Enseigner au cégep, une des plus belles occupations au monde. Même après avoir pris ma retraite, malgré moi, il y a 10 années, c’est toujours avec une grande nostalgie et une belle émotion que je vois arriver le début de l’année scolaire.
J’ai eu la chance d’enseigner la philosophie au Cégep de Saint-Jérôme pendant 36 ans. J’ai toujours aimé suivre cette vocation et comme Aristote, les péripatéticiens et les autres philosophes de l’Antiquité, je l’aurais fait sans salaire. Une belle vie.
Le premier cours
Pouvoir échanger avec des jeunes, d’une manière libre, sans être leur parent, leur patron, cela n’a pas de prix. Que d’émotions ! Le premier cours. Me présenter devant 168 beaux jeunes allumés, répartis dans quatre groupes. Leur annoncer que nous cheminerons ensemble pendant quatre beaux mois, à réfléchir avec Socrate qui se pose la question, il y a plus de 2 500 ans : « La justice, est-ce l’intérêt du plus fort ? » Et aussi avec Aristote qui affirmait, avec tous les Grecs : « Tous les humains ont par nature le désir de savoir », avec les stoïciens pour qui « Tout ce qui nous arrive nous arrive justement », avec Épicure qui nous exhorte de baser notre vie sur les « plaisirs naturels nécessaires » et ne pas accorder d’importance aux « plaisirs non naturels, non nécessaires », un anti-consommateur et un écologiste avant le temps.
Rien ne peut égaler ce travail
Enseigner au cégep, aux plus ouverts et aux plus beaux jeunes de notre société, âgés de 17 à 19 ans, rien ne peut égaler cela. Ça ne s’achète pas. Discuter après le cours, du contenu du cours ou de tout et de rien, avec quelques-uns d’entre eux, qui choisissaient librement de le faire, en tant que jeunes adultes échangeant avec un professeur de 50 ans, quelle joie immense !
Ayant connu la vie du collège classique en étant pensionnaire, je considère que la condition étudiante s’est dévalorisée avec la Révolution tranquille. De 12 000 dans les collèges classiques, le nombre d’étudiants a passé à 150 000 avec les cégeps, mais l’aide gouvernementale n’a pas suivi, ce qui obligea les étudiants à travailler de plus en plus pour vivre et étudier. La distinction traditionnelle entre Jeunes étudiants (JEC) et Jeunes travailleurs (JOC) disparut.
Excellentes conditions de travail
Évidemment, certains collègues se plaignaient de leur salaire trop peu élevé. Je leur disais : mon dentiste gagne plus que nous, mais il passe sa journée à réparer des caries, ce qui n’est pas très réjouissant, mon médecin aussi reçoit un salaire beaucoup plus élevé, mais il accompagne des gens malades, souvent aux derniers stades de la vie. Prof de cégep, un job incomparable!
Le salaire d’un prof de cégep ne se compare pas à celui d’un ingénieur, comme le suggérait une jeune collègue nouvellement engagée, mais quelles conditions de travail! Je me suis toujours présenté à mes cours enthousiaste et à la fin de l’année en juin, je vivais un petit deuil en ayant hâte de recommencer en septembre.
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