L’été dernier, elle s’est faite discrète. Cette année, à Saint-Hippolyte, elle prolifère. Au Québec, on la voit partout : sur le bord des autoroutes, dans les champs, les fossés, les terrains laissés en friche. Il en pousse même dans mon jardin et c’est avec un plaisir énorme que je la vois prendre vie et grandir. On la place souvent dans la catégorie des mauvaises herbes, mais, longtemps, elle fut considérée comme un véritable trésor, comme une véritable soie venue d’Amérique. Au 17e siècle, les Français la qualifiaient de soyer de la Nouvelle-France et lui attribuaient le titre de l’étoffe des rois. Ce n’est qu’après la conquête anglaise qu’elle perdit de sa notoriété.
Elle était aussi d’une grande utilité pour les Amérindiens. Elle fut utilisée en cuisine, pour le tissage des habits et la fabrication des cordages. Elle a de plus servi de contraceptif et de médicament pour guérir de la dysenterie et comme antitussif. Sa fibre est si douce qu’ils l’utilisaient pour fabriquer de doux vêtements pour leurs enfants. N’est-elle pas chaude, imperméable, absorbante et si légère que son poids ne pèse absolument pas sur ceux et celles qu’elle réchauffe et protège ? Sa racine s’enfonce jusqu’à trois mètres dans la terre. Chaque plante renferme 205 graines où sont reliées 788 fibres, de quoi tisser des couvertures et des vêtements aussi doux que chauds, pour ne pas dire chaleureux.
Elle fut longtemps considérée comme un don du ciel ou des dieux. Il est triste qu’aujourd’hui, nous ne lui accordions que le statut de mauvaise herbe. Elle est de plus d’une grande beauté. Admirer ses fibres qui sommeillent dans son cocon, les voir s’envoler tout en légèreté à l’automne ravit les courtisans de la nature. Et surtout, n’oublions pas qu’elle sert de niche aux vers du papillon monarque. C’est dans son ventre qu’il se développe et grandit jusqu’à son envol. Sans asclépiades, nous ne verrions pas ces magnifiques ailes tout en orangés et en jaune voleter et planer au-dessus de nos jardins.
Le monarque est le papillon emblématique du Canada, même si son aire d’hivernage est située au Mexique. Que ce papillon vienne nous rejoindre pendant l’été pour se reproduire au sein de l’asclépiade est quasi irréel et pourtant vrai. Il serait donc important d’accorder à cette plante tous les honneurs qu’elle mérite et rendre hommage à sa force, son utilité et à sa magnificence.