L’aventure du Mont Tyrol commence en 1955 lorsque Jacques Dagenais, qui travaille alors comme plombier, constate que dans plusieurs hôtels hippolytois et laurentiens, on exploite les montagnes pour y créer une entreprise de ski alpin. 1 Entrepreneur et ingénieux, il décide de déboiser durant quelques années, le flanc nord de la montagne sur une partie de la terre de son père invalide, René, à 2 km du village.
Constatant l’engouement de plusieurs personnes, amis et voisins qui fréquentent à pied les trois pistes qu’il a tracées, habile, il installe sur l’une d’elles un remonte-pente rudimentaire appelé ski-tow. En 1961, débute alors l’aventure officielle de ce centre de ski avec l’accueil du public se fait alors dans une cabane rudimentaire en bois qui permet aux skieurs de se procurer un billet, de chausser leurs bottes et de ranger leur sac.
Rendez-vous des skieurs montréalais
Le Mont Tyrol comme les autres pentes de ski sur le territoire de Saint-Hippolyte est éloigné de la route plus commerciale de cette époque, la route 11 (actuelle 117) qui mêne à des centres alpins plus populaires dans les Laurentides. Pourtant, cette montagne devient le rendez-vous préféré de beaucoup d’amateurs. Bien sûr, elle est fortement fréquentée par les résidents et vacanciers hippolytois et des environs, mais aussi par plusieurs résidents de la grande région montréalaise qui apprécient ses caractéristiques champêtres et familiales.
Une affaire de famile
Bien sûr, Jacques Dagenais compte sur la travail de tous les membres de la famille pour l’aider dans cette entreprise. Alain et Jean-Pierre Dagenais se rappellent qu’à l’été, il fallait faucher l’herbe haute sur les pentes. « Ce n’était pas une mince affaire que de garder l’équilibre et de s’élancer avec l’énorme faux », raconte Jean-Pierre. Pour sa part, Alain se souvient du remonte-pente Bombardier sur chenille que son père a acheté et qu’il utilisait aussi l’été pour faucher la montagne en y traînant une faucheuse habituellement tirée par des chevaux. Comme en montagne, il fallait placer un poids sur cet fauchause, c’est lui qui s’assoyait dessus. « Je peux vous dire que lorsqu’on passait au-dessus d’un nid de guêpes et que ça le détruisait, j’exécutais alors un superbe saut pour m’éloigner le plus vite et me sauver des immanquables piqûres! »
Michel Dagenais, quant à lui, se rappelle qu’entre 12 à 15 ans, il aidait les skieurs à empoigner solidement le câble du ski-tow et que vers 18 ou 19 ans, il devient l’un des responsables de la boutique. Les enfants Dagenais sont aussi très sportifs. Alain et Monique donnent donc un coup de main dans l’organisation, mais font aussi du ski de compétition. Jean-Pierre tient le bar et Manon2 s’occupe du restaurant, tout en participant à des compétitions locales. Dès 1964, un deuxième bâtiment est construit pour l’accueil des skieurs et, en 1975, devant l’afflux de la clientèle, on inaugure le club house Le St-Bernard. Avec sa salle à manger spacieuse, son bar-grill et une boîte à chansons ouverte à l’année qui reçoit en soirée des artistes renommés, il permet à la clientèle de se détendre après une journée de plein air.
Une rampe pour le saut acrobatique
En 1978, Michel Dagenais et son père Jacques devant l’engouement des sauts en ski, construisent une rampe. Comme cela se fait ailleurs, ils choisissent un endroit où un ruisseau coule au pied de la montagne et transforment l’endroit, d’abord en un petit bassin gelé l’hiver, puis, plus tard, en un profond bassin pour pratiquer ce sport en été. Cette discipline devient de plus en plus populaire et cette rampe, accessible en toutes saisons, devient l’endroit choisi durant quelques années pour l’entraînement des membres de l’équipe nationale de saut en ski.
Plusieurs années après la fermeture de ce centre, cette rampe et son bassin sécuritaire pour accueillir les sauteurs en été, continue d’être utilisée par l’école Acroski de Stéphane Rochon, associée à la Fédération de ski acrobatique du Québec.
La fin d’une belle aventure
Les affaires vont bien jusqu’aux hivers 1980 et 1981 où il tombe trop peu de neige. Sans le matériel nécessaire à la fabrication de neige artificielle, la pente est délaissée par les skieurs qui se rendent ailleurs dans les Laurentides. Faute d’investissement suffisant afin de poursuivre les opérations, l’entreprise ferme en 1981.
1 Il existe à cette époque des pentes de ski et des remonte-pentes aux endroits suivants à Saint-Hippolyte : Auberge Chez Pierre, La Chaumine, Hôtel Central (piste municipale), Chalet du lac, Mont Rocher de l’Hôtel DeSève, L’Hirondelle, Pension du Gros Pin, Hôtel Pine-Croft et le Château Bleu.
2 Après la fermeture du Mont-Tyrol, Manon ouvre sa propre entreprise, le Casse-Croûte du lac de l’Achigan et un minigolf qui sont toujours en activité.
Le nom Mont Tyrol
Monique, Alain et Jean-Pierre Dagenais racontent avec plaisir comment leur père Jacques a choisi le nom de la montagne. Au tout début de cette aventure, rappellent-ils, une dame Shokel, d’origine européenne fréquentait avec bonheur les pistes de ski qui lui rappelaient sa jeunesse, époque durant laquelle elle dévalait, heureuse, les montagnes du Tyrol. Constamment elle disait à notre père : « Cette montagne est comme celle de mon Tyrol d’enfance. Que je suis heureuse d’y être! » « Notre père voyant ce nom comme une marque de bonheur, a donc décidé de lui donner le nom de Mont Tyrol. Jouant le jeu, il a même installé sur le chalet et le long du parcours d’une piste, des haut-parleurs qui diffusaient du matin au soir des airs de musique tyrolienne et de iodles tyroliens. Avec les années, il en avait même une énorme collection et aussitôt que l’une finissait, il en faisait jouer une autre. Ce qui a fait que partout sur les pistes, les skieurs iodlaient en dévalant les pistes. »
1987 : Mont Tyrol
Site sportif de plein air familial… éphémère
En décembre 1987, sous la plume de Lise B. Gendron du Sentier, nous apprenions que le « Mont-Tyrol prenait un nouvel envol » six ans après sa fermeture et devenait un site sportif de plein air familial, en accord avec Michel Dagenais, membre de la famille propriétaire du lieu.
Ce projet sous l’initiative de Gilbert Thibodeau, connu comme moniteur de ski offrait à la population hippolytoise de venir profiter, « sept jours sur sept de la patinoire au son de la musique, faire du toboggan, de la motoneige et du ski de fond ». Le site offre aussi un relais sportif pour manger et des possibilités d’hébergement.
Pour bien amorcer les activités hivernales, Gilbert Thibodeau et son alter ego, Richard Isabel, directeur des opérations, ont organisé en accord avec Germain Flamel, président du Club Optimiste, des festivités dans le cadre des Fêtes de l’Année. Ainsi, à Noël, le Père Noël, moyennant un montant de participation, « a distribué lors d’une soirée, des cadeaux aux enfants et au Réveillon du Jour de l’An, il était possible de participer à un Réveillon avec des tirages et des surprises tout au long de la soirée ».
Ce texte est une adaptation de l’article de Lise B. Gendron paru dans le journal Le Sentier, en décembre 1987.
https://journallesentier.ca/media/2018/01/decembre-1987.pdff