« L’église paroissiale a besoin des Hippolytois! », lancent depuis plusieurs années les responsables de la Fabrique de Saint-Hippolyte. L’effondrement, en mai dernier, de la croix de l’autel au cimetière et le besoin primordial de réparation de la toiture sont des indicateurs de l’urgence d’agir afin de préserver ce lieu patrimonial unique.
Venus déposer des fleurs au cimetière lors du dimanche de la fête des Mères, plusieurs visiteurs sont restés bouche bée devant la croix de l’autel renversée et la statue du Christ démembré, gisant face contre terre. Certains ont même cru à du vandalisme et ont alerté les policiers. Heureusement, il n’en était rien! Mais, cet incident montre le pressant besoin financier de l’administration pour voir aux plus urgentes réparations et en prévenir d’autres, peut-être plus décisives pour la survie de ce bâtiment.
Église paroissiale en péril
En 2019, l’église de Saint-Hippolyte comptait parmi les 54 églises du diocèse de Saint-Jérôme. De celles-là, 30 étaient menacées de fermer (et plusieurs ont fermé depuis!), faute de participation des paroissiens et de financement. « Il y a trop d’églises et pas assez de croyants, rappelait alors monseigneur Raymond Poisson, appelé pour aider à gérer ce dossier. Ces établissements sont remplis d’émotions, on ne peut pas faire n’importe quoi avec eux. Pour le moment, chaque paroisse est appelée à examiner leur situation, à faire des bilans et à décider si elle doit être fermée, fusionnée avec un autre établissement ou s’il est possible, élaborer un plan pour qu’elle reste ouverte. Une communauté sera plus à même de prendre cette décision difficile si elle obtient les données adéquates », concluait-il alors.1
Confinement qui modifie l’enjeu
Donc, soupir de soulagement des paroissiens, au bilan de l’année 2019, lorsque les administrateurs de la paroisse ont évalué qu’il était encore possible de maintenir leur lieu de culte ouvert. Mais, alors, ils comptaient sur une aide financière qui n’est pas arrivée, sur les contributions dominicales des participants et sur les profits du tirage annuel. Malheureusement, rien de cela n’a été au rendez-vous, à cause du confinement. Et le bâtiment a continué de se détériorer et a mis encore plus en péril les richesses inestimables qu’il représente.
Fermeture à venir… possible ?
« Le conseil de Fabrique est très actif et doit prendre bientôt des décisions importantes sur des réparations majeures à effectuer au bâtiment, précise Gilles Ducharme, membre du conseil et responsable du cimetière. La réparation de cet autel s’ajoute à celle majeure et attendue depuis longtemps, du toit. » La nouvelle présidente de ce conseil, Yolande Cadieux qui entre en fonction le 1er août, a déjà annoncé que ces points seront traités de façon prioritaire lors du premier conseil.2 « Le bâtiment a besoin de réparations majeures et des demandes ont été déposées depuis longtemps aux instances gouvernementales, mais la situation du COVID-19 a tout ralenti. Bien sûr, cette aide financière ne contribue que pour une partie des dépenses. Comme l’a précisé Mgr Poisson, pour le maintien de l’ouverture des églises du diocèse, il faut faire notre propre bilan et évaluer si les paroissiens-citoyens veulent toujours ce lieu de culte et dans le cas de Saint-Hippolyte, ce lieu patrimonial. » « Leur contribution est importante! », souligne Gilles Ducharme.
Préserver un patrimoine inestimable
Des éléments uniques constituent la grande valeur patrimoniale de cette église. D’abord, sa structure Art déco. Très moderne en 1933 au moment de sa construction, l’audace de sa charpente en arche de bois lamellé permet de créer un toit rond, comme celui de la coque d’un bateau. Ce style, réalisation remarquée de l’architecte québécois Ludger Lemieux, a aussi été utilisé pour la structure du Marché Atwater et de la Caserne 23, quartier Saint-Henri, déclarés actuellement monuments patrimoniaux nationaux. Puis, les vitraux lumineux, œuvres uniques de la firme O’Shea de Montréal, contribuent encore plus à cette valeur patrimoniale. Leurs valeurs résident dans les dessins inspirés du style du peintre Guido Nincheri reconnu mondialement, ainsi que dans les nuances et les grisailles de leurs couleurs, obtenues par un procédé secret de chauffage du verre de la firme O’Shea. On retrouve, entre autres, des vitraux de cette firme à la Basilique de l’oratoire Saint-Joseph, considérée elle aussi comme bien patrimonial national.
