« Mme Boucher, pourriez-vous voir Olivier avant de commencer votre conférence avec les professeurs ? » Il est 16 heures moins le quart et ma conférence débute à 16 heures et quart. Un temps un peu court pour faire une intervention qui se tienne! Toutefois, je comprends vite que le moment est déterminant tant pour le jeune Oliver (5e année) que pour la directrice affolée qui semble vraiment en avoir assez.

 

On parle ici d’expulser Olivier pour violence répétée envers les élèves et les professeurs. La décision est imminente. Olivier, tête baissée, est assis à un pupitre dans le corridor à la porte de la direction. Il ne lève même pas les yeux lorsque la directrice et moi nous nous approchons de lui. Pas sûre qu’il soit conscient de l’urgence de la situation, de ce qui lui pend au-dessus de la tête.

  • Vient Olivier, il y a sûrement une classe où, toi et moi, on va pouvoir parler tranquille. Fais ça vite, on n’a que 15 minutes pour faire tourner une situation grave en une solution. Et cette situation est grave, car la directrice et le personnel enseignant songent à te faire changer d’école. Est-ce que je peux compter sur ta collaboration pendant quelques minutes ? Moi, je te pose des questions et, toi, tu fais de ton mieux pour me répondre. Moi, tout ce que je sais, c’est que tu sembles accumuler pas mal de colère à l’intérieur de toi puisque tu la distribues un peu partout dans l’école. Dis-moi Olivier, est-ce que la directrice exagère ou si tu es d’accord que ton comportement est raide, dérangeant, déplaisant, voire même agressant, pour plusieurs personnes ?
  • Oui, j’ai un mauvais comportement.
  • Donc, tu es d’accord pour dire que tu es un garçon fâché, très fâché et que tu déverses ta colère avec des coups et des mots durs.
  • Oui, c’est ça.
  • Je sais que ce que je vais te demander va te paraitre bébé… tu es un grand de 5e année, mais vu que l’on manque de temps, je prends un moyen rapide. Olivier, prends cette craie et, sur ce tableau, barbouille-moi ta colère… ta peine… pense à la quantité de frustration que tu portes ici, au niveau de ta poitrine et de ta mâchoire. Dessine-moi la quantité de colère qui te fait frapper, dire de mauvais mots et déranger les autres.

Olivier barbouille. Il remplit une grande partie du grand tableau vert placé devant lui. À cet instant, il entre en contact avec sa colère. Il barbouille et barbouille. La colère est au bout de ses doigts.

  • Elle est immense… Je me doutais bien qu’elle était immensément grande… Olivier, tu as sûrement de bonnes raisons pour être si fâché. Ces raisons, elles proviennent de l’école ou de la maison ?
  • De la maison. Mon père me bat et bat ma mère. Je le déteste. Il boit trop.
  • Donc, ta colère tu en as besoin à la maison pour te défendre et protéger ta mère.

À cet instant, la douleur d’Olivier est palpable. Je me dis que tant pis, mais les professeurs et la directrice attendront… j’ai besoin d’un peu plus de temps.

Je continue…

  • Olivier, est-ce qu’à l’école tu as besoin de toute cette colère pour te défendre ou défendre quelqu’un ?
  • Non
  • Les profs et les élèves sont gentils avec toi ?
  • Oui
  • Alors, efface le trop de colère au tableau et conserve la quantité dont tu as besoin ici à l’école.

Olivier n’en laisse qu’une minuscule partie au tableau.

  • Non, non Olivier. Conserves-en quand même un peu plus… Tu pars de beaucoup à rien : faut être réaliste. Tu peux en conserver… il s’agit maintenant d’apprendre à ne pas la déverser sur les autres.

Olivier rajoute un peu de gribouillis.

  • « Ne pas déverser ta colère », toi, tu dirais ça comment ?
  • Moins écœurer les autres.
  • Bon, on s’entend. À partir de maintenant, c’est notre objectif. Y a-t-il un adulte ici que tu aimes plus que les autres ?
  • Oui, Angèle. Elle est gentille.

 

Il est où le bonheur, il est où ?

De janvier à la fin juin, Angèle et moi sommes restées en contact. Chaque semaine, nous élaborions un plan de match pour enseigner à Olivier comment panser ses blessures et affirmer son bon cœur malgré certains événements difficiles. Olivier a également terminé sa 6e année avec ses amis. Les parents d’Olivier ont accepté de se faire aider.

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