Dysenterie, diarrhée, rubéole, diphtérie, coqueluche, petite vérole et autres infections épidémiologiques menaçaient périodiquement nos ancêtres hippolytois. Comment autrefois, composions-nous avec ?
La pandémie actuelle de la COVID-19 nous alarme tous ! Cette situation subite, inattendue et surtout inhabituelle dans nos sociétés américaines, contemporaines et aseptisées, nous interpelle avec raison. Pourtant, bien avant l’apport de la médecine
actuelle, nos ancêtres hippolytois savaient composer avec ces « ennemis microscopiques invisibles ».
Mortalité infantile
Enfants et personnes âgées étaient fréquemment touchés par des dysenteries, fièvres charbonneuses, gales, typhus, diarrhées, goitres, rubéoles et coqueluches. Les risques étaient présents partout ! L’insidieuse variole appelée petite vérole faisait régulièrement des ravages. Cette infection n’a-t-elle pas décimé la moitié de la population des Premières Nations, à l’arrivée des Européens en Amérique ? Cette même infection a fait en 1885, à Montréal, 5864 morts et laissé 13 000 personnes défigurées.
Chez les familles hippolytoises
À elles seules, les infections représentaient plus de la moitié des mortalités infantiles (0 à 4 ans) dans la population canadienne-française. (1) Les exemples de ravages ne manquent pas dans les familles hippolytoises. Celle de la famille d’Azilda Sigouin (1868-1905), conjointe d’Octave Sylvain (1877-1925) où seulement six enfants survivront à 15 grossesses. Tout comme celle de Jules Lamoureux (1855-1929) et sa conjointe Alzire Clément (1862-1937) où ne survécurent que huit enfants des 20 grossesses. Triste bilan lorsqu’on feuillette le registre hippolytois des baptêmes et mortalités. (2) Facilement, on en trouve aussi dans les familles Labelle, Gohier, Dagenais, Thibault, Beauchamp, Lachance, Goyer, Sigouin, St-Onge, Ward, Hamilton et tant d’autres. Bien chanceuses les familles où de jeunes enfants ne mouraient pas !
Remèdes de grand-mères hippolytoises
Quelques personnes dans ces petites communautés de rang étaient détentrices de pratiques et de concoctions pour composer avec ces épidémies. Certaines connaissaient le secret des plantes, héritage des pratiques anciennes européennes et de
celles des Premières Nations et les faisaient pousser dans leur potager. Bouillie sucrée d’écorce d’aulne, de mélèze ou de graines de lin, concoctions d’ortie, de mélisse, de valériane, de plantain, de millepertuis étaient les antibiotiques populaires d’autrefois tout comme l’urine de jument enceinte.
Et que dire des pratiques ? Charles Charron, ancien conseiller municipal et grand spécialiste de la faune et de la flore, se rappelle de l’indispensable plumeau d’oie ou de canard, suspendu au mur derrière le poêle à bois qui, trempé dans un peu de kérosène de la lampe à l’huile, servait à guérir enflures, éraflures et coupures. Alphonse Sylvain et Lise Morin, sa conjointe, parlent du fameux bas de laine, de préférence rouge, autour du cou, et l’hiver, du carré de camphre odorant sous l’oreiller ou suspendu au vêtement. Porté par plusieurs membres d’une famille, il aseptisait l’environnement de la maison tout comme celui de l’école de rang ! « En entrant dans une maison, on sentait tout de suite par l’odeur de plantes aseptiques bouillies si quelqu’un était malade », se rappelle Serge Sigouin, pensant aux maisons de ses parents et grands-parents Lachance. Et, selon une certaine madame D.G.L. qui doit rester anonyme pour le maintien de son don reçu, celui de pouvoir arrêter, sang et douleur d’une brûlure par une évocation religieuse !
Pandémies présentes depuis longtemps dans le monde(3)
On oublie vite ! Pourtant, un simple regard dans le passé de l’humanité nous apporte tellement d’exemples d’épidémies vaincues. Dès la préhistoire, nos ancêtres côtoyant d’autres mammifères ont dû composer avec la tuberculose (encore 1,8 million de victimes en 2015) et différents types de pestes : galénique, bubonique et noire dont certaines ont fait des millions de morts sur toute la planète. Tout comme le choléra, la variole, les grippes espagnole et asiatique qui ont décimé des populations, malgré la découverte de l’inoculation (Jenner, 1789) et de la vaccination (Pasteur, 1880). Il n’y a pas si longtemps, la maladie de la vache folle (1990), le SRAS (2003) et encore aujourd’hui, le VIH a fait 36 millions de morts depuis 1970.
Actuellement, nous combattons la COVID-19 contre laquelle nous n’avons pas encore de vaccin reconnu.
COVID-19, première épidémie du 3e millénaire, mais sûrement pas la dernière ! Dans quelques semaines, l’épidémie actuelle sera sansdoute enrayée. Les humains auront appris l’importance de se laver les mains et d’adopter des gestes sanitaires. D’autres pandémies viendront. Peut-on penser, comme au temps des épidémies
d’autrefois, que les humains ne survivront pas à celles d’aujourd’hui que s’ils s’adaptent et composent avec ? N’estce pas la plus grande leçon que nous apporte la connaissance de notre passé ?
(1). Bernier, Jacques, Les causes de décès au Québec au 19e siècle, Université Laval, 1992, p.241.
(2). Berthe Forget-Brissette, Registre des baptêmes 1866-1910, des décès 1866-1990, Saint-Hippolyte de Kilkenny, 1993, 97 pages.
(3). Préhistoire : tuberculose présente, beaucoup de mortalité annuelle dans le monde. Année 2015, on évalue à 1,8 million de
décès, monde;
166 et 189 : Peste Antonine ou peste galénique, Empire romain, 10 millions de morts;
541 : Peste bubonique, Empire romain, 25 millions de morts; 1340 : Peste noire (Europe et Asie), 75 millions de morts. 1347 à 1352;
1664-1665: Peste bubonique, 20 % de la population de Londres soit 100 000 personnes;
1852 à1860 : Choléra, troisième pandémie, 1 million de personnes, Europe;
1918 et 1919 : Grippe espagnole, 50 et 100 millions de personnes, monde;
1968 à 1969, Grippe de Hong Kong ou grippe asiatique, 1 à 4 millions, monde;
1970 : Variole, 20 000 morts en Inde, mais 100 000 personnes annuellement, monde;
1970 : VIH, depuis 1970, 36 millions de morts et continue d’être un problème majeur de santé publique.