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Les legs des familles migrantes, 1930 – Migrants à l’origine d’une économie de services

Devenir hôtelier

Au rythme des demandes des vacanciers, après la naissance d’épicerie-dépanneurs, on assis te, dans les années 1930 à une économie de services. Celle-ci est principalement offerte par des migrants venant de la grande région métropolitaine et qui créent des établissements hôteliers.

Le territoire de Saint-Hippolyte en comptera jusqu’à plus de 20 entre 1920 et 1970 1 et attirera des milliers de vacanciers annuellement. Parmi ceux-là, deux seulement aujourd’hui continuent à offrir des services d’hébergement, des repas et de nombreuses activités de plein air : l’Auberge du Pin rouge et celle du lac Morency.

La Chaumine
Construite en 1932 par madame Labine, dans l’inspiration d’une auberge française offrant gîte et table recherchée dans une ambiance européenne, 2 elle attire rapidement des vacanciers habitués à voyager en Europe. Plusieurs autres propriétaires, par la suite, poursuivront cette même ambiance dans cet établissement, dont de janvier 1948 à 1949, Marcel B. Morency (voir l’encadré), Lucille et Reynolds Nolin en 1950, Pierre Traham et l’artiste Jacques Normand. En 1958, le propriétaire M. Belcombel meurt avec le pilote dans l’écrasement de leur hydravion qui tentait d’amerrir sur le lac. Sa veuve et sa fille Micheline resteront propriétaires de l’Auberge jusqu’en 1970. Puis avec monsieur Alphonse, propriétaire de la réputée boîte à chansons de Québec, Chez son père, l’hôtel devient le rendez-vous de plusieurs artistes de la colonie artistique montréalaise. Parmi ceux-là, bien qu’ils y séjournent pour s’y reposer et profiter de sa table d’inspiration européenne et de ses activités, plusieurs parraineront des festivités et des célébrations municipales. De 1970 à 1980, les propriétaires seront Louis et Henriette Gauville. Ces derniers commenceront à vendre des terrains autour de l’Auberge pour rentabiliser leur investissement. Des routes ouvertes porteront le prénom de leurs enfants.

Auberge et église, rendez-vous des sportifs olympiques
Aux Jeux olympiques d’été de Montréal en 1976, l’auberge est mobilisée pour accueillir des équipes olympiques, dont celle d’escrime de France qui s’entraîne dans l’église du village et celle de canoë-kayak canadienne, dont l’aire de pratique est le lac Morency. Durant ce moment, l’Auberge reçoit également des personnages importants, comme Maurice Herzog, ministre français et Jean Drapeau, maire de Montréal. Malgré tout, l’Auberge ferme ses portes à la fin des années 1980.

Auberge du lac Morency

En 1984, l’auberge renaît, mais cette fois sous le nom d’Auberge du lac Morency avec l’appui d’un financier torontois, Alex Burstein. François Péloquin, sommelier, dirige l’établissement qui mérite rapidement plusieurs prix : Zénith dans la catégorie Restauration, hôtellerie et tourisme, en 2000, Prix Desjardins 2002 de l’Association du tourisme des Laurentides (ATL). Entre 2002 et 2009, ce sera 40 chambres modernes et 89 condos selon une formule de multipropriété (time sharing) qui seront mis à la disposition de la clientèle. Les unités sont réparties dans plusieurs pavillons et forment un hameau d’où il est possible de pratiquer une multitude d’activités. 3 Classée quatre étoiles, sa cave à vin contient plus de 500 grands crus et est reconnue pour sa qualité par le magazine Wine Spectator. De plus, en 2012, un vignoble de 3000 vignes a été planté et produit un vin de glace sous le nom de la « Cuvée du raton voleur », allusion à ces petits brigands qui s’en nourrissent. Bien sûr, au menu, le saumon fumé maison et le canard sont à l’honneur. 4

Ils ont recherché et partagé
Ces hôteliers migrateurs qui ont adopté durant quelque temps Saint-Hippolyte ont apporté beaucoup dans l’entrepreneuriat des entreprises d’accueil des visiteurs. Ils ont bâti une réputation qui a, encore aujourd’hui, bonne presse jusqu’en Europe. À les côtoyer, les Hippolytois ont appris beaucoup et certains ont utilisé ces connaissances pour, à leur tour, offrir des services dans des domaines connexes.

 

 

 

De l’Abîme à Morency, par accident

En histoire, c’est en général la physiographique d’un lieu qui en crée la toponymie. Au pied du futur village de Saint- Hippolyte, le petit lac de tête encastré de montagnes et alimenté de sources est profond, son eau est sombre et froide à l’année. Tous ceux qui s’y sont arrêtés 5 l’ont qualifié d’abîme. C’est aussi ce nom qui est inscrit sur les cartes des arpenteurs gouvernementaux depuis 1803. 6 Mais en 1948, ce nom n’est guère invitant pour les touristes et villégiateurs qui cherchent dans les Laurentides un endroit pour vivre des vacances agréables et en sécurité. Marcel B. Morency est alors le nouveau propriétaire de l’hôtel La Chaumine. Estimant comme commerçant que le nom du lac présente une image négative pour favoriser les activités touristiques, il présente au conseil municipal du maire Félix Maillé une requête pour en changer le nom. Celui-ci, en période de promotion d’une économie touristique naissante avec l’amélioration des routes et leur ouverture en hiver, reçoit avec attention cette proposition. Malheureusement, monsieur Morency meurt subitement en août 1948 dans un accident d’hydravion en tentant l’expérience d’amerrir sur ce petit lac. Afin d’honorer sa demande, les membres de cette administration adoptent quelques mois plus tard, le nom Morency pour la nouvelle toponymie du lac.

1: A.Michel LeDoux, Saint-Hippolyte, Sur les chemins de son histoire 1869-2019, livre à paraître au début de décembre 2019.
2: D’autres établissements sur le territoire hippolytois adopteront ce type d’hébergement, Le Rendez-vous ou l’hôtel Rainville (lac des 14 Iles), Auberge Chez Pierre (lac Gordon) et l’Auberge des Cèdres (lac de l’Achigan).
3: Plage sécurisée et embarcations, sentiers de randonnée ouverts à l’année. Activités Aventure Plein Air Saint-Hippolyte offrant : randonnées en quad, en motoneige, en jeep hors-piste, excursions de pêche et ateliers.
4: Simon Diotte, LaPresse, 2014-01-01.
5: Premières Nations, coureurs des bois et premiers colons. Il n’y a donc pas d’incidence entre ce nom et la première propriétaire de la Chaumine, madame Labine, en 1932.
6: Arpenteur Écuyer (1803) Féré (1838) Larue (1840) Leclair (1886).