Préserver aussi le cimetière-jardin
L’aménagement de l’autel du cimetière, en 1970 et des 12 stèles qui constituent le Calvaire, s’inscrit à l’époque où ces lieux deviennent des jardins. « Les cimetières québécois sont des jardins de mémoire, d’art et d’histoire », affirme Michel Lessard, historien de l’art et du patrimoine funéraire.3 Dans les années 1960, le renouveau charismatique apporté du Concile Vatican II invite à des célébrations hors de l’église paroissiale. Des célébrations estivales sont organisées dont celle de la commémoration des défunts de l’année. Pour ce faire, les Fabriques aménagent un lieu, grotte et autre lieux où un autel extérieur facilite les célébrations. Certaines sont des œuvres d’art remarquables et s’ajoutent à l’environnement « jardin » créé avec les monuments stylisés des concessions des familles. « Les cimetières perdent leur aspect austère et lugubre qui les caractérise, souligne Michel Lessard. Ils s’embellissent, deviennent des jardins qu’on visite et où on y flâne, y appréciant la quiétude qui y règne ».
16 août à 10 h 30 : commémoration des défunts, appui financier à la paroisse
Fleurir la concession familiale est un geste symbolique. Lors de la célébration de la commémoration des défunts de l’année, les membres des familles sont invités à recevoir une fleur pour la déposer au cimetière. Ce geste symbolique célèbre la vie dans tout ce qu’elle représente d’amplitude : de la naissance à la mort.4 « Quel bon moment », rappelle Rita Bone, préposée à l’accueil au presbytère et combien présente depuis longtemps, pour contribuer à la vie de cette église. N’a-t-elle pas accueilli enfant : vos ancêtres, vos parents et, peut-être vous-mêmes ? Aujourd’hui, ne veille-t-elle pas encore sur eux, dans ce voyage pour l’éternité ? Madame Bone rappelle « qu’il est si facile d’aider comme le faisaient autrefois de généreux donateurs financiers. Contribuer parL’achat d’un billet de tirage de 100 $ contribue à cela. Chaque mois, d’octobre à juin, chacun a la chance de gagner, 1000 $ ou 100 $, mais surtout de contribuer à la préservation du lieu ! »
1 Mgr Poisson assume beaucoup de fonctions. Depuis le 1er juin 2020, le Pape François lui a confié la responsabilité des diocèses de Saint-Jérôme et de Mont-Laurier. Source : Morgan Lowrie. La Presse canadienne, Le Devoir, 7 janvier 2019.
2 Yolande Cadieux remplace François Fournier. Ce dernier, impliqué depuis l’année 2000 à la paroisse, a assumé le poste de président durant les dix dernières années.
3 Michel Lessard, Magasine Continuité, blogue, 4 octobre 2017.
4 Tirée de la liturgie de cette célébration.
Lieu ancestral du repos des âmes
Les recherches historiques actuelles indiquent que dès 1864, des paroissiens sont enterrés sur le terrain donné par Louis-Auguste Morin pour l’érection de la première chapelle. Après la construction de la deuxième chapelle (1866), on délimite une première fois, en 1869, un terrain à proximité comme site du cimetière. À cette époque, d’humbles stèles de bois ou de ciment fabriquées par les familles rappellent leur mémoire. En 1926, un premier aménagement des concessions et monuments est planifié. À l’entrée, l’obélisque de la famille de Louis-Auguste Morin (1843-1926) les accueille. En 1933, lors de la reconstruction d’une nouvelle église plus grande qui remplace celle détruite par le feu, on l’agrandit et le reconfigure. Trente ans plus tard, durant les années 1968 à 1970, afin de répondre à la demande accrue de concessions, on procède à une nouvelle configuration. Pour financer en partie le projet du déplacement des 60 sépultures et monuments, on érige un Calvaire composé d’un autel et de douze stations d’un chemin de croix, chacune représentée par un monument. Ces derniers sont offerts comme stèles funéraires aux familles. Finalement, dans les années 1990, un quatrième agrandissement permet l’ajout d’un columbarium et de quelques concessions
Aménagements des chapelles, églises et du cimetière de la paroisse de Saint-Hippolyte :
- Délimitation de la deuxième chapelle (1866) et du cimetière avec son charnier (1869);
- Première église (1877) sur l’emplacement de la deuxième chapelle;
- Obélisque de la famille Morin (1926) et deuxième aménagement du cimetière;
- Agrandissement de la deuxième église (1933), ajout de la sacristie et du vestibule;
- Troisième aménagement du cimetière (1968);
- Ajout du Calvaire : autel et douze monuments (1970);
- Quatrième aménagement : ajout d’un columbarium et de concessions (1990).