Question pleine de sens par les temps qui courent! D’un visuel parlant, avec un brin d’humour, la caricature de Côté, parue dans Le Soleil le 19 octobre, nous montre bien les multiples raisons qui pourraient individuellement et collectivement nous mener tout droit vers une dépression majeure. Voir encadré :
J’ai de la chance
Oui, j’ai de la chance. Chaque jour, je suis en contact (virtuel bien sûr) avec des gens qui cherchent, qui luttent, qui se questionnent et qui, comme Louise 82 ans, comprennent l’importance de faire avec, de faire autrement. Louise incarne parfaitement cet énoncé. Oui, 82 ans… Madame Louise, comme je l’appelle, applique sans trop le savoir, une recette gagnante pour non seulement traverser les moments difficiles, mais aussi apprendre de ces moments.
Comment fait-elle ?
Laissez-moi vous nommer les traversées « pas faciles », comme elle le dit, auxquelles elle a dû faire face ces cinq dernières années et comprendre à travers ses propres mots ce qu’elle a investi pour réussir.
- Faire le deuil de son mari Alzheimer
Pour vivre les deuils, j’ai pris l’exemple de ma mère. Comme elle, je me dis que la mort fait partie de la vie, qu’on doit s’y attendre… comme on doit s’attendre à ce que, pour nous aussi, il va y avoir une fin. C’est mieux de ne pas lutter contre cette réalité. Je n’ai pas peur de la mort, parce que j’aime la vie et c’est mon choix de vivre. J’espère seulement ne jamais être un poids pour personne. Je repense souvent que j’ai eu une belle vie. J’ai été chanceuse. Je suis reconnaissante envers mes parents, mon mari, mes enfants et les gens ici… ils sont gentils. Ils ne sont pas trop « chialeux ». Je n’aimerais pas ça. Je me tiens avec des gens agréables. Je ne veux pas rouspéter sur les choux de Bruxelles trop cuits… J’en ai déjà mangé des meilleurs.
- Laisser-aller sa maison, son quartier, ses habitudes de vie pour emménager dans un Centre plus approprié
J’ai pris une décision, j’ai choisi ma place et je l’assume. Y’a des jours où les pertes me font plus mal…, mais je me dis que je suis chanceuse! J’ai un endroit qui n’a pas l’air d’un hôpital. Je me dis que mes enfants m’ont bien accompagnée et qu’ils m’ont aidée à m’installer. Je les ai écoutés. Ils me disaient de ne pas trop encombrer mon nouvel espace. Ils avaient raison. Pas facile de laisser son passé derrière soi, mais au moins je me dis je ne suis pas loin de mon quartier d’avant. Le vide, ça fait de la place pour penser à autre chose.
- Entreprendre des traitements de dialyse
Je suis encore une femme libre et je peux décider de comment prendre soin de ma santé. Bien sûr que je ne veux pas d’acharnement. J’ai toujours été une fille d’action et je ne démissionne pas de prendre soin de ma santé. Mes enfants me font confiance. Ça, ça compte beaucoup pour me sentir bien. Sinon, je serais un peu malheureuse.
- Perdre de sa mobilité physique
Les autres m’aident. Ils sont gentils. Avant, ça m’humiliait… Aujourd’hui je vois ça comme de la gentillesse. Et je me force pour aller au gym. Je trouve ça plate, mais il faut bouger. Je pourrais être plus vaillante. Je me trouve paresseuse.
- Rester confinée
Rester confinée des semaines à recevoir ses repas à distance, à ne plus aller à la salle à manger, à ne plus avoir de contacts avec ses enfants ni avec ses nouvelles copines du Centre. Le plus difficile, c’est ce sentiment de ne plus avoir de chez-soi du tout. On ne décide plus rien, je me sens coincée. On ne peut même pas imaginer faire de petits projets. J’avais commencé à me sentir un peu chez moi. À m’adapter à ce Centre-là. (remarquez, elle dit bien ce Centre-là.)
- Je n’avais jamais eu ce sentiment d’être inutile
Le plus difficile avec la COVID… une grande question a commencé à me déranger: JE SUIS UTILE À QUOI ? Pas facile! Cette question me crée un peu de déprime. Je ne veux pas me plaindre, ne pas trop y penser. Mais après plusieurs semaines à ne rien faire, pas facile de trouver à quoi ça sert la vie. Quand tout cela sera fini, puisque j’ai déjà trouvé un sens à ma vie, je vais bien en trouver un encore.
Il est là le bonheur, il est là
Merci à Louise. Merci grande dame. Elle aurait eu toutes les raisons d’entretenir un dialogue intérieur plutôt sombre. La conscience et la persévérance qu’il lui fallait pour garder le cap malgré tout, sa détermination à investir des « liens doux » lui permettent, encore aujourd’hui, de traverser les moments difficiles sans chavirer.