant de versions du bonheur qu’il y a d’êtres humains sur Terre », voici les mots qu’utilise avec force Élisabeth, 16 ans, pour affirmer que la vie est un espace à construire et non à consommer.

 

Témoignage d’Élisabeth

Le bonheur, c’est ce que chaque individu recherche dans une vie. C’est l’origine de questions inévitables qui cassent le crâne de milliers de philosophes partout à travers le monde depuis toujours et qui divisent épicuriens et eudémonistes. C’est un désir, une obligation presque, l’ultime réalisation. On le décrit par une chance, une satisfaction et de la joie, mais c’est bien plus que cela.

 

Dans le spectacle solo Histoires vraies de Martin Matte, le comédien approche avec humour une réalité lourde. Il y parle de son frère handicapé et des défis que lui et sa famille ont vécus à travers le thème du bonheur. La médecine a fait des miracles, oui. Mais à quel coût ? Cet homme qui vit, mais qui ne pourra jamais avoir de femme, d’enfants ou de travail, c’est d’une tristesse incomparable et cela nous montre clairement que vivre n’est pas synonyme de bonheur. Si nous nous basons sur la pyramide de Maslow, les besoins physiologiques de son frère sont comblés. Cependant, sa sécurité n’est pas garantie.

 

L’absence de mémoire présente et d’inhibition le rend susceptible de se mettre lui-même en danger. Sa condition rend aussi l’appartenance à un groupe autre que sa famille difficile. Sans cesse intimidé par les autres, privé de la possibilité d’obtenir de la reconnaissance ou une réalisation de soi, il est condamné à être malheureux. Il est privé d’un but et le suicide est devenu son unique porte de sortie. Cela m’a choquée.

 

Je n’ai que 16 ans, mais déjà je suis forcée à me questionner sur mon bonheur. Ce qui me rend le plus heureuse, c’est d’aider les autres. C’est mon but, mon objectif. J’aide les autres pour m’aider moi-même et sentir que j’ai une certaine utilité. Je survis, je suis en sécurité et je me réalise à travers multiples accomplissements, comme le bénévolat, ma performance scolaire et mon intérêt dans divers domaines (musique, politique, mathématiques) qui me donnent une grande reconnaissance. Autour de moi, mes proches sont impressionnés, je sors du lot. Cependant, cela me rend différente. Je suis incomprise par ceux de mon âge. Certains me voient comme l’enfant modèle ou un adulte dans certains cas. Cette reconnaissance met des bâtons dans les roues de mon appartenance. Il est difficile pour moi de trouver des gens avec qui je suis parfaitement à l’aise et capable d’être entièrement moi-même. S’intégrer à un groupe est moins évident. C’est mon malheur.

 

Je n’ai que 16 ans, mais déjà on me demande ce qui ferait mon bonheur futur. J’ai déjà accompli beaucoup, mais mon désir le plus cher c’est de faire une différence dans le monde. Que ce soit à travers les causes que j’appuie (changements climatiques, féminisme), mes rêves ou de me lancer en politique, je suis sans cesse en quête de m’accomplir pour me sentir utile. J’ai le goût de prendre des risques, j’ai envie de vivre et de sortir de la banalité du quotidien. Je veux être confrontée à des défis pour me surpasser. J’ai parfois l’impression que tout le monde a une opinion sur ce qui me rendrait heureuse. « Étudie, découvre le monde, réalise de grandes choses, trouve l’âme sœur, achète une maison, fais des enfants, fonde une famille, le bonheur c’est la santé », disent-ils. Pourtant, il y a autant de versions du bonheur qu’il y a d’êtres humains sur Terre et c’est ce qui fait notre force : l’individualité.

 

Il est où le bonheur, il est où ?

Ce jour-là, le bonheur pour moi était d’entendre cette jeune fille, moitié larmes, moitié sourires à réclamer haut et fort le droit d’espérer… Espérer avec le cœur et, avec ses efforts, faire la différence dans le monde. Sortir de la banalité du quotidien. Se tailler une place hors des sentiers battus.

